Joliette possède un riche patrimoine historique, de nombreux panneaux documentent l’histoire de son patrimoine bâti dans les rues de la ville. Un panneau historique doit être clair et donner des informations exactes; l’information doit aussi être consistante d’un panneau à l’autre. Ce n’est pas simple puisque cet heureux projet a commencé il y a plusieurs années et que de nouvelles informations peuvent être trouvées n’importe quand.
Le panneau de la salle Rolland-Brunelle
En 2022 la ville de Joliette a retiré le panneau historique situé devant la salle de spectacle du CEGEP qui s’appelait Rolland Brunelle. À cause de l’actualité ce nom a dû être effacé:
Le piédestal du panneau est toujours là mais il est vide, un nouveau panneau sera posé un jour. Il a aussi fallu corriger la page du site internet de Joliette où le patrimoine bâti est répertorié. Ce n’est qu’un panneau parmi de plus en plus de panneaux dans la ville.
Une identité patrimoniale riche et non immuable: non immuable = muable?
Vie religieuse: la Mitaine
Les informations d’un panneau historique doivent être exactes en rapportant objectivement l’ensemble de la situation. Le panneau situé devant l’ancien temple protestant de Joliette nommé La Mitaine raconte l’histoire de cette communauté religieuse autrefois.
Dans l’histoire de Joliette, l’organisation des protestants en une réelle communauté se fait plutôt discrète jusqu’en 1852. On rapporte à cette date la présence, dans le village d’Industrie, du pasteur Joseph Vessot à la tête d’une mission presbytérienne…
En lisant ce panneau on se dit que la venue d’une communauté protestante à Joliette s’est faite facilement dans l’harmonie totale avec la majorité catholique de la population. Mais c’est un portrait enjolivé. Quand j’ai documenté l’histoire de la famille Vessot j’ai aussi lu que Joseph Vessot se faisait vandaliser son étal de bibles au marché et que quand le prédicateur Chiniquy est venu à la Mitaine il a eu une émeute. Il a fallu tolérer les protestants puisqu’ils étaient souvent les patrons, plus tard les catholiques s’en sont donc pris à la communauté juive plus vulnérable. Pour raconter l’histoire de la vie religieuse de Joliette objectivement il faudrait aussi mentionner ces faits.
En plus des panneaux sur son patrimoine bâti la ville a installé des panneaux présentant un circuit patrimonial. Devant la maison Vessot boulevard Base-de-Roc le panneau dit que la compagnie Vessot a été fondée en 1886. Je crois plutôt que la compagnie a été fondée en 1885; on pourrait même dire vers 1872 quand les Vessot ont acquis leur terrain et commencé à y fabriquer des outils.
C’est une erreur pas très grave mais elle montre toute la difficulté de la rédaction de ces textes: ils doivent être clairs, exacts, donner des sources d’information fiables que l’on peut vérifier. Je n’ai pas regardé tous les panneaux et je ne connais pas toute l’histoire de Joliette mais je suis persuadé que d’autres que moi ont trouvé de petites erreurs ou inexactitudes à signaler.
Quand les employés de la ville s’étaient trompé en installant le panneau de la maison Schwerer-Durand devant la maison Maurice-Lasalle j’avais remarqué que sur ce panneau il n’y a aucune information sur Maurice Lasalle ni sur la raison pour laquelle on a nommé cette maison en son honneur.
La maison Wenceslas-Pouliot
Cette semaine j’ai découvert un nouveau panneau patrimonial sur le boulevard Manseau. J’ai fini par le comprendre mais ça m’a pris un peu de temps. J’imagine un touriste qui lirait ce panneau.
On se trouve devant une magnifique maison construite en 1901. Je reproduis cette photo de la maison copiée sur la page du patrimoine bâti du site internet de Joliette pour l’illustrer. Le nom du photographe n’est pas précisé:
Donc on regarde cette maison et voici le panneau qu’on lit:
Je crois que, comme moi, tout le monde commence par regarder l’image du haut et pense qu’elle représente une photo ancienne de la maison et qu’on nous explique son architecture. Mais ça ne correspond pas à la maison que l’on regarde. En lisant toutes les informations on finit par comprendre mais ce serait plus clair si le texte de la légende commençait par: Le magasin Larochelle situé à tel endroit… Ce simple petit ajout aiderait le lecteur à comprendre immédiatement que c’est un autre édifice.
