Les chutes et les falaises de la rivière Jean-Venne ressemblent à une mine exploitée depuis très longtemps. J’ai cherché à comprendre pourquoi et j’ai découvert sur la carte géologique du Québec qu’il y a une émergence de diabase, un dôme volcanique plus récent, qui a été érodée par la rivière et qui affleure juste à cet endroit: une mine de minéraux dont du cuivre et de la pierre de taille.
Entre la Chute-à-Michel et les Cascades Rochon au nord de la rivière Jean-Venne les géologues ont relevé une émergence de diabase très localisée. La rivière a érodé les couches de sol et mis à jour des minéraux que les amérindiens ont découverts: ils vivaient sur la rivière et la connaissaient bien.
Des dépôts de cuivre
Il y a du cuivre dans la rivière: c’est le métal de la préhistoire et il était très recherché. J’en ai trouvé des dépôts naturels sur le rocher là où les colons ont creusé pour installer la roue du moulin.
Au printemps j’ai agrandi ma rocaille sur le cap de roche juste au-dessus de ce secteur. On est en-haut de la falaise mais l’eau qui suinte est une boue chimique rouge; j’avais bien remarqué que les pierres étaient rouges je comprends pourquoi. Je vais avoir peur de me baigner dans la rivière dorénavant!
Ce que je me demande maintenant c’est si ce filon de cuivre est le seul ou si il y en a ailleurs. Il est finalement facile à repérer puisqu’on semble y avoir amené toute une variété de pierres précieuses autour d’une terrasse de pierres comme dans un lieu sacré.
Une roche minérale
On trouve partout sur le bord de la rivière et dans la rivière des morceaux d’une roche sédimentaire minérale très curieuse. En explorant une fissure du rocher j’en ai trouvé un morceau ce qui signifie que c’est un matériau local. J’ai fini par me rendre compte que ce que j’ai supposé être des morceaux de meule du moulin sont faits de ce même matériau; je comprends pourquoi ça ne ressemblait pas vraiment à une meule de moulin de 1850. Ce sont peut-être plutôt des morceaux de meule à polir la pierre!
De la pierre à polir
Entre les blocs de rocher il y a des couches de basaltes au grain fin qui se cassent en éclats durs et se polissent bien. J’ai fait l’expérience de polir un éclat: la pierre se polit sans endommager la meule et on obtient un tranchant très dur.
En faisant une recherche sur la dolérite j’ai eu une belle surprise. Il y a en Bretagne un dyke basaltique presque identique datant lui aussi du mésozoïque qui affleure au bord de la mer.
Bien sûr le paysage n’est pas exactement le même mais si je regarde le filon qui a été exploité sur le bord de la rivière Jean-Venne devant chez moi ça se ressemble beaucoup: les mêmes tâches vertes de minéraux et des blocs qu’on peut extraire relativement facilement peu à peu. Sous la coulée basaltique le rocher a chauffé et s’est transformé chimiquement en se cristallisant. On trouve donc des matériaux dans plusieurs couches.
Mieux encore, il y a un autre site où la dolérite a été exploitée à Sélédin-Plussulien:
…un site remarquable où, pendant 2000 ans les hommes du néolithique ont exploité une carrière de dolérite (métadolérite), roche dure et dense pour la fabrication de haches… Il s’agissait d’un des plus grands sites européens de production de haches taillées et polies. On peut chiffrer à quelque 6 millions le nombre de pièces sorties des ateliers de Sélédin en Plussulien sur une période de 2000 ans. Ces outils se retrouvent ensuite dans tout le nord-ouest de la France, mais aussi en Alsace, la vallée du Rhône, l’Angleterre.
En 2000 ans on a le temps de faire pas mal de travaux; les falaises de Chertsey ont dû être travaillées pendant très longtemps pour modifier à ce point le paysage, il s’agit de travaux colossaux. Voici un exemple de travail d’extraction dans la chute: les couches de basalte s’enlèvent facilement en suivant la veine volcanique.
Des pierres volcaniques
Dans la rivière beaucoup de roches volcaniques ont été dégagées par l’érosion. On trouve de petites pépites qui ressemblent à de l’or mais il y a aussi de gros blocs de pierre qui brillent au soleil, comme de la pyrite, la pierre à feu. À côté de la terrasse le sol a été en partie pavé avec ces pierres, c’est plutôt spécial.
Des pierres brûlées
Encore une fois dans un secteur très spécifique, au pied de la chute, on voit que presque toutes les pierres ont été brûlées par le feu. J’ai d’abord cru que c’étaient des pierres volcaniques, il y en a aussi. Mais dans mes recherches j’ai lu que c’était un signe très distinctif des campements amérindiens. Comme la rivière se divisait en 2 bras avant la chute (avant la construction des moulins) il y avait moins d’eau; on peut imaginer une belle plateforme de pierres et des bains saunas dans les trous naturels du rocher.
Journal d’une découverte
Le 14 juin j’ai signalé au Ministère de la Culture une découverte archéologique; voici toute la documentation que j’ai rassemblée depuis:
- Archéologie amérindienne – 14 juin
- Chertsey centre amérindien – 21 juin
- Une collection de cailloux – 25 juin
- Le parc des Cascades Rochon revisité – 27 juin
- Géologie: le faciès de Chertsey – 30 juin
- Les vrais fondateurs de Chertsey – 2 juillet
- Une mine dans la rivière – 5 juillet
- Archéologie amérindienne (suite) – 13 juillet
- Les experts ne savent pas tout – 22 juillet
- La politique culturelle du Québec – 17 août