Le 8 juin 1906 le premier numéro du journal L’Ami du Colon – Organe de la Coopérative des Colons du Nord est paru. Depuis 1891 les Chanoines Réguliers de l’Immaculée-Conception étaient installés dans leur monastère de Nominingue d’où ils faisaient la promotion de la colonisation, poursuivant la mission commencée par le curé Labelle. Jusqu’en 1912 ce journal raconte l’histoire locale des pays d’en-haut.
Pendant 15 ans j’ai habité la maison voisine du monastère, je connaissais l’histoire de L’Ami du Colon mais je ne l’avais encore jamais étudié attentivement.
L’Ami du Colon 1906-1907
Le premier numéro du journal publié le 8 juin 1906 a été numérisé par la BANQ mais il est endommagé. Celui de la semaine suivante est mieux. Les chanoines (C.R.I.C.) avaient engagé Amédée Denault comme éditeur-rédacteur du journal; il était déjà secrétaire de la coopérative fondée 3 mois plus tôt. L’Ami du Colon était l’organe de la Coopérative des Colons du Nord, journal hebdomadaire imprimé et publié à Nominingue. Il se vendait 2 sous et en payant l’abonnement annuel de $1.00 on devenait membre de la coopérative.
Le journal rapportait surtout les nouvelles locales. Dans le premier numéro on trouve 2 photos publiées à l’occasion de l’inauguration de l’église de la Ferme Neuve. Les photos étaient rares, elles étaient difficiles à reproduire et coûteuses.
L’Ami du Colon du 15 juin 1906
Pour montrer ce qu’on pouvait lire dans ce journal voici 3 des 4 pages publiées le 15 juin. Dans les nouvelles locales on lit que Nominingue préparait une grande fête les 20, 21 et 22 juin; il fallait que le village soit propre pour accueillir les visiteurs.
Les commerçants publiaient leurs annonces, ce qui permet de connaître les principaux marchands de cette époque et ce qu’ils vendaient. La plupart de ces noms de famille sont encore très présents à Nominingue et alentour.
Comme les livres étaient rares dans les campagnes tous les journaux publiaient un feuilleton, ici c’est Le roman d’un jeune « habitant » canadien par Napoléon Legendre. Le train du Pacifique Canadien partait à 4h30 de Montréal pour arriver à 1h10 à Nominingue, un trajet de presque 7 heures.
La dernière page du journal donnait le programme complet des Fêtes de Colonisation à Nominingue les 20, 21 et 22 juin.
La Coopérative des Colons du Nord
Le numéro du 22 juin expliquait le programme ainsi que les constitutions et règlements de la Coopérative des Colons du Nord fondée le 27 mars 1906, trois mois plus tôt. Son territoire commençait à Ste-Agathe vers le nord, il comprenait les vallées des rivières du Nord, la Rouge, la Nation et du Lièvre.
La liste des signataires montre que tous les curés de la région ont participé à la fondation de la coopérative, même le curé Génier du Rapide de l’Orignal (Mont-Laurier).
Je crois que cette coopérative n’a pas perduré car elle était plus théorique que pratique. Poursuivant la mission du Curé Labelle l’objectif des C.R.I.C. était de développer les cantons du nord vers l’Ontario et le Manitoba pour que la population québécoise les colonise plutôt que d’immigrer aux États-Unis, un projet utopique.
Il s’agissait d’un mouvement d’action catholique, pas d’une coopérative agricole.
Se dévouer aux intérêts du peuple en général, à ceux du patriotisme canadien-français et de la foi catholique plus spécialement.
Les fêtes de la colonisation
Pendant quelques jours les fêtes de la colonisation de Nominingue ont fait la une des journaux québécois. Mgr Sbarretti, délégué apostolique, l’honorable M. Gouin, premier ministre, le docteur Wilfrid Gagnon, grand-père de Séraphin Poudrier, ont fait des discours.
Dans l’édition du 20 juillet L’Ami du Colon a publié un supplément de 2 pages avec des photos pour faire le bilan de ces fêtes.
On trouve des informations très précises dans les nouvelles locales à propos de tous les villages de la région, je ne peux pas tout montrer. Par exemple dans cet article du 24 mai 1907 on lit que la compagnie Riordan endiguait les 2 lacs Nominingue pour élever le niveau de l’eau et faire descendre son bois plus facilement.
