Histoire d’un établissement paroissial de colonisation – Saint-Jean de Matha a été publié en 1888 par le curé Stanislas-Théophile Provost. Le village de St-Jean de Matha a commencé à se peupler vers 1850 et son curé raconte l’histoire de ses premiers habitants alors qu’en 1888 la paroisse se dépeuplait, beaucoup de familles préférant aller vivre aux États-Unis où la vie était plus facile.
La seigneurie de Ramezay ou Ramsay
Le territoire de Saint-Jean de Matha était situé dans la partie nord de la seigneurie de Ramsay. En 1855 des cartes des seigneuries de Ramezay et de D’aillebout ont été publiées, une indiquant les concessions, l’autre identifiant les propriétaires terriens dont Charlotte-Mélanie Panet, veuve de feu Louis Lévesque, William Bercy ayant épousé Louise-Amédée Panet, sieur Pierre-Louis Panet ainsi que mesdames Lamothe et Benjamin Abbott. La première carte montre la division des concessions qui ont été faites par les seigneurs.
La deuxième carte montre les églises de Ste-Mélanie, St-Félix-de-Valois et St-Jean-de-Matha. La seigneurie d’Ailleboust est à gauche, celle de Ramsay à droite et la rivière L’Assomption traverse le territoire. La seigneurie de Ramsay était divisée en 3 parts, à l’est la part de Madame Abbott, à l’ouest la part de P.-L. Panet au sud et celle de Madame Lamothe au nord.
Histoire d’un établissement paroissial
En 1883 le curé Provost avait déjà publié «La Bourse et la Vie», un hymne à la colonisation de la Matavaisie, nouvelle terre promise située au nord de Joliette dans la vallée de la rivière Matawin. En 1888 il était curé de St-Jean-de-Matha quand il a publié son historique de la fondation du village.
Quand les premiers colons sont arrivés vers 1836 les coureurs des bois, les acheteurs de limites, les travailleurs de chantier se croyaient bien les seuls… Il y avait déjà de l’action dans la forêt pour exploiter le bois le plus facile à transporter le long des rivières. La carte de l’arpenteur Laurent dorval en 1842 montre que le territoire de la seigneurie de Ramsay commençait tout juste à s’ouvrir à la colonisation. À l’ouest de la rivière L’Assomption tous les lots sont arpentés, à l’est il n’y a que le rang St-Léon.
Le rang double de Ste-Louise
Le rang de Ste-Louise aux abords du trait quarré. qui en sépare les deux concessions, comptera pour ses premiers habitants les quatre frères Ducharme déjà nommés, David, Prosper, Hilaire et Maxime, puis Joachim et Alexis Ayotte, celui qui fut plus tard le premier marguillier comptable de la nouvelle paroisse, puis Louis Forget, François Charette, Régis Robitaille, Alexis Sylvestre, Mathias Girard, Hardouin Coutu, qui à eux six donnèrent, comme nous le verrons plus loin, le terrain de l’église ; puis Jean Baptiste Charbonneau, Gonzague Lavoie, Noël Champagne, Gabriel Pelletier, Narcisse Ménard, à l’est ; puis encore les quatre frères Comtois, Jean, Charles, Joseph et Jean Baptiste, Louis Rondeau, Jean Baptiste Robitaille, Hercule Durand, du côté de l’ouest.
Le premier chemin pour se rendre à St-Jean de Matha partait de St-Félix et contournait les montagnes pour arriver jusqu’au rang Ste-Louise.
Déjà quelques années auparavant, c’est-à-dire vers 1846, l’on s’était occupé de corriger le chemin tortueux et temporaire par lequel on se rendait du pied des montagnes au rang de Ste-Louise. L’on avait primitivement établi plusieurs sucreries dans cet espace de terrain, et de l’une à l’autre on s’était fait une route qui louvoyait de l’ouest à l’est et réciproquement.
Sur cette carte datée de 1849 on voit le chemin partant de St-Félix (Castle Hill) qui montait vers le rang Ste-Louise en contournant les montagnes. Il desservait les rangs qui se peuplaient peu à peu.
