Après la crise de 1929 l’Église Catholique a mené une campagne de renouveau moral en utilisant les outils de la modernité qu’elle dénonçait, la presse. À Joliette c’est le journal L’Action Populaire appartenant à l’Évêché qui a été enrôlé pour mener la croisade (et ses dérives). Quand on veut purifier les mœurs il faut trouver des coupables. À Joliette il y avait quelques juifs: ils ont déguerpi.
Aujourd’hui c’est à cause d’internet, autrefois c’était à cause de la presse, du cinéma et de la radio: protéger les jeunes des pensées et des images impures est toujours une urgence nationale en 2022.
Le bon journal: L’Action Populaire
C’est en janvier 1935 que le journal L’Action Populaire appartenant depuis 1918 à l’évêché de Joliette s’est autoproclamé le bon journal. Les intérêts catholiques exigent la présence de journaux qui ont la mission de défendre les esprits contre l’erreur, de propager la vérité, de redonner aux événements leur véritable proportion.
Le bon journal s’il attaque, c’est pour le triomphe de la justice, de la charité.
Pour favoriser la propagande de la morale publique le numéro spécial de Noël a été distribué gratuitement à tous avec le bulletin paroissial: le Père curé fait le vœu sincère que toutes les familles s’abonnent à l’Action populaire au cours de l’année.
La semaine sociale de Joliette en 1935
En juillet 1935 Joliette a accueilli la Semaine Sociale de Joliette: le cardinal Villeneuve, un archevêque et huit évêques, tout le gratin s’était déplacé. C’était le début de la nouvelle croisade pour la défense de la moralité publique mise en danger par le Progrès.
La démonstration a été grandiose, la conférence la plus courue a été celle de M. Victor Barrette à propos de l’influence des agents extérieurs (presse, cinéma, radio).
Les juifs coupables de tous les maux
Depuis quelques années déjà L’Action Populaire publiait des articles contre les affiches de cinéma placardées à la vue de tous dans les rues de Joliette pour charitablement défendre les âmes pures contre le juif de la rue St-Paul.
Il faut croire qu’à Joliette le progrès était principalement véhiculé par les juifs qui spéculaient en versant le poison sur la ville. Il y avait aussi les anglais et les américains mais les juifs étaient nettement les plus dérangeants à Joliette.
Le texte suivant est signé O. V. soit Omer Valois qui sera directeur du journal de 1938 à 1956. Il est ensuite devenu monseigneur et a été président de la Société Historique de Joliette, un être moralement parfait et une personnalité de Joliette.
Le règlement municipal no 50 anti-juif
Après la Semaine Sociale de 1935 L’Action catholique chez nous a travaillé fort pendant l’hiver pour mobiliser ses membres. Au printemps 1936, afin de sauvegarder la moralité publique, notre conseil municipal se rendait à la demande des membres de l’Action catholique et adoptait le règlement suivant:
Cet article du 1er octobre est assez troublant car la suite montre que certains bons catholiques trouvaient que ce n’était pas suffisant. Grâce au dévouement et à la fermeté de certains membres du Conseil municipal nous obtenions que la plage fut louée à un particulier qui en interdit l’entrée aux juifs en y plaçant des enseignes à cet effet, et d’autres invitant au respect de la morale.
Il semble qu’il y ait eu débat, tout le monde n’était pas d’accord; les bons catholiques ont tenu ferme et la majorité l’a emporté.
Le péril juif à Joliette: Péningue
En faisant la recherche pour l’article Péningue et le rang Saint-Gerlot j’avais trouvé quelques articles très violents contre les juifs de Péningue qui devraient aller en Palestine où il y a de la bonne terre arabe: Péningue doit cesser d’être la maison mère des juifs de Joliette.
Harry Schwartzman propriétaire le la Maison-Lacombe avait construit 40 chalets d’été qu’il louait à des familles de Montréal. Ils dansaient, ils se baignaient dans la rivière, ils dérangeaient les bonnes gens.
Bien sûr on pourrait faire la même recherche dans un autre pays de la même époque et trouver les mêmes résultats dans les journaux catholiques. Les juifs étaient à la fois les symboles de la finance capitaliste et du péril communiste, des boucs émissaires coupables de tous les maux. Dans l’autre journal de l’époque à Joliette, L’Étoile du Nord, on trouve aussi des remarques inacceptables aujourd’hui mais elles sont nettement plus rares et moins violentes.
En 1935 le R. P. Lorenzo Gauthier, clerc de St-Viateur a été nommé à la nouvelle paroise du Christ-Roi au nord de Joliette. Il rédigeait une chronique régulière dans L’Action Populaire donnant les nouvelles de sa paroisse Christ-Roi. Il se faisait appeler Père Curé et il a pris en main la moralité de son territoire. Un de ses objectifs était de faire déguerpir les juifs de sa paroisse. Au fond ce sont des peureux qui ont su exploiter notre candeur.
10 ans plus tard, après la guerre et le récit de la shoah connu de tous, le Père Curé du Christ-Roi était toujours inquiet des juifs de Péningue qui n’avaient pas encore totalement disparu de sa paroisse.
Ce n’est que vers 1965 que les juifs de Péningue ont définitivement déguerpi quand la famille Schwartzman a vendu la Maison Antoine-Lacombe à Serge Joyal. Le nom Péningue a alors été effacé des mémoires, le Père Curé avait rempli sa mission.
École et rue Lorenzo-Gauthier
Dans la toponymie de Saint-Charles-Borromée on trouve l’école et la rue Lorenzo Gauthier. Voici la notice publiée par la ville:
Le Père Curé Lorenzo Gauthier a travaillé fort pour animer sa paroisse du Christ-Roi. Comme tout un chacun il était loin d’être parfait et subissait les préjugés de son époque. Le devoir d’histoire ce n’est donc pas de rayer son nom de la liste mais de rappeler et d’expliquer ces préjugés en les mettant en contexte pour éviter leur répétition.