Il y a plusieurs panneaux dont l’information n’est pas claire. Sur celui de l’école Saint-Charles par exemple on voit aussi une photo d’une petite école qui ne ressemble pas du tout au bâtiment que l’on regarde. Celui-ci est beaucoup plus gros et n’a pas la même architecture. La seule information est que la source est la collection Jean Chevrette photographe.
Le texte de ce panneau commence par la phrase: dès 1852, une communauté protestante de huguenots français se forme au Village d’Industrie autour du colporteur de bibles Joseph Vessot. Le terme huguenot était le sobriquet donné aux protestants français pendant les guerres de religion au 16ème siècle; on les a aussi appelés parpaillots puis religionnaires mais ce n’était pas pour être respectueux.
Attribution des sources historiques
Les sources des images de ces panneaux sont attribuées à la collection Jean Chevrette photographe. Un touriste francophone comprendrait qu’un photographe nommé Jean Chevrette a laissé une collection d’archives et qu’il s’agit de deux de ses photographies. Et que son descendant nommé lui aussi Jean Chevrette qui a rédigé le texte du panneau doit être le propriétaire de la collection.
Mais je ne suis pas un touriste et je connaissais ces photos. Sur le panneau de la maison Wenceslas-Pouliot la première vient de Joliette Illustré 1893 et la seconde de La ville de Joliette, P.Q., Canada, 1913. Ce sont deux photographies publicitaires qu’on retrouve dans les journaux de l’époque, des documents d’archives appartenant à tous.
Voici l’information donnée par la BANQ pour la première: Joliette illustré : numéro souvenir de ses noces d’or, 1843-1893 / [Albert Gervais] ; [préface du Cte G.V.]., p. 41, ill. du haut. Si le photographe était connu il serait nommé bien sûr.
Il y a beaucoup de photos sur les panneaux de la ville dont la source indiquée est Jean Chevrette photographe. Un touriste pourrait s’étonner de la si longue carrière de ce photographe de Joliette qui a pris des photos depuis 1870 jusqu’après 1950…
La ville de Joliette devrait vérifier dans le dictionnaire la définition du mot source en histoire. Il ne semble pas y avoir de politique définie pour l’attribution des sources des images, chaque panneau est différent. Celle de la scierie Copping donne une information complète, d’autres ne donnent aucune source, il n’y a pas de constance.
C’est pourtant un problème délicat que l’attribution des sources et les droits de reproduction. Pour présenter une exposition bénévole de photos anciennes de Chertsey en 2017 la municipalité avait accordé un budget de $250 environ pour acheter à la BANQ le droit d’exposer 5 photos de son site d’archives. Les droits de reproduction des archives sont gratuits pour des sites internet de recherche sans but lucratif comme le mien mais pas pour les publications des municipalités selon mes informations. Mais je me trompe peut-être.
Le renouvellement des panneaux
Avec le temps les panneaux s’usent et il faut les refaire. C’est ce qui est arrivé au panneau de la fresque située près du pont Chevalier.
En 2021 j’avais écrit au service des loisirs pour leur signaler quelques anachronismes dans le texte de ce panneau mais à l’automne 2022 le même en neuf a été reposé. C’est dommage, en relisant le panneau je me suis aperçu que le nom Tarieu de Lanaudière des fondateurs de la ville de Joliette était mal orthographié. Les responsables auraient pu au moins relire le panneau avant de le reposer, quelqu’un se serait peut-être aperçu de l’erreur!
Je ne suis sans doute pas le seul à vouloir aider à améliorer les informations des panneaux historiques au fur et à mesure de leur renouvellement, la participation bénévole des citoyens pourrait aider. Il faudrait donc savoir à qui s’adresser pour être certain d’être écouté par une personne responsable. C’est un projet éducatif que je trouve très intéressant et si je fais quelques critiques c’est pour l’améliorer si possible.
L’ajout de nouveaux panneaux
D’après ce que je constate la ville ajoute régulièrement de nouveaux panneaux. Pendant l’été 2022 j’ai écrit au service des loisirs pour leur suggérer d’en ajouter un sur le site du Vieux Moulin au bord de la piste cyclable. J’ai reçu un accusé de réception.
Le choix des panneaux à installer appartient à la ville, c’est normal. Je suppose qu’il doit y avoir un comité et j’aimerais lui faire des suggestions mais comment le joindre?
