Les bateaux à vapeur ont navigué sur le fleuve Saint-Laurent depuis 1809 et ils ont été très nombreux; on les a d’abord appelés steam-boats et même bateaux à fumée. On trouve dans les archives des articles de journaux et de très belles photographies documentant l’histoire de ces steamers qui ont révolutionné le transport fluvial au XIXème siècle en permettant aux bateaux de s’affranchir de la force et du sens du vent pour naviguer; j’en ai fait une sélection pour raconter cette histoire.
L’Accomodation premier bateau à vapeur sur le fleuve St-Laurent
La brasserie de John Molson était située devant le courant Ste-Marie à Montréal près d’un chantier de construction de bateaux, ship yard, situé sur la rue Monarque prolongeant la rue Papineau. Il a pu observer le fonctionnement de cette industrie et en bon entrepreneur il a eu l’idée de la moderniser en adoptant une nouvelle technologie, la propulsion mécanique des bateaux par un moteur à vapeur.
Le 19 août 1809, le bateau à vapeur Accommodation est lancé du chantier d’Hart Logan juste à côté de la brasserie de John Molson (1763-1836). L’Accommodation devient le premier bateau à propulsion mécanique à naviguer sur le fleuve Saint-Laurent. Sa construction commence en janvier 1809. John Bruce, constructeur de bateau, John Jackson, ingénieur, ainsi que l’ébéniste John Kay s’associent pour construire ce bateau à vapeur. Des coûts élevés forcent John Kay à se retirer de l’aventure dès le 22 mars 1809. Le brasseur John Molson le remplace le 6 juin 1809. Les composantes de la machine à vapeur de six chevaux-vapeur, coulées aux Forges du Saint-Maurice ont été usinées par George Platt à son atelier montréalais.
L’«Accommodation», premier bateau à vapeur construit au Canada
Quand les premiers panneaux historiques ont été installés dans la ville de Montréal vers 1897 il est intéressant de noter que le premier concernait le village indien visité par Jacques Cartier en 1535 et le second le père de la navigation à vapeur sur le St-Laurent, John Molson qui avait lancé le steamer Accomodation pour le service entre Montréal et Québec.
En 1805 le gouvernement avait entrepris de rendre le fleuve Saint-Laurent plus facile à naviguer et il avait financé la maison de la Trinité (Trinity House) à Québec qui formait les pilotes et balisait le fleuve avec des phares et des bouées.
Afin de doter le fleuve d’une infrastructure de communication sûre et efficace pour l’amélioration du commerce, la Maison de la Trinité de Québec est responsable de la sécurité des installations portuaires, de la mise en place et de l’enlèvement des bouées et des balises, de l’érection de phares et de quais, de l’ancrage des bateaux-phares, du mouillage et de l’amarrage des navires ainsi que du curage des sables, roches ou autres obstructions à la navigation. Elle doit aussi voir à la gestion du havre de Québec. En ce qui a trait au pilotage, l’organisme a le pouvoir de faire des règlements, de contrôler l’examen des apprentis-pilotes, de recommander l’admission d’un pilote et d’accorder des brevets.
Le phare de Lavaltrie et la Maison de la Trinité
Le 18 mai 1810 John Delisle general clerk of the Trinity House for the city of Montreal a conclu un accord avec Pierre Dorée pilote de Québec pour poser des bouées entre Montréal et le lac St-Pierre et les entretenir.
En 1806 un premier chantier naval avait été ouvert à l’entrée du canal Lachine puis 3 autres au Courant Ste-Marie. Ce livre sur l’histoire de la famille Molson précise que le premier bateau à vapeur à avoir navigué au Québec serait le Vermont qui a descendu du lac Champlain par la rivière Richelieu jusqu’à St-Jean dès 1808.
… the Winans brothers, John and James, who launched the little Vermont on Lake Champlain in the summer of 1808, and operated her on Lake Champlain and the Richelieu to St. Johns in Lower Canada… Zita Pangborn who was born at Panton, Vt., in 1788, is claimed to have been the engineer of the Vermont steam boat on her first trip to St. Johns in 1808, and to have thus attracted the attention of John Molson, who was planning a similar boat for the St. Lawrence.
