Jacques Viger a légué à sa mort un album où il recueillait ses souvenirs. L’album Souvenirs Canadiens est un document relié réalisé à partir des années 1830 et jusqu’en 1856. Il est composé d’illustrations, notamment des aquarelles et des dessins à la plume, au fusain ou au crayon, et de textes en prose ou en vers rédigés principalement en français. Il a été classé document patrimonial par le ministère de la Culture du Québec en 2014.
L’album Souvenirs Canadiens composé par Jacques Viger est sûrement un des des rares albums de souvenirs à avoir été classé au patrimoine culturel du Québec. Les documents qu’on y trouve sont d’une qualité artistique exceptionnelle en plus de leur intérêt historique.
Jacques Viger 1787-1858
Jacques Viger a été le premier maire de Montréal mais il était aussi un érudit, fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste et de la Société Historique.
C’était un homme d’une grande érudition, surtout reconnu pour ses nombreux écrits et sa contribution à plusieurs sociétés savantes. Féru notamment de géographie et d’histoire, il participe à la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste-de-Montréal en 1843 et de la Société historique de Montréal en 1858 qu’il présidera toutes deux. Avec sa bibliothèque de 1.200 ouvrages, Viger est sans conteste un grand connaisseur de Montréal à l’époque.
Ville de Montréal
C’était un vrai historien: quand il avait un doute sur un fait historique il ne se donnait aucun repos avant d’en avoir établi ou démoli les avancés.
Jacques Viger était un érudit, doublé d’un chercheur inlassable de tout ce qui se rapporte à l’histoire de notre pays. Lorsqu’on énonçait devant lui un fait historique ou une hypothèse plus ou moins discutable, il remontait aux sources, il écrivait à tous ceux qui pouvaient être en mesure de lui fournir des renseignements, et il ne se donnait aucun repos avant d’en avoir établi ou démoli les avancés. Associé dans ses recherches avec des hommes tels que sir Louis-Hippolyte Lafontaine, l’hon. Denis-Benjamin Viger, l’abbé Hospice-A. Verreau, Raphael Bellemare, et Georges Baby, il leur proposa de fonder une société qui aurait pour but l’étude de l’histoire canadienne avec la devise: “Rien n’est beau que le vrai.”
Esquisse biographique
Sur la page de garde de son album Jacques Viger a reproduit les armoiries de la ville de Montréal qu’il avait dessinées en 1833: Concordia salus.
L’album Souvenirs canadiens
L’album Souvenirs canadiens est un document relié réalisé à partir des années 1830 et jusqu’en 1856. Il est composé d’illustrations, notamment des aquarelles et des dessins à la plume, au fusain ou au crayon, et de textes en prose ou en vers rédigés principalement en français. Le document porte sur des sujets aussi variés que des personnages ou des événements historiques, des scènes de la vie quotidienne, les sciences naturelles ou la numismatique. Les éléments qui constituent le document ont été produits par différents auteurs et rassemblés par Jacques Viger (1787-1858). Le volume relié en cuir a 29 cm de hauteur, 25 cm de largeur et 6,5 cm d’épaisseur. L’album porte les inscriptions en lettres d’or « J. Viger » au recto et « Montréal » au verso. Les mots « Album » et « Souvenirs Canadiens » sont estampés au dos de la couverture.
Répertoire du Patrimoine Culturel
L’album fait partie du patrimoine culturel du Québec et il a été numérisé par la Ville de Montréal. C’est un curieux album rassemblant des documents hétéroclites, témoignage des intérêts d’un homme érudit de cette époque. À l’époque on appelait ça un spicilège. Quand des visiteurs venaient, J. Viger leur montrait son album et certains y ajoutaient un dessin ou un poème, c’est l’ancêtre du blog.
Plusieurs artistes amis de J. Viger ont participé à l’album. La vue des chutes Montmorency en hiver est de Joseph Légaré, les ruines du fort de Senneville ont été peintes par James Duncan.
Le manoir de Ste-Mélanie et Louise-Amélie Panet-Berczy
Le manoir d’Aillebout de Ste-Mélanie était alors habité par William Bent Berczy et son épouse Louise-Amélie Panet, des artistes, et Jacques Viger le fréquentait. Cette paisible scène de campagne peinte par L. A. Panet est censée représenter une scène de la guerre contre les américains en 1775, elle est très originale.
Pendant les soirées au manoir les seigneurs dessinaient et écrivaient des poèmes. On trouve dans l’album ce poème de Louise-Amélie Panet illustré par James Duncan que J. Viger avait conservé. L’été des indiens s’appelait l’été des sauvages en 1838.
Jacques Viger lui avait répondu par ce poème à Amélie B*****
Sur la même page il avait collé une vue d’un chalet suisse.
William Berczy le mari d’Amélie Panet était peintre et fils de peintre. Il a aussi participé à l’album:
Le Musée des Beaux-Arts du Canada conserve plusieurs tableaux de W. B. Berczy et son père. Le style de celui-ci rappelle la vue de Longue-Pointe par L.A. Panet dans l’album:
Des archives historiques
Les documents ont été numérisés par les archives de Montréal mais ils n’ont pas de titre ni de légende. La pièce BM099-1_1-099 est un beau portrait d’un personnage historique (Gilles Hocquart selon un commentaire). Sur une planche d’autographes de personnalités de la Nouvelle-France on retrouve la même signature à côté de celle de Beauharnois.
D’autres ont une légende permettant de les identifier. Bien sûr des historiens ont examiné tous les documents et des études ont été publiées.
Il y a beaucoup de beaux paysages dans l’album, ça vaut la peine de regarder chaque document. Ceux-ci sont numérotés et on voit qu’il manque certains numéros. Il manquait peut-être déjà quelques pages à l’album quand il a finalement été préservé.
Il n’y a pas beaucoup d’albums de souvenirs anciens aussi riches au Québec. Je crois qu’une édition de luxe de l’album avec des explications critiques des différents documents intéresserait quelques lecteurs, ici et à l’étranger.
En 1938 le biographe de Jacques Viger se désolait que son album de souvenirs canadiens était perdu pour Montréal. On peut donc se réjouir qu’il ait été conservé et qu’il soit disponible pour la consultation en ligne, accessible à tous gratuitement.
L’Album, échu à M. Bellemare, est devenu la propriété de son neveu Dionis L. Desaulniers, d’Ottawa. Par suite de ces circonstances, l’œuvre de Viger, péniblement élaboré à Montréal, et se rapportant surtout aux affaires de cette région, s’est trouvé perdu pour notre ville, et il est resté inédit pour la plus grande partie.
Esquisse biographique – 1938
Il y a de beaux paysages dans l’album mais il y a aussi des documents très variés représentant des animaux, des plantes ou simplement des scènes de la vie canadienne vers 1800-1850.
Références:
Le livre de Marcel Ducharme sur l’histoire de Louise-Amélie Panet-Berczy et la vie au manoir d’Ailleboust à son époque est très bien documenté. Un comité de citoyens de Sainte-Mélanie a racheté le manoir pour le préserver et lui donner une nouvelle vie, c’est une heureuse initiative.
Un article d’Olivier Maurault de 1944 donne une description détaillée de l’album: Souvenirs Canadiens, album de Jacques Viger.
Le « Personnage historique » dont il est fait mention plus haut et dont on souligne la présence de la signature sur son portrait de même que sur une planche-collection de signatures est Gilles Hocquart, intendant de la Nouvelle-France de 1729 à 1748. Le portrait est un dessin signé de Théophile Hamel et il figure dans le livre écrit par Raymond Vézina et consacré au peintre.