Barthélemy Joliette présente à Mgr Ignace Bourget un plan de son village en présence d’Étienne Champagneur, clerc de Saint-Viateur, d’un ouvrier et d’un jeune élève.
Ajout 10 janvier 2023
La rédaction du panneau situé devant l’École Saint-Charles, l’ancienne école protestante, me semblait problématique, je l’ai signalé dans cette chronique. Le texte du panneau commence par la phrase: dès 1852, une communauté protestante de huguenots français se forme au Village d’Industrie autour du colporteur de bibles Joseph Vessot…
J’ai écrit à Jean-Louis Lalonde, un historien protestant qui a écrit une biographie de Joseph Vessot très documentée, pour lui demander ce qu’il pensait de ce texte. Voici sa réaction:
Je n’aurais pas formulé le passage de cette manière. En gros, le sobriquet huguenot est tombé en désuétude vers 1760 dans les textes d’époque. Ce qui n’a pas toujours été le cas dans les textes anglophones où on voulait marquer de cette façon l’appartenance française de ces protestants. Et chez eux le terme a subsisté, sans comporter le côté négatif du sobriquet. Certains convertis du 19e siècle ont recherché leurs origines et tenter (en vain) de faire une filiation entre eux et les huguenots. Le sociologue Jean Baubérot a intitulé son livre de 1985, Le retour des huguenots, en parlant des protestants du 19e et du 20e siècle en France. Il y a donc un certain flottement dans l’usage, mais se référer aux huguenots aujourd’hui est d’abord parler des protestants français des origines.
Un non-averti pourrait penser que la communauté de Joliette est constituée de Français immigrés qui se seraient regroupés à Joliette. Or, la communauté de Vessot, formée petit à petit depuis 1845 et particulièrement de 1847 à 1852 est constituée de onze protestants dont cinq enfants. Pierre Forget dit Dépatie et son épouse Angélique Gagnon, Joseph Lessart et Catherine Brions dit Lapierre en forment le premier noyau. L’arrivée de la famille suisse de Jean-François (dit Jean-Pierre) Girard en 1851 ou 1852 est considérée comme une bénédiction. D’après ces noms, il ne s’agit pas de Français protestants mais bien de Québécois aux noms traditionnels.
J’aurais donc été moins affirmatif sur la date de 1852 et j’aurais supprimé la mention « de huguenots » et préféré une communauté franco-protestante se forme… pour éviter toute ambiguïté avec française préférant francophone. Vessot ira a Saint-Thérèse dès 1853 mais reviendra plus tard à Joliette où il a une ferme et maison. Toute l’action de Vessot durant cette période, l’achat de sa maison et de sa terre sont détaillés dans le livre Joseph Vessot que la Société d’histoire de Joliette possède.
Effectivement, il y a eu une acceptation du protestantisme dans la région parce que certains catholiques étaient plus ouverts mais aussi parce qu’il y avait des anglophones protestants aussi qui y avaient une certaine influence. L’Église presbytérienne de Joliette sera formée en 1875 mais sera bilingue dès l’année suivante, Vessot étant remplacé par un pasteur bilingue justement.
Voilà donc ma réaction à votre courriel.
Le texte du panneau devrait donc commencer par la phrase: dès 1845, une communauté franco-protestante se forme au village d’Industrie autour du colporteur de bibles Joseph Vessot…
Je remercie M. Lalonde pour ces précisions. Et je m’étonne que la ville de Joliette n’ait pas demandé à la communauté protestante de Joliette de participer à la rédaction de ce panneau et de celui de la Mitaine qui racontent son histoire. La rédaction de ces panneaux historiques aurait tout à gagner de la participation des citoyens intéressés.
Ajout 22 juin 2023
Pour le bicentenaire de la fondation de la ville de Joliette une exposition de photos historiques est présentée au parc Louis Querbes sur des panneaux.
Ce panneau montre 2 fours à chaux qui étaient situés de chaque côté du pont des Dalles mais le commentaire du panneau ne dit pas un mot ni sur les fourneaux ni sur la Joliette Limestone and Quarry Company.
C’est une histoire intéressante et j’ai pu la documenter en quelques heures; la SHJL et la ville de Joliette ont préparé cette exposition pendant des mois mais ils n’ont pas pris le temps de le faire: Les fours à chaux de Joliette.
Un autre panneau situé dans le parc des Dalles montre ces fours à chaux, les photographies sont aussi de Jean Chevrette photographe.