Le lancement de l’Accomodation premier bateau à vapeur à naviguer sur le fleuve St-Laurent a été commenté par les journaux, la Gazette et le Quebec Mercury, en novembre 1809.
Gilles Laporte a publié la traduction de l’article paru dans le Quebec Mercury le 6 novembre 1809 dans un livre sur l’histoire de la famille Molson:
Samedi matin, à 8 h, avec dix passagers à bord, arrivait ici de Montréal le bateau à vapeur Accommodation. C’était son premier voyage, et c’est le premier vaisseau de ce genre qui soit jamais apparu dans notre port. Il est continuellement envahi par les visiteurs. Il a quitté Montréal mercredi à 2 h, de sorte qu’il a accompli le trajet en 66 heures. Il a été 30 heures à l’ancre. Il est venu aux Trois-Rivières en 24 heures. Il a présentement des lits pour 20 passagers ; il en aura beaucoup plus l’an prochain. Ni vents ni marées ne peuvent l’arrêter. Il a une longueur de 75 pieds de quille et de 85 pieds de ponts. Le prix du passage est de neuf dollars pour remonter le fleuve, huit pour le descendre, et le bateau fournit les provisions. Le grand avantage d’un bateau ainsi construit, c’est que l’on peut calculer avec certitude le temps du passage et l’heure de l’arrivée ; ce qui est impossible à faire avec un bateau à voiles. Le vapeur est mû par des roues extérieures et perpendiculaires, sans jante, à doubles rais, qui se trouvent de chaque côté. À l’extrémité de chaque double rai est fixée une planche carrée qui plonge dans l’eau, et agit comme une pagaie par mouvement rotatif de la roue. Les roues sont actionnées par la vapeur, qui est produite à l’intérieur du vaisseau. On doit bientôt lui ériger un mât, pour se servir d’une voile quand les vents sont favorables, ce qui naturellement accélérera sa course.
Quand Molson construisait des bateaux… Gilles Laporte
Le moteur n’était pas très puissant et pas encore tout à fait au point, il avait fallu 66 heures pour descendre de Montréal à Québec. Le retour avait été encore plus difficile, 4 jours de Québec à Trois-Rivières selon les historiens. Il avait fait un second voyage en novembre et après quelques améliorations une douzaine de voyages en 1810 avant d’être démantelé en 1811. J. Molson s’était alors rendu en Angleterre en 1812 pour acheter un nouveau moteur et avait fait construire le Swiftsure à son retour. John Molson fils affirme que son père a construit l’Accomodation en 1808 mais il semble bien qu’il se trompe.
Mr. Molson is quoted as saying: My father built the first steamer in Canada (the Accommodation) in 1808, and was run to Quebec. Finding the boilers too small, two larger ones were made in 1809, and did the same in 1810. Still finding the engine not powerful enough to stem the waters of the St. Lawrence, my father went to England and had an engine made by Boulton & Watt. This engine was put into a boat called the Swiftsure which commenced running in November, 1812.
Il y a quelques illustrations dans ce livre dont une montrant des boeufs tirant un bateau à vapeur incapable de remonter le Courant Ste-Marie en arrivant à Montréal car son moteur n’était pas assez puissant.
Un avis de février 1810 annonce que John Jackson, John Bruce et John Molson ont déposé une demande pour l’adoption d’une loi leur accordant le droit exclusif et privilège de construire et faire naviguer des bateaux à vapeur dans la province pendant 15 ans.
En 1811 John Molson a renouvelé sa demande à la chambre d’assemblée; il affirmait avoir racheté les parts de ses associés:
Whereas the subscriber John Molson having bought the shares of John Jackson and John Bruce of a steamboat that has been navigating this season between the cities of Quebec and Montreal at a considerable loss which was the reason of the before mentioned J. J. and J. B. selling their shares their not having the means of supporting such loss; the said John Molson considering the utility that will accrue to the public from having such a vehicle for the conveyance of passengers to and from Quebec and Montreal… purposes to build a new boat which shall have the desired effect.