Lire L’Ami du Colon sur le site de la BANQ
Le Pionnier 1907-1912
En 1907 le journal a changé son nom pour Le Pionnier organe d’action sociale catholique et patriotique. Les devises étaient Dieu et mon Droit et Pour notre Foi et nos Foyers.
Les pages du Pionnier ont été numérisées en moins grande résolution par la BANQ ce qui rend leur lecture plus difficile (mais possible). Le journal est devenu bihebdomadaire puis en juin 1908 il est redevenu hebdomadaire. Il a été publié jusqu’en 1912.
Lire Le Pionnier sur le site de la BANQ
Le collège de Nominingue
Le curé Labelle avait fait venir les Jésuites pour fonder Nominingue en 1883. En 1891 ils ont été remplacés par des religieux français, les Chanoines Réguliers de l’Immaculée-Conception. Leur projet était de construire un collège à Nominingue pour que ce village devienne le chef-lieu du Nord. Les rues du village sont très larges, les fondateurs prévoyaient une ville avec son évêché et son palais de justice.
Quand la ligne de train a été prolongée de Nominingue à Mont-Laurier en 1909 la situation a changé. Le journal et la Coopérative ont rapidement fermé, Mont-Laurier est devenu le chef-lieu et le projet de collège a été déplacé. Le curé Génier avait le bras plus long. En 1914 les Chanoines Réguliers de l’Immaculée-Conception sont rentrés en France pour servir à la guerre.
Le collège a alors été transformé en Petit Séminaire diocésain par Mgr. Brunet, puis il a appartenu à différentes communautés religieuses.
Amédée Denault secrétaire de la Coopérative
Amédée Denault a d’abord été poète. Son poème Crois en Dieu a été primé en France en 1893. C’était un catholique fanatique.
Il croit fermement que son peuple est investi de la mission providentielle de prolonger dans le Nouveau Monde les grands desseins de Dieu par les fils de la France… Denault sera essentiellement un croisé, et sa plume de journaliste catholique, son épée.
Il collabore à la Feuille d’érable de Montréal en 1896, ainsi qu’au Pionnier de Sherbrooke puis au Pionnier de Montréal de 1899 à 1902. En 1906, à Nominingue, la toute nouvelle Coopérative des colons du Nord choisit Denault comme secrétaire et le désigne comme directeur de l’organe hebdomadaire dont elle se dote, l’Ami du colon. L’année suivante, il le transforme en semi-hebdomadaire et le renomme le Pionnier.
Biographie d’Amédée Denault
A. Denault a donc eu une grande influence sur la presse catholique de son époque. L’Église Catholique avait compris l’importance des journaux et commencé à les utiliser activement. Sa personnalité montre l’état d’esprit qui devait régner à la Coopérative des Colons du Nord. Les C.R.I.C. étaient eux aussi des fanatiques qui s’étaient enfui de la France païenne pour venir évangéliser les bons catholiques québécois. Pas d’alcool, pas de tabac et beaucoup de prières, les colons les trouvaient quand même un peu fatigants je crois.
En faisant la recherche sur Amédée Denault je suis tombé sur cet article du Bulletin du Cercle Juif de septembre 1984 qui décrit une autre version de l’histoire:
Pour la communauté juive Le Pionnier de Nominingue était l’organe d’informations de l’Action sociale catholique, réseau antisémitique très dangereux.
Vue aérienne de Nominingue
Sur cette vue aérienne de Nominingue le couvent des C.R.I.C. est en-haut du village près de l’église. J’ai habité dans la maison située à gauche qui abritait alors les Chanoinesses des Cinq-Plaies, des religieuses venues de France elles aussi qui s’occupaient du ménage des Chanoines en plus de tenir un hôpital et un orphelinat.
Très intéressant et belle mise en page Guillaume.
Merci pour tes commentaires. Je me demandais si tu avais des informations au sujet de l’article du Bulletin du Cercle Juif qui parle de La Macaza puisque tu y as habité. C’est écrit qu’il y avait dans les années 1930 des rassemblements de pédagogues et d’intellectuels de Montréal pendant l’été. C’est un sujet intéressant mais je n’ai pas trouvé d’autres informations.