Catégorie: Histoire de Lanaudière
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St-Charles du Village d’Industrie en 1842

Le recensement de 1842 permet de connaître les noms et les métiers des premiers habitants de la ville de Joliette qui s’appelait St-Charles du Village d’Industrie en 1842. On peut le consulter sur le site de Bibliothèque et Archives Canada. Moins de 20 ans après sa fondation vers 1823 il y avait déjà plus de 1000 habitants dans le village, une croissance très rapide. La population était presque exclusivement canadienne française et catholique.

Peu après que l’Acte d’Union ait créé la province du Canada, comprenant le Canada-Ouest (l’actuelle province de l’Ontario) et le Canada-Est (l’actuelle province de Québec), les législateurs conviennent, en septembre 1841, du besoin de tenir un recensement. Ce dernier devait être complété avant le 1er février 1842.

BAC

En 1842 le Village d’Industrie est tout nouveau, les premiers défricheurs sont arrivés en 1823 et les moulins ont été construits par les seigneurs de Lavaltrie en 1824. Sur ce dessin on voit les 2 manoirs des 2 seigneurs à gauche et les moulins du Village d’Industrie au centre.

Les seigneurs du Village d’Industrie

Voici la page où les seigneurs de St-Charles du Village d’Industrie sont recensés:

Recensement du Village d'Industrie 1842 -1
Ligne 28: B. Joliette – Ligne 29: P.C. Loedel

Le recensement donne la liste des noms des chefs de famille avec le nombre de personnes habitant chaque maison. Pour chaque nom de famille il y a 89 colonnes sur 8 feuilles indiquant le nombre de personnes, le sexe, l’origine ethnique, la religion, les récoltes, les animaux,les établissements industriels, etc.

Au bas de la deuxième série de noms du recensement on remarque donc les noms des seigneurs Barthélémy Joliette et P. Chl. Loedel. En suivant les informations les concernant sur les 8 pages on lit sur la page 2 que Loedel est le seul protestant de sa famille (église d’Angleterre); il se déclare canadien français (sa mère est canadienne). La page 7 précise la tenure des terres: les seigneurs tiennent leurs terres en fief et en franc et commun bocage. Tél.(?) Papin, cultivateur, les tient en roture, c’est le seul du village. Les autres habitants sont des censitaires et leur tenure est précisée: un sou et une pinte de blé par arpent en superficie. Certains sont propriétaires de leur bien-fonds, d’autres non.

Recensement du Village d'Industrie 1842 -2
Ligne 25: B. Joliette – Ligne 26: P.C. Loedel

Il y a des ratures mais on voit dans les dernières colonnes à la ligne 25 que B. Joliette est propriétaire d’un moulin à farine, 9 moulanges, 1 moulin à avoine; sur la page suivante il déclare encore 2 moulins à scie, 1 moulin à foulon et 1 moulin à carder.

Déchiffrer l’écriture de cette époque n’est pas facile, j’ai marqué (?) quand je n’étais pas sûr.

Les premiers censitaires du Village d’Industrie

Sur la même page on trouve les familles d’Alonzo French, tanneur, et de (?) French, cordonnier, qui viennent des États-Unis; ils sont méthodistes, congrégationalistes et autres dénominations. La famille de J.-B. Tuifs(?), fabriceur d’orloge, vient aussi des États-Unis et est méthodiste. Sur d’autres pages on trouve encore le médecin Henry Hall et 2 familles Stansfild(?) appartenant à l’église d’Angleterre.

La famille de James Kelly est originaire d’Irlande et catholique, c’est la seule. Ce qui est étonnant puisqu’il y avait beaucoup d’immigrants irlandais dans la région. Les seigneurs ne devaient pas beaucoup les aimer!

Tous les autres habitants du village sont canadiens français et catholiques

Voici les autres pages contenant les listes de noms, il y en a 7 en tout. À la fin de la dernière page le nombre total d’habitants à St-Charles du Village d’Industrie en 1842 est de 1007 plus 77 absents lors du recensement.

L’économie d’un village de colonisation

Comme le métier de chaque chef de famille est précisé on peut se faire une bonne idée de la vie économique dans le village d’Industrie en 1842.

Déjà on remarque qu’il y a 2 seigneurs mais aucun prêtre. L’église a été construite en 1843. Voici la liste de tous les métiers en respectant l’orthographe de l’époque:

1 notaire, 1 médecin, 1 commerçant de bois (E. Scallon), 1 instituteur, 1 cardeur, 1 fabriceur d’orloge, 1 tanneur, 1 ferblantier, 1 chaumier ,2 boulangers, 2 négociants, 2 huissiers, 2 sieurs, 2 bourgeoises, 2 tonneliers, 3 meuniers, 4 forgerons, 4 cordonniers, 5 marchands, 5 charpentiers, 6 maçons, 6 chartiers, 13 menuisiers, 64 cultivateurs et 61 journailliers.