Les Steam-Boats étaient alors nommés Bateaux à fumée par ce journal qui en donne la liste en Amérique du Nord.
John Molson n’a pas obtenu le privilège exclusif qu’il avait demandé; la chambre basse avait voté pour mais la chambre haute l’avait rejeté. Puis durant la guerre de 1812-1814 contre les américains la situation avait évolué. Le 26 novembre 1812 la Gazette rapportait que l’élégant Steam-Boat de Mr. Molson avait quitté Montréal pour William Henry (Sorel) et y avait transporté 2 compagnies du régiment Scots Royals ce qui prouvait son utilité en ces temps de guerre. Le bateau faisait une vitesse de 5 milles à l’heure.
Le 20 août 1813 le vapeur Swiftsure a été baptisé au chantier naval de Logan au Courant Ste-Marie devant 200 spectateurs et en présence du gouverneur-général. Jusqu’à la fin de la guerre le Swiftsure a été utilisé pour déplacer des troupes et des prisonniers.
Les premiers bateaux à vapeur en Angleterre et aux États-Unis
Le pemier bateau à vapeur avait été construit en 1801 en Angleterre par William Symington; en Amérique un bateau à vapeur commercial, le Clermont, avait été construit en août 1807 par Robert Fulton et mis en service sur le fleuve Hudson.
The Clermont carried sixty passengers who each paid five cents per mile. It had a long and narrow hull, two paddle wheels twelve feet in diameter, a twenty-four horse power steam engine designed and built by James Watt, and a twenty-foot copper boiler. Targeting customers willing to pay a premium for speed, Fulton’s steamboat earned a handsome profit in its first year and won public acceptance for steamboat travel.
Robert Fulton
Les premiers vapeurs à naviguer sur le Saint-Laurent
À Montréal, John Molson construit un premier bateau, l’Accommodation, qu’il met à l’eau en octobre 1809. Il y a ensuite le Swiftsure, qui compte quatre cents tonneaux, en 1812, le Malsham, en septembre 1814, le Lady Sherbrooke, qui a cent soixante-dix pieds de longueur et une largeur de 34 pieds en mai 1817. Un compétiteur montréalais, Thomas Torrance, met à l’eau le Car of Commerce en 1815, puis le Hercules.
Les Canadiens-Français et les bateaux à vapeur – Paul-Henri Hudon
Les journaux ont documenté le lancement de ces navires et publié les publicités des compagnies qui en étaient propriétaires. Le 6 mai 1813 le Swiftsure a fait son premier voyage de Montréal à Québec. Parti à 5h du matin il est arrivé à Trois-rivières à 8h du soir et à Québec le lendemain à 2h et demie de l’après-midi. La machinerie avait été fabriquée en Angleterre et un système de valves prévenait les accidents causés par l’explosion de la bouilloire.
Le 29 juin 1815 la Gazette rapportait que le Malsham, un autre bateau à vapeur construit pour John Molson, avait eu un accident avec un radeau de billots de bois sur la rivière Richelieu qu’il avait percuté et disloqué. Il y avait 4 hommes sur le radeau et plus de 600 sur le vapeur.
Dans l’album de souvenirs de Jacques Viger il y a une illustration du géant canadien Modeste Mailhot qui pourrait bien être l’homme sauvé de la noyade lors de cet accident de navigation.
En 1815 la Gazette de Québec annonçait les horaires du Swiftsure et du Malsham qui assuraient un service 2 fois par semaine entre Québec et Montréal, selon que la Mer pourra servir.
Au printemps 1816 le vapeur Car of Commerce avait commencé à faire le voyage entre Montréal et Québec. White & Languedoc agents à Québec avaient ouvert un magasin au quai de Messieurs Irvine & Co pour la réception des marchandises.
