Heureusement les mentalités ont évolué: on ne peut plus se servir des rivières comme poubelle. La pollution des rivières est moins visible, elle provient principalement des produits chimiques de l’agriculture et des égoûts municipaux. En 1968 et 1969 le ministère du tourisme avait fait constater par des séries de photographies que la rivière de l’Assomption servait de dépotoir à ses riverains, des images très choquantes.
Quand on fait la recherche pollution assomption sur internet le premier résultat affiché est un article du ministère de l’environnement du Québec datant de 1997:
De l’azote et du phosphore à la tonne. Le bassin de la rivière L’Assomption souffre d’une très forte production de fertilisants d’origine animale. Les volumes d’engrais de ferme qui y sont générés annuellement représentent pas moins de 5400 tonnes d’azote et de 1250 tonnes de phosphore.
Bassin versant de la rivière L’Assomption (1997)
La plage du parc Léo-Jacques à L’Assomption
La situation s’est sans doute améliorée depuis 1997 puisque la ville de L’Assomption a ouvert une plage municipale en 2021 et invite sa population à venir s’y baigner.
En mars 2021 la Fondation Rivières a publié le communiqué suivant:
Qualité de l’eau de la rivière L’Assomption : La baignade est possible en été!
La Fondation Rivières et la Ville de L’Assomption rendent publics les résultats de la surveillance en continu de la qualité de l’eau de la rivière L’Assomption à la prise d’eau du Centre de traitement Jean-Perreault et à l’aire de détente du parc Léo-Jacques à L’Assomption. Ce projet pilote révèle des informations étonnantes qui permettent aujourd’hui de poser ces trois principaux constats:
- l’eau est généralement adéquate pour la baignade dans les mois d’été;
- dès septembre, il y a une pollution persistante et des déversements municipaux intensifs en amont;
- la contamination de l’eau par les coli est majoritairement d’origine humaine et non agricole.
Ce rapport n’est quand même pas très engageant et j’hésiterais à aller me baigner dans la rivière. Le parc Léo-Jacques est situé en amont de la ville dans la boucle de la rivière et il y a une belle plage de sable ouverte au public.
Le flottage du bois sur la rivière de L’Assomption
Des moulins à scies ont été construits sur la rivière dès le XVIIIème siècle puis l’exploitation du bois s’est intensifiée et des millions de billots ont été descendus en flottant sur la rivière pour approvisionner les moulins de Charlemagne, Repentigny et le marché d’exportation de Québec. En 1825 les moulins du village d’Industrie produisaient environ 50.000 madriers par an mais il y avait d’autres gros moulins le long de l’Assomption et sur la rivière Ouareau.

À la fin du siècle le marché du bois de pulpe pour la fabrication du papier s’est développé et chaque compagnie faisait descendre des centaines de milliers de billots par la rivière. Son cours était devenu très irrégulier à cause du déboisement dans les forêts des Laurentides.
En août 1892 le niveau de la rivière de l’Assomption a soudain monté de 2 pieds et 50.000 billots du moulin de Charlemagne qui étaient bloqués en amont de la rivière sont descendus; 15 à 20.000 se sont entassés sur les chevalets du pont situé devant l’église de L’Assomption qui s’est écroulé sur une centaine de pieds. Le reste des billots s’est entassé dans le boom situé à l’embouchure de la rivière.

Le flottage du bois a cessé quand les camions ont pris la relève de la rivière pour son transport dans les années 1950. Comme dans les autres rivières de drave beaucoup de résidus de bois avaient pollué l’Assomption et ont persisté. Cette photo de la rivière L’Assomption à St-Paul-l’Ermite (non datée) montre l’aspect de la rivière vers son embouchure à cette époque.
Le cours de la rivière l’Assomption avait aussi été modifié par des travaux de dragage fait vers 1830-1840 pour permettre aux bateaux à vapeur de remonter jusqu’au bourg de L’Assomption.

En 1848 le bureau des Travaux Publics avait publié des chartes de navigation de la rivière mesurant sa largeur et sa profondeur à des intervalles très rapprochés.
Dans un guide de L’Assomption en 1883 on lit que la rivière était très étroite, et les piétons la traversaient près du Ruisseau Point du Jour, sur une pruche renversée dont les deux extrémités étaient appuyées sur les côtes. Ce qui est très étonnant, la pruche devait être géante.
Cartes postales de la rivière de l’Assomption
Malgré tout les rives de la rivière de l’Assomption que l’on peut voir sur les cartes postales anciennes ne semblent pas trop polluées.
Un dépotoir à ciel ouvert entre L’Assomption et Repentigny
Mais en 1968 le laisser-aller généralisé avait dégénéré et les rives de la rivière étaient devenues un dépotoir pour les riverains et le gouvernement a ordonné une enquête. En mars 1968 Albert Courtemanche employé du ministère du Tourisme avait pris une première série de photographies décrites ainsi par la BANQ: Sur la rivière l’Assomption, en amont du pont de Saint-Paul-l’Ermite devenu Repentigny, se trouve un dépotoir à ciel ouvert sur le rivage. Les photos sont un peu floues mais éloquentes.
Une nouvelle série de photographies a été prise le 12 avril 1968 en remontant vers la ville de L’Assomption. Il s’agit de clichés représentant la pollution sur les berges de la rivière L’Assomption. Dossier commandé par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, Service d’aménagement de la faune.