Rangs de St-Léon et de St-Guillaume
Les familles Pelland, Rival, De la Durantaye, Charbonneau, Gadoury furent les premières qui s’établirent dans ce rang. Le chef de la famille Gadoury s’appelait Léon, de là, très probablement le nom de St-Léon donné à la concession.
Les premiers habitants de St-Léon furent précédés de quelques années par ceux du rang double de St-Guillaume, bien que celui-ci soit à vingt arpents plus loin. On remarque ici, peu après 1840 Jean Baptiste Clermont, son fils Onésime, Olivier Rondeau, Narcisse Clermont, Emmanuel Rondeau, Pierre Danais, F. Xavier Roy, Paul Champagne, Antoine St-Georges, Joseph Bonin, Joseph Charbonneau, puis dans la partie ouest, François Ducharme, Antoine Robillard, Pierre Gadoury fils, Jean Baptiste Coutu.
Rangs Ste-Julie et de St-Joseph, de Ste-Catherine et de Ste-Eugénie
Un nouveau rang est arpenté, sa direction est à angle droit avec les concessions précédentes. Cette nouvelle concession s’appelle Ste-Julie. Elle part de l’extrémité des terres de St-Guillaume, longe celle du rang de Ste-Louise et se prolonge vers le nord jusqu’au grand lac Noir. C’est une longue et large vallée qui n’a pas le moindre accident dans ses terrains… Pierre Forget,Bénoni Brault, Rémi Mailhot, François Pariseau, Nicolas Laurence, André Perreault, Nicolas Bonin, Urgel Jobin, Alexis Gervais, François Robitaille, Benjamin Lippé, sont les premiers résidents de Ste-Julie.
D’autres arrivent peu après, on avance un peu plus loin, on établit quelques sucreries, puis on demande des arpentages. Madame Eugénie Panet, seigneuresse, épouse de Mr. Abbot, donne son nom à une nouvelle concession, le rang double de Ste-Eugénie et de Ste-Catherine. Le rang de St-Joseph s’ouvre en ·même temps, François Rondeau, Gabriel Ayotte, Médard Latendresse, Olivier St-Georges, Thaddé Belleville en occupent les premières et principales terres, sur les bords du lac Noir, au-delà du Pain de sucre.
Établissement Geoffroy rivière Noire
Ici, en 1858, vient s’établir Paschal Geoffroy, ci- devant de Ste-Mélanie D’Aillebouts. Il avait une jolie propriété dans une des concessions de cette paroisse, mais sa famille se composant entr’autres de sept garçons forts et robustes qu’il aurait aimé voir réunis autour de lui, il ne voit pas de moyen plus, sûr pour atteindre ce but que de prendre le chemin des nouveaux établissements de St-Jean de Matha.
En 1859 P. Geoffroy avait construit un moulin à scie au confluent des rivières Noire et Blanche. Comme c’était le seul moulin dans le secteur les habitants venaient y faire scier leur bois de construction. Cette carte est datée de 189? par la BANQ mais c’est une erreur, elle est plus ancienne. On y voit la place à moulin et 2 ponts sur la rivière Noire, en amont et en aval. La grande chute au confluent de la rivière L’Assomption est la chute Monte-à-Peine ou Montapel.
Sur cette carte le territoire de St-Jean de Matha ne comporte aucun nom de concessionnaire alors que les lots plus à l’ouest dans la seigneurie d’Ailleboust sont déjà occupés et le nom de leurs propriétaires inscrit.
Rangs de St-Pierre, de la rivière Blanche, de la Feuille d’Érable, de Belle Montagne
Ce qui facilita le rapide établissement de cette partie de la paroisse, c’est que déjà les deux rangs de St-Pierre étaient partiellement défrichés’et que les terres du second rang sont contigues à celles de la rivière Noire. On comptait parmi les premiers occupants Norbert Durand, Liboire Ayotte, Louis Robitaille, Paschal et Vincent Beauséjour, Narcisse Beaulieu.