Le Car of Commerce avait brisé une de ses roues à William Henry et avait dû faire voile(?) jusqu’à Trois-Rivières pour la réparer.
En 1817 les membres de la famille Molson ont formé une association regroupant les activités de la brasserie et de leurs steam-boats sous le nom de John Molson & Sons. Ils avaient fait construire un quai à Québec où leurs vapeurs accostaient et ils embauchaient du personnel pour travailler sur le Swiftsure et le Marsham.
3 steam-boats faisaient alors la navette entre Montréal et Québec. À Montréal ils accostaient dans le port et à Québec au quai Molson; ils desservaient William Henry (Sorel) et Trois-Rivières. Le prix d’un passage en cabine était de 2 livres et 10 shillings en descendant et 3 livres en montant; le tarif de transport de marchandises dépendait aussi du sens de la navigation.
Le succès de ces premiers bateaux à vapeur a incité d’autres entrepreneurs à en construire. En octobre 1817 un traversier devant assurer la navette entre Québec et Pointe Lévi a été lancé, le Lauzon, construit au chantier naval Goudie; il avait un gouvernail à chaque bout ce qui lui évitait de devoir faire demi-tour.
David Munn ship builder a lancé le Caledonia et il a mis des parts en vente; il a fait son premier voyage en novembre 1817.
Ces bateaux à vapeur chauffaient leurs bouilloires avec du bois acheté aux escales. Le charbon était encore rare.
Pendant l’hiver les bateaux à vapeur étaient entreposés sur la rive à Boucherville. En janvier 1818 la glace sur le fleuve avait rompue et emporté les bateaux. Le Lady Sherbrooke, le Malsham et le Caledonia avaient dérivé jusqu’à l’église; le Car of Commerce était indemne mais le Swiftsure avait coulé. Les dommages n’ont finalement pas été trop graves, les bateaux s’étaient échoués dans les îles et devraient être remis à flot; le Swiftsure déjà désuet devait de toute façon être remplacé.
Le Caledonia appartenait à une compagnie gérée par John Brown et Thomas Torrance qui cherchaient un capitaine et un matelot pour la prochaine saison de navigation; ils avaient aussi besoin d’un quai d’accostage et d’un entrepôt à Québec.
Un nouveau vapeur nommé Quebec annonçait en mars 1818 qu’il avait besoin de 500 cordes de bois pour la saison de navigation, 300 à William Henry et 200 à Trois-Rivières; F. Languedoc son gérant cherchait aussi du personnel.
Le 25 avril 1818 le Malsham et le Car of Commerce étaient arrivés au port de Montréal pour la nouvelle saison de navigation. Le Lady Sherbrooke et le Caledonia étaient encore échoués haut sur une île de Boucherville d’où il faudrait les tirer à grands frais.
Un nouveau steam-boat appartenant à M. H. Logan de Montréal, le Telegraph, était arrivé à Québec début mai.
Le Quebec devait être lancé du chantier naval de M. Goudie à Québec en mai pour transporter des passagers entre Québec et Montréal. Le traversier Lauzon de John Goudie partait de son quai dans la basse ville de Québec à Point Levy; en hiver le service de traversier se faisait par canots.
John Goudie a annoncé en décembre 1818 qu’il allait faire une demande pour le privilège de faire naviguer un ou plusieurs bateaux à vapeur sur la rivière Richelieu entre St-Jean et la frontière.
Dans l’annuaire des marchands et commerçants de Montréal en 1819 il y a 7 bateaux à vapeur recensés: Caledonia, Car of Commerce, Lady Sherbrooke, Malsham, New Swiftsure, Quebec et Telegraph. Il y avait aussi des traversiers entre le Courant Ste-Marie et Longueuil et entre Laprairie-Longueuil et les vieux et nouveau marchés de Montréal lorsque requis. La compagnie Molson & Sons était propriétaire de 3 de ces vapeurs, Malsham, Lady Sherbrooke et New Swiftsure.
Molson & Sons prévoyait de desservir Kamouraska avec le New Swiftsure pendant la saison estivale 1821, le début du tourisme.