En mai 1969 Albert Courtemanche est revenu prendre des photos des berges de la rivière de l’Assomption pour le ministère avac un collaborateur, Jean-René Monjeau clerc de St-Viateur.
Les photos de Jean-René Monjeau sont un peu moins floues mais elles montrent la même désolation.

Le fonds Albert Courtemanche des Archives nationales du Québec comprend 5274 photographie(s): 4940 négatif(s) sur pellicule n&b, 334 épreuve(s) n&b.
Albert Courtemanche, biologiste, agit à titre de directeur du Service d’aménagement de la faune relevant du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. En raison de ses fonctions, il a commandé de nombreux photo-reportages et photographié lui-même plusieurs sites fauniques du Québec pour le compte de l’Office du film du Québec. Parmi ses collaborateurs, nous retrouvons les photographes Lucien Lévesque et Jean-René Mongeau, tous deux clercs de Saint-Viateur.
Albert Courtemanche (1957-1980)
La rivière de l’Assomption à Joliette en 2025
En me promenant à Joliette le long de la rivière de l’Assomption j’avais remarqué plusieurs sites où des déchets de construction ont été déversés mais ils sont localisés dans quelques secteurs du centre-ville. Un nettoyage a peut-être été fait pour embellir la ville car on ne retrouve pas de vieilles carcasses de voitures abandonnées, heureusement.
En aval du pont des Dalles il y avait des fours à chaux vers 1900 et leur site a servi de dépotoir par la suite, j’ai retrouvé quelques objets anciens à cet emplacement.


Un plan d’aménagement de la rivière de l’Assomption en 1912
Le 18 janvier 1912 Samuel Vessot, S.E. Copping et William Copping, industriels de Joliette, ont comparu devant la commission du Régime des Eaux Courantes de Québec pour proposer un plan d’aménagement de la rivière L’Assomption; il semble que ce soit le premier projet d’aménagement planifié de la rivière. Ils décrivent les industries présentes à Joliette sur la rivière en 1912 et la répartition des pouvoirs d’eau qui les faisaient fonctionner puis ils proposent la construction de barrages de retenue d’eau en amont sur la rivière.
J’avais documenté ce plan dans une chronique qui montre que déjà en 1912 les industriels de Joliette avaient constaté que le cours de la rivière avait été modifié à cause du déboisement fait par les compagnies forestières. L’eau de la fonte des neiges au printemps descendait d’un coup et ensuite le cours de la rivière restait très bas. Le flottage du bois devenait très compliqué, la production pouvait parfois prendre 2 ans pour arriver jusqu’au fleuve St-Laurent.
La difficulté à faire descendre les billots depuis les forêts du nord est illustrée par ces actes notariés.
Le 3 octobre 1881 John Crilly a protesté contre Warren Brown & Cie de Repentigny qui faisaient chantier de bois dans le haut de la rivière de l’Assomption et sur la rivière Lavigne et qui construisaient des barrages pour retenir des grandes quantités d’eau pour faire ensuite descendre leurs billots en ouvrant les vannes ce qui perturbait fortement le cours de la rivière et empêchait sa manufacture de fonctionner. Les vannes étant fermées depuis le printemps les eaux à Joliette étaient extrêmement basses lui causant un préjudice d’au moins 1.000 piastres par mois.
Le 2 avril 1884 la société Warren Brown & Cie de Repentigny a protesté contre William Copping & Cie de Joliette car elle s’apprêtait à faire descendre 80.000 billots de pin, épinette et autres essences et le boom du moulin à scie d’Entreprise (moulin Scallon dans Kildare) obstruait le libre passage des billots. Les protêts semblables sont très nombreux, il y avait de nombreuses compagnies faisant flotter leur bois.
L’histoire des moulins de Joliette et ses alentours documente les nombreuses chaussées et barrages qui ont été construits sur la rivière par des industriels qui ont modifié le cours naturel de la rivière de l’Assomption depuis que le territoire a été colonisé. Il y en a eu aussi à L’Assomption, Charlemagne, Repentigny et en amont jusqu’à la source de la rivière. Sans compter les déversements des déchets de ces industries dans la rivière qui a longtemps servi de poubelle comme beaucoup d’autres.
À l’Assomption, les tanneries récupéraient les peaux de vaches et les transformaient en cuir. Les odeurs, l’été, étaient terribles. Le résidu du tannage prenait le chemin de la rivière. La beurrerie Saindon, à St-Gérard, déversait ses effluents blanchâtres dans la rivière. Les habitants et leur tas de fumiers, en bordure des cours d’eau. Les égouts individuels itou!
Commentaire reçu d’un ancien