De nouvelles concessions s’ouvrent en arrière de St-Pierre et de la rivière Noire, ce sont celles de la Feuille d’Erable, de la rivière Blanche, de Belle Montagne dont les lignes de division sont
perpendiculaires à celles des concessions précédentes.
La première école et la construction de la chapelle
Il y avait, cette année là (1852), mi-chemin entre St-Guillaume et Ste-Louise, en face de la résidence actuelle de M. Urgel Archambeault, une première et unique école qui rassemblait, depuis 1850 époque de son érection, les enfants de ces deux principales concessions. Elle était dirigée par M. Pierre Robillard, fils d’Antoine…
C’est dans cette maison d’école que les paroissiens se sont rassemblés pour demander leur détachement de la paroisse de St-Félix et la construction d’une église. En 1854 une chapelle de 80 pieds par 45 de largeur et 25 de haut ainsi qu’un presbytère et une école ont été construits.
Dans l’automne de la même année 1853, le 14 octobre, on fit une élection de sept syndics qui devaient se charger de voir sans délai à la construction des édifices religieux ainsi qu’aux moyens à prendre pour arriver à cette fin. Furent élus à l’unanimité les cultivateurs suivants: Etienne Ducharme, Jean-Baptiste Robitaille, Joseph Roberge, Jérémie Breault, Régis Robitaille, Alexis Ayotte, Emmanuel Rondeau.
En 1855 le plan de la moitié Nord Est de la Seigneurie de Ramzey dans le Comté de Berthier appartenant à Dame Therese E. Abbott a été dessiné plus précisément. La carte est très haute, sur cette partie on voit l’église de St-Jean-de-Matha en-haut à gauche:
Plus haut vers le lac Noir on lit les noms des familles Belleville, Georges, Duval, Robillard, Latendresse, Desroches.
Les moulins du lac Noir
Le 4 mai 1881 Jérôme Robillard instituteur et agent seigneurial de Ste-Mélanie a vendu à Pierre Edouard McConville et Charles Bazinet de Joliette un pouvoir d’eau situé à la décharge du lac Noir en bas du pont avec le terrain nécesaire pour la construction de moulins. Le 16 juillet Mathias Girard a vendu à Charles Bazinet un terrain pour construire un moulin et un autre pour un chemin; le 15 juillet Nicolas Laurence lui avait déjà vendu 2 terrains au bord de la rivière Noire. Le 23 juillet Pierre Edouard McConville, Charles Basinet et Antoine Levi Octave Daoust ont formé une société pour y construire un moulin à scie sous le nom de Basinet & Cie.
Le 29 octobre 1881 Thadée Barthe dit Belleville et Léon Gadoury cultivateurs de St-Jean-de-Matha ont protesté contre Pierre Edouard McConville, Charles Bazinet et Antoine Levi Octave Daoust entrepreneurs de Joliette qui avaient fait construire une chaussée à la décharge du lac Noir pour leurs moulins à scie et à farine(?) qui inondait leur terrain. Le 26 août 1882 Thadée Belleville et Léon Gadoury ont de nouveau protesté contre la société Charles Basinet & Cie chacun avec une sommation.
Le 18 novembre 1882 Marie Elmire Lalonde veuve de A. L. O. Daoust a vendu sa part des moulins aux autres associés, un pouvoir d’eau situé en bas du pont de la décharge du lac Noir, un terrain dans la concession Ste-Mélanie de St-Jean-de-Matha sur la rivière Noire avec un moulin à scie et un autre terrain sur le rang Panet en bas de la chaussée. Charles Basinet et Pierre Edouard McConville ont formé une nouvelle société nommée Basinet & McConville en ajoutant à leurs propriétés un terrain de St-Damien, le lot N°18 du 13ème rang de Brandon; les lots N°20 et 21 de la concession St-Joseph et 20 et 21 de la concession Ste-Marie de Ste-Emmelie de l’Énergie; un terrain du rang Abbott à St-Jean-de-Matha. La Banque d’Hochelaga leur avait avancé la somme de 4.000 piastres et ils ont hypothéqué leurs propriétés en garantie; et en plus 20 parts de la Fonderie de Joliette pour 2.000 piastres et 2 parts de la Compagnie à Bois de Joliette (2/11ème) pour 1.400 piastres par P.E. McConville; 1 part de la Compagnie à Bois (1/11ème) pour 700 piastres par C. Basinet.