La propulsion des bateaux par la vapeur leur permettait de ne plus dépendre du vent et du sens du vent pour se déplacer. De nombreux bateaux à vapeur ont ensuite été construits qui ont navigué sur le fleuve St-Laurent, les rivières et les lacs. La navigation sur le Richelieu par exemple était importante pour le commerce.
Le transport fluvial: organisation d’une industrie
Dans les archives des notaires de Lanaudière on trouve des mentions des bateaux à vapeur ou steam-boats à partir de 1819 au moins. À Berthier de nombreux contrats d’approvisionnement en bois pour les chaudières des steam-boats ont été conclus. Comme les trains, les navires devaient constament brûler du bois pour chauffer leur bouilloire; l’approvisionnement en eau était plus simple.
12 juin 1819 – Bail à loyer par William Aird junior marchand de St-Paul à Antoine Dehay dit St-Cyr maître orfèvre d’un emplacement dans le village de Berthier; il sera tenu de laisser la place nécessaire à M. Ritchie pour mettre son bois à bord du steam-boat et le décharger.
En 1820 la flotte de Steam Boats de John Molson comprenait le Malsham, le Lady Sherbrooke et le New Swiftsure. Ce dernier faisait le trajet 2 fois par semaine en transportant exclusivement des passagers dans des cabines confortables.
Le 14 octobre 1823 le Steam Tow Boat Hercules a été lancé, il a été baptisé avec une bouteille de rhum. Les vapeurs Laprairie et Montreal avaient salué le lancement (fired repeated salutes). Ce remorqueur à vapeur était le plus puissant jamais construit et il devait faciliter grandement le commerce sur le fleuve.
Le Hercules appartenait à la Steam Tow-Boat Company qui faisait concurrence à la compagnie de John Molson. Ses actionnaires étaient des compagnies détenant 40 parts en 1824. John Torrance semble avoir été le principal administrateur de la compagnie, on remarque aussi Peter McGill & Co.
20 janvier 1826 – Marché entre Joseph Genton dit Dauphiné et Charles Morrison marchand de Berthier pour lui livrer 500 cordes de bois d’épinette rouge de 3 pieds sur son quai à la demande et besoin du steam-boat Laprairie ou autres. Le Laprairie qui desservait Berthier faisait le voyage 2 fois par semaine.
Les archives de l’Université McGill ont conservé un fonds de documents de la St-Lawrence Steamboat Co. appartenant à John Molson. On y trouve une liste de bateaux: le Chambly, le John Molson, le New Swiftsure, le Saint-Laurence, le Waterloo, le Malsham, le Lady Sherbrooke, le Car of Commerce, le Caledonia, le Telegraph, le Quebec, le Barge Favorite, le John Bull, le Voyageur, le Canada, le Canadian Eagle, le Barge Industry, le Barge Perseverance. On y trouve aussi des documents divers comme cette liste de tarifs pour le transport des marchandises:
Un autre dossier contient des factures dont la première date de 1812 pour 320 barils de farine expédiés sur le vaisseau le Margaret de Montréal à Québec.
Il y a encore des journaux de bord des navires, des livres de paye des capitaines, matelots et pilotes, des inventaires, etc.
La navigation sur le fleuve Saint-Laurent a toujours été dangereuse. En 1830 la Cour d’Appel a rendu un jugement dans une cause opposant John Molson et William Maitland à propos d’une collision survenue en juin 1826 entre le New Swiftsure et le Hercules dans le port de Sorel (William Henry).
Les actes notariés à Berthier mentionnant les steam-boats étaient de plus en plus fréquents: approvisionnement en bois, engagement de matelots, échouage des bateaux, danger d’incendie au village à cause des étincelles des chaudières, etc.
11 décembre 1826 – Renouvellement du marché entre Joseph Genton dit Dauphiné et Charles Morrison pour 500 cordes d’épinette rouge pour le steam-boat Laprairie ou autres; Charles Germain dit Belisle s’est engagé à livrer 50 cordes.