L’instituteur Alexandre Robillard tient une école que fréquentent 14 garçons et 6 filles. Il y a 4 magasins et 1 auberge, celle de Jean-B. Prudhomme. 61 cultivateurs sur 64 sont propriétaires de leur bien-fonds; seulement 26 journaliers sur 61 le sont. 10 menuisiers sur 13, 3 cordonniers sur 4, 3 chartiers sur 6, 4 forgerons sur 4: les artisans sont en général propriétaires. 2 personnes déclarent sieurs comme profession, Charles gougé et Louis Peltier (ou Pottier); ce ne sont pas des scieurs de bois mais des gentilshommes (voir la note à la fin).

Il y avait 4352 acres ou arpents de superficie occupée dont 1576 étaient cultivés. Les récoltes calculées en boisseaux de Winchester étaient:

  • 70 boisseaux de blé de froment
  • 208 boisseaux d’orge
  • 811 de seigle
  • 4374 d’avoine
  • 556 de pois
  • 45 de blé d’Inde
  • 64 de blé sarrazin
  • 7202 de patates
  • 1680 livres de sucre d’érable

Il y avait 309 bêtes à cornes, 159 chevaux, 285 moutons et 175 cochons.

Enfin il y avait 643 verges d’étoffe foulée manufacturée; 801 verges de toile, coton ou autre petite étoffe, manufacturée; 297 verges de flanelle, ou autre étoffe en laine, point foulée, manufacturée; 462 livres de laine obtenue.

Voici le seul plan que je connaisse du village d’Industrie, il date de 1850. Il a été fait pour la construction de la ligne de chemin à rails allant vers Rawdon. On peut voir les premières rues de la future ville de Joliette avec le pont de Dalles et le pont des moulins qui permettaient de traverser la rivière. Le pont des moulins était plus en amont que le pont actuel, dans le prolongement de la rue de Lanaudière.

L'Industrie en 1850 - BANQ
Village d’Industrie en 1850 – BANQ

Les recensements de 1851 et 1861

Malheureusement les données du recensement de 1851 n’ont pas survécu, voici ce qu’indique la recherche: Sous-distrit 37 – Saint-Charles Borromée (les documents du recensement n’ont pas survécu). Le village s’appelait donc officiellement Saint-Charles Borromée en 1851.

Quant au recensement de 1861 il est de tellement mauvaise qualité qu’il est presque illisible, donc difficile à interpréter. D’ailleurs Adolphe Magnan qui a fait le recensement de la paroisse Saint-Charles-Borromée du district de Joliette en 1861 a écrit une longue remarque à la fin de son travail pour se plaindre aux autorités:

Je regrette d’avoir à remarquer que les cédules fournies par le Bureau de Statistique pour faire le présent recensement ait été imprimés sur papier d’une si piètre(?) qualité. Tandis que l’on observe généralement que les cédules en langue anglaise ont été imprimées sur bon papier et très convenable. Outre la préférence que le bureau paraît accorder à la population anglaise il insulte par le fait la population française…

Adolphe Magnan
Recensement Joliette 1861

Première page du recensement de Joliette de 1861: les noms sont presque illisibles:

Recensement de 1861 - page 1

Joliette 190?

Joliette 190? - Archives de Montréal
Joliette 190? – Archives de Montréal

Note

Dans un document de la BANQ datant du 15 janvier 1838 concernant la rébellion des patriotes on trouve les noms des 2 sieurs du village en 1842, Charles Gougé et Louis Peltier (Pottier?). Charles Gougé était alors aubergiste à St-Paul et un certain Antoine Peltier, huissier.

Recherche sur l’histoire de Joliette

Cet article vient compléter ma recherche sur l’histoire du commerce et de l’industrie à Joliette:

Carte du Québec

5 réflexions au sujet de “St-Charles du Village d’Industrie en 1842”

  1. François Vézina, ferblantier, et son épouse Éloïse Dupont, fille de Jean Dupont et de Marguerite Lauzon (mariés à mariage le 28 novembre 1844) iront s’établir dans la paroisse Saint-Charles-Borromée, où ils vont demeurer jusqu’à leur établissement à Belœil vers 1865. Auriez-vous rencontré ce nom dans vos recherches. Sauriez-vous où ils habitaient à Joliette?
    Merci. Pierre Gadbois

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  2. François Vézina va aller s’établir comme ferblantier à Saint-Charles-Borromée (Joliette) après son mariage le 28 novembre 1844 avec Éloïse Dupont où ils vont demeurer jusqu’à leur établissement à Belœil vers 1865.

    Auriez-vous rencontré ce couple au cours de vos recherches et savez-vous où ils pouvaient demeurer à Joliette?

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