Le 6 octobre 1884 P.E. McConville a vendu à C. Basinet tous ses droits dans la société pour 1.800 piastres.
St-Jean de Matha en 1888
En 1888 le curé Provost faisait la publicité de sa paroisse. Il décrit l’activité commerciale du village. Il annonce surtout la venue prochaine du chemin de fer promis qui va enfin apporter la prospérité au village.
Malheureusement en 1888 plusieurs propriétaires étaient absents, ils étaient partis aux États-Unis dans l’espérance de faire plus d’argent. Dans certains rangs la moitié des maisons étaient fermées.
C’est un triste constat pour T. Provost qui a été un des principaux promoteurs de la colonisation des territoires du nord de Lanaudière.
Les curés Thomas-Léandre et son frère Louis-Moïse Brassard ainsi que Théophile-Stanislas Provost ont ouvert le territoire de Saint-Côme, Saint-Michel-des-Saints et Saint-Zénon depuis 1862. Les cantons Provost et Brassard sont baptisés de leur nom (1868), ce sont les fondateurs reconnus de ces nouveaux territoires qu’ils connaissent très bien.
Idéologie de la colonisation: la Matavaisie
En donnant l’histoire de la paroisse de St-Jean de Matha, nous avons vu la fertilité de ses terres, le nombre et la force de ses pouvoirs d’eau, la quantité comme la qualité de ses bois, les moyens qu’a cette localité enfin de s’assurer un avenir brillant et prospère.
Le curé Provost ne mentionne pas Louis Cyr, le héros de St-Jean-de-Matha. En 1882 il s’y était marié à Mélina Comtois et s’y est installé quelque temps. Mais lui aussi était attiré par la vie plus facile aux États-Unis:
En 1882, la famille Cyr revient au Québec. Cette même année, Louis se marie et, pour gagner sa vie, il se fait bûcheron. Au camp, où les distractions sont plutôt rares, l’exhibition de sa force est l’une des activités les plus prisées. Il réalise exploits par-dessus exploits, dont le caractère exceptionnel est rapidement rendu public. Au printemps de 1883, dans le but d’améliorer sa situation financière, Cyr décide de retourner à Lowell avec sa femme.
Biographie de Louis Cyr
Référence: Histoire d’un établissement paroissial de colonisation, St-Jean de Matha
La pêche de Shawagane et son canot
En regargant les anciennes cartes on trouve des informations surprenantes. Sur un plan des seigneuries Ramsay et D’Ailleboust de 1842 on remarque un détail intéressant sur la rivière à la décharge du lac Cloutier situé à Ste-Béatrix à l’ouest de St-Jean de Matha. L’arpenteur Laurent Dorval a dessiné la pêche du sauvage Shawagane et son canot à côté d’une chaussée de castors. Plus bas sur la rivière il y a une place de moulins puis une chute et un pont.
Sur cette carte à la date incertaine on voit que cet emplacement se trouve dans la seigneurie d’Ailleboust où une partie des terres avaient déjà été concédées sur la rive ouest de la rivière L’Assomption.
En 2003 Claude Gélinas avait publié une recherche sur la présence des Abénaquis au nord du Saint-Laurent dans les forêts de la Mauricie; pour le secteur de Maskinongé il écrit que le propriétaire du territoire de chasse était Sowagan.
Lire aussi:
- Les sucreries de Ste-Béatrix et St-Jean-de-Matha en 1834
- Les seigneuries de Ramezay et D’Ailleboust vers 1855