6 juin 1827 – Protêt par Pierre Beaugrand dit Champagne entrepreneur de Lanoraie contre P.H. Morin capitaine du steam-boat Laprairie qui était échouée dans le chenail du Nord devant Berthier et lui avait promis 25 livres pour la déchouer.
7 mars 1828 – Engagement de Joseph Fagnant et Pierre Ouellette navigateurs de Berthier à H. Dickinson représenté par Osmyn Griffing pour servir en qualité de chauffeurs sur son steam-boat pour 3 livres par mois.
27 octobre 1828 – Vente de bois par Jean-Baptiste Desoucis de St-Cuthbert à Charles Morrison marchand de Berthier de 100 cordes d’épinette rouge pour le service du steam-boat à livrer sur le quai devant la demeure de C. Morrison. 11 janvier 1829 – Marché entre Joseph Genton dit Dauphiné et Charles Morrison pour 200 cordes de bois. 14 janvier 1831 – Marché entre St-Vallier Fagnant navigateur de Berthier et Charles Morrison pour 200 cordes de bois. 14 février 1834 – Marché entre Charles Fantien maître-sellier et navigateur et David Armstrong marchand de Berthier pour transporter 1.200 cordes d’épinette et de pin à Berthier ou Sorel pour les steam-boats. 7 avril 1837 – Marché entre Pierre Rondeau et David Armstrong pour transporter 500 cordes de bois vis à vis le petit bois Dautray jusqu’à un quai à Sorel.
17 juillet 1843 – Protêt par des habitants du village de Berthier contre le capitaine Vincennes du bateau à vapeur le St-Louis qui met en danger les riverains à chacun de ses passages au port de Berthier avec les étincelles qui sortent des cheminées de son batau et menacent d’incendier le village. Les toits des maisons étaient alors en bardeaux et même en chaume pour certains bâtiments de ferme.
Le commerce fluvial sur le St-Laurent
Sur cette peinture de Montréal depuis l’île Ste-Hélène on voit les différents moyens de transport en usage sur le fleuve en 1830: un bateau à vapeur, une cage de bois avec des voiles descendant vers Québec, une barque à voile et une goélette.
Le transport du bois sur le fleuve se faisait dans des cages ou avec des goélettes tirant des barges; il y avait aussi beaucoup de transport de grain. La descente vers Québec était plus facile alors que l’arrivée à Montréal en remontant le courant Ste-Marie très puissant était toujours problématique. Les bateaux à vapeur de plus en plus puissants ont permis de surmonter les obstacles et de faciiter le transport des marchandises.
Le 17 février 1827 Barthélémy Joliette et Peter Charles Loedel ont conclu un marché pour transporter leur bois jusqu’à Québec avec Pierre Talon dit Lespérance: Bien entendu que le dit Pierre Talon dit Lespérance sera tenu et obligé de faire touer ses vaisseaux par les steamboats à ses propres frais, si le vent lui manquait ou lui était contraire, afin de livrer exactement les dits madriers dans le temps susmentionné.
Les illustrations montrant des bateaux à vapeur navigant sur le Saint-Laurent sont de plus en plus nombreuses dans les archives, d’abord des peintures et des gravures puis des photographies.
Bientôt chaque rivière et chaque lac important a voulu avoir son bateau à vapeur, principalement pour le transport du bois et du grain. Mais les rivières n’étaient pas toutes navigables et des travaux de drainage ont dû être faits; même le fleuve St-Laurent au niveau du lac St-Pierre a dû être creusé. À partir de 1844 un chenal y a été dragué pour permettre le passage de plus gros bateaux.
En 1826, les marchands de Montréal envoyèrent une pétition au ministère des Travaux publics du Canada, celle-ci indiquant en substance que l’état naturel du chenal du Saint-Laurent constituait un frein au développement de la ville et de son commerce et qu’il serait souhaitable d’approfondir cette route maritime.
Conservation de l’écosystème du lac Saint-Pierre

En 1833, dans son rapport sur le recensement du comté de Leinster de 1832, le docteur Jean-Baptiste Meilleur (…) réclame la mise en place de mesures qui devraient assurer le développement économique de la région. Parmi ces mesures, on trouve, entre autres, la facilité de communication avec le nord par l’entretien d’une bonne voie carrossable et avec Montréal par le creusage de la rivière L’Assomption. Il faudra attendre le début des années 1840 pour qu’un premier bateau à vapeur digne de ce nom remonte la rivière jusqu’à L’Assomption.
Des bateaux à vapeur remontent la rivière L’Assomption par René Didier
En 1831 Barthélémy Joliette député au Parlement avait déposé une requête des habitants de son comté demandant une aide pour améliorer la navigation de la rivière de l’Assomption.
En mars 1831 le Waterloo a fait naufrage à cause de la glace devant St-Nicolas; un groupe de passagers a fait publier un avis pour remercier le capitaine Perry et les membres de l’équipage pour leur travail ainsi que les habitants de St-Nicolas pour leur aide.
L’almanach de Québec en 1832 fait la liste des bateaux des 2 compagnies se faisant alors concurrence sur le fleuve Saint-Laurent, la St-Lawrence Steam Boat Company avec les steamers John Molson, Chambly, St-Lawrence, J. Bull et un édifice(?) et la Steam Tow Boat Company avec les steamers Hercules, British America, Richelieu, Voyageur, Edm. Henry et 2 édifices. Les 2 compagnies avaient des agences à Québec, Montréal et Trois-Rivières.
En 1834 les administrateurs du steamboat Patriot Canadien convoquaient ses actionnaires à une assemblée à Laprairie.
La navigation sur le fleuve était dangereuse et la Trinity House suspendait de leurs fonctions les pilotes ayant causé des naufrages. John Molson & Sons et Jno Torrance & Co se mettaient d’accord pour augmenter ensemble les tarifs quand le prix du combustible augmentait et que la navigation devenait plus difficile en fin de saison.
Le John Bull avait été entièrement détruit par un incendie au large de Lavaltrie en 1839; 40 passagers auraient péri dans les flammes ou sauté à l’eau pour se noyer. Les bateaux Dryope et Young Queen qu’il remorquait avaient pu sauver beaucoup de passagers, d’autres avaient pu embarquer dans les canots de secours. Les journaux de Montréal avaient accusé des habitants de Lanoraie d’avoir pillé l’épave et abusé des naufragés mais une enquête policière a prouvé que c’était faux.
Les compagnies de navigation et les bateaux à vapeur sont devenus de plus en plus nombreux et puissants. En 1841 le Canadian Eagle remorquait des vaisseaux entre Montréal et Québec; les Steam-Packets Lord Sydenham et Lady Colborne assuraient le transport du courrier tous les jours entre les 2 villes.
Un article de la Gazette de Québec de 1842 commente l’évolution de l’industrie du transport fluvial. Les vapeurs Queen et Lord Sydenham faisaient la course pour savoir lequel assurait le service le plus rapide entre Montréal et Québec. Le journaliste se questionnait à savoir si, vu le nombre de vaisseaux à vapeur navigant sur le fleuve, leur horaire ne pourrait pas être mieux planifié. Il conseillait d’ajouter des escales pour desservir les villages le long du fleuve pour encourager le tourisme et pour faciliter le commerce dans les campagnes en construisant des quais amovibles pour l’abordage des navires.
En 1843 une convention d’association avait été proposée entre John Molson agent de St-Lawrence Steam-Boat company, John Torrance & Cie agents de la Montreal Steam Tow Boat company et William & George Tate propriétaires de la Royal Line of Steamers mais elle n’a pas fonctionné.
En 1844 l’annuaire de Québec fait la liste des Steam-Boats desservant la ville: Montreal, Queen, Lord Sydenham, Canada, St-George, North America et Lady Colborne. Un bateau quittait le port chaque soir à 5h et faisait escale à Trois-Rivières, Port St-Francis, Sorel et Montréal. Le Charlevoix quittait le port tous les 2 jours. Il y avait encore The Steamer Alliance et The Steamers Lumber Merchants de John McKenzie à Point Levi employés pour tirer des barges et des radeaux. Il y avait aussi plusieurs Steam-Ferry-Boats faisant la navette entre Québec et Point-Levy ou St-Nicolas.
En 1850 de nombreuses compagnies assuraient le transport par steamboats sur l’Atlantique, le fleuve Saint-Laurent, le fleuve Hudson et les Grands Lacs; leurs publicités étaient publiées en première page des journaux de commerce.
Entre Montréal et le lac Ontario les steamers devaient passer dans des rapides et des canaux. Sur cette illustration on en voit un descendant les rapides et un autre remontant par le canal.
Les bateaux à vapeur ont commencé à desservir les villages de l’intérieur des terres. Cette annonce des horaires du Cultivateur indique qu’il faisait la navette entre St-Barthélémy (qui est à l’intérieur des terres) et Montréal en passant par Berthier et Lanoraie; les voyageurs venant en train de Rawdon et L’Industrie (Joliette) avaient une correspondance.

Archives illustrant les bateaux à vapeur du St-Laurent
Le Musée McCord-Stewart possède une très riche collection de photographies anciennes permettant de documenter les bateaux à vapeur qui ont navigué sur le fleuve Saint-Laurent et ses affluents. J’ai trouvé quelques autres photos et gravures sur le site BANQ et sur internet. Bien sûr ces photographies sont plus récentes, la plus ancienne a été prise à Georgeville sur le lac Memphrémagog vers 1860.
Les 2 photos des bateaux devant Québec ne sont pas très bien exposéées et j’ai dû les éditer de mon mieux pour qu’on voie quelque chose, les suivantes sont de meilleure qualité. Celle-ci a été prise à la crue des eaux dans le port de Montréal.

Les journaux illustrés présentaient des gravures qui n’étaient pas toujours réalistes; celle du Crocodile devant Québec semble artificielle alors que celle du pique-nique à Sorel avec le Berthier arrivant au quai est très réussie.
En 1877 dans la Gazette de Joliette on lit que MM. Sheppard et Renaud avaient construit un bateau à vapeur nommé Le Joliette pour offrir des croisières sur la rivière de l’Assomption; dans le livre Histoire de Joliette on lit que ces croisières se faisaient en amont de la ville de Joliette jusqu’aux premiers rapides de Kildare.
Léonce-Édouard Cuvelier est un peintre françcais qui est décédé à Beauport en 1959; il s’est inspiré de gravures et photos anciennes pour peindre des scènes typiques du Québec.
Il y a eu de nombreux accidents de navigation et même des nauffrages; ici le vapeur Bohemian est victime d’un accident, la rupture d’une écluse dans le canal Lachine, semble-t-il.
Cette belle vue du bassin de Québec prise de la Pointe Lévi montre le trafic fluvial intense à cette époque.
Deux photos du vapeur Corsican en cale sèche pour des réparations et à flot dans le port de Montréal:
Naufrage du vapeur Louis Renaud dans les rapides de Lachine:
Il y avait aussi de petits bateaux à vapeur servant en général à remorquer des barges comme le Sir Donald et le Eureka:
En documentant l’histoire de Nominingue j’avais trouvé l’histoire de l’Hirondelle, un petit bateau à vapeur qui servait pour le plaisir mais aussi pour transporter le lait à la beurrerie ou pour tirer les billots de bois à la scierie.
L’Hirondelle avait fait naufrage en 1900 mais le yacht était trop important pour les habitants du village, tous ses morceaux ont été repêchés dans le lac et il a été aussitôt renfloué.

Les bateaux à vapeur étaient propulsé par la combustion de bois ou de charbon et ils produisaient une épaisse fumée noire:


Sur le site de la BANQ on trouve une collection de photos de bateaux à vapeur venant des archives du journal La Presse: