Catégorie: Histoire de Lanaudière
Site indépendant sans témoin espion

Voltigeurs et miliciens de Lanaudière en 1812

L’histoire de la guerre de 1812-1815 entre le Canada et les États-Unis a été largement documentée. Je me suis intéressé dans cette chronique à son impact sur les habitants de la région de Lanaudière. De nombreux habitants se sont engagés volontairement ou ont été conscrits dans la milice, les seigneurs et les élites régionales les ont encadrés et commandés. Les voltigeurs et les miliciens ont ensuite réclamé les octrois de terre qui leur avaient été promis pour les récompenser de leurs services, souvent en vain.

La milice canadienne avant 1812

Luc Lépine archiviste a publié en 1996 une étude intitulée Les officiers de milice du Bas-Canada 1812-1815. Dans son introduction il précise que la milice canadienne a été créée par une loi de 1777 du gouverneur Guy Carleton après le refus quasi-général des canadiens-français de combattre l’invasion américaine en 1775-1776. De 1777 à 1811 la milice canadienne n’existe que sur papier. Elle se contente de maintenir les officiers dans chaque paroisse et d’entraîner les miliciens quelques jours par année.

Quand les États-Unis ont déclaré la guerre au Canada en 1812 les armées anglaises étaient mobilisées en Europe pour combattre la France de Napoléon, elles pouvaient difficilement envoyer des troupes en renfort et il a fallu mobiliser les canadiens. Chaque village avait alors sa compagnie de miliciens qui participait régulièrement à des entraînements comme celle de Lavaltrie. Dans sa biographie on lit que Joseph-Edouard Faribault [notaire à l’Assomption] servit dans le bataillon de milice de Lavaltrie. En 1805, il était capitaine et aide-major. Promu, par la suite, major puis lieutenant-colonel, il prit part à la guerre de 1812 ; en récompense de ses services, il reçut, en 1823, des concessions de terre dans le canton de Kilkenny.

Joseph-Edouard Faribault (BANQ)

Le 18 novembre 1808 le seigneur de Lavaltrie Pierre Paul Marganne de Lavaltrie écuyer colonel commandant une division de milice dans le district de Montréal a constitué pour son procureur spécial Xavier de Lanaudière demeurant à Québec pour demander le paiement de la somme de 19 livres 16 chelins et 6 pence pour les services par tiers des milices de sa division.

La milice avait déjà été mobilisée lors de l’invasion américaine en 1775 et 1776. Dans la biographie de James Cuthbert seigneur de Berthier on lit: l’invasion américaine en 1775 et 1776 le toucha durement. Il s’aliéna ses censitaires en usant d’autoritarisme pour qu’ils fissent leur service militaire. En 1776, les Américains incendièrent son manoir et causèrent pour plus de £3 000 de dégâts à son domaine de Berthier pour se venger

Portrait de James Cuthbert
Portrait de James Cuthbert

Le 9 juin 1809 Ignace Filiatrau dit St-Louis habitant de la rivière du Chesne paroisse de St-Eustache a constitué Joseph Turgeon écuyer de Terre-bonne son procureur général pour percevoir annuellement du receveur général de la province la somme de 10 livres d’allouance qui lui a été accordée pour ses services dans le parti du général Burgoyne en 1777 contre les américains révoltés.

La déclaration de guerre le 19 juin 1812

Le Congrès des États-Unis d’Amérique a déclaré la guerre au Canada le 19 juin 1812. Tous les hommes de 16 à 50 ans faisaient partie de la milice sédentaire ou milice locale. La loi de 1803 prévoyait que les miliciens sédentaires devaient s’enrôler tous les ans au mois d’avril pour une fin de semaine afin de faire un relevé des effectifs, vérifier les armes et faire un peu de « Drill ». Ces fins de semaines d’entraînement se terminaient généralement à la taverne locale, ces troupes ne formaient pas une vraie armée.

Le 25 avril le gouverneur George Prevost avait autorisé le recrutement de volontaires pour le corps des Voltigeurs Canadiens dirigé par Charles-Michel de Salaberry, au moins 475 hommes et plus si possible. Des affiches annonçaient une prime de 96 livres françaises à tous les miliciens qui voulant éviter la conscription étaient prêts à joindre les rangs des Voltigeurs Canadiens; 300 hommes se sont engagés. En décembre 1812 une autre campagne de recrutement a été organisée avec une offre d’une terre de 50 arpents aux volontaires, en moins d’un mois 120 hommes se sont engagés.

La milice du Bas-Canada dans la guerre de 1812

En plus de recruter des volontaires, le gouverneur George Prevost décide d’imposer la conscription afin de lever quatre bataillons de milice d’élite et incorporée. En mai 1812, on tire au sort les noms de 2,000 miliciens célibataires de 18 à 30 ans. Chaque division de la milice sédentaire doit envoyer un nombre précis de conscrits, envrion 20% des célibataires de la division de milice. Ceux-ci sont enrôlés pour une période 90 jours. Dans le cas où la guerre avec les Etats-Unis se poursuive, ils peuvent rester sous les drapeaux pendant deux ans.

Luc Lépine

Nommé en 1811 le gouverneur Prevost était un suisse francophone plus conciliant que son prédecesseur James Craig. Il a été nommé gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique et commandant des forces britanniques en Amérique du Nord en octobre 1811.

George Prevost (Wikipedia)

Le 7 juillet 1812 une émeute contre la conscription des miliciens a eu lieu à Lachine qui a été rapidement réprimée. Le juge Pierre-Louis Panet seigneur de Daillebout et Ramzay a dirigé le procès des émeutiers et les a sévèrement punis.

Pierre-Louis Panet
P.L. Panet par W. Berczy

Comparativement à l’attitude du gouverneur, des Canadiens s’affichaient plus catholiques que le pape, selon l’expression consacrée: par exemple, le colonel de St-Ours, un homme qui s’est en partie mérité ses honneurs et ses galons par la délation des siens, particulièrement sous Craig. Selon lui, les paroisses voisines de Pointe-Claire auraient trempé, elles aussi, dans la conspiration, n’eussent été la rapidité et la vigueur de l’opération militaire… Aussi tard que le 15 juillet, William Berczy, homme plutôt naïf mais certes pas un imbécile, complimente son fils sur sa participation à l’écrasement de l’émeute de Lachine, — « your first coup d’Essay in military expeditions ».

Une émeute à Lachine contre la « conscription » (1812) – Jean-Pierre Wallot
William De Berczy, copie réalisée en 1876 musée McCord
William Berczy – Musée McCord

Charles de Saint-Ours était colonel du bataillon de milice de Saint-Ours. Son frère Paul-Roch de Saint-Ours seigneur de l’Assomption commandait la milice de l’Assomption en qualité de lieutenant-colonel. William Berczy fils en épousant Louise-Amélie Panet deviendra seigneur de Daillebout.

Gazette de Québec 28 mai 1812

Les seigneurs anglophones ne faisaient pas entièrement confiance à leurs sujets canadiens. Ross Cuthbert seigneur de Dautrai et Lanoraie avait publié en 1812 une apologie de la Grande-Bretagne en réponse à un pamphlet de Denis Benjamin Viger. Les canadiens étaient bien gentils mais arriérés et ils devaient accepter de se faire assimiler par des anglais, des irlandais, des écossais et des américains loyalistes plutôt que de résister en vain au progrès.

James Cuthbert junior seigneur de Berthier et frère de Ross partageait ses opinions même si il était devenu catholique en opposition avec son père; il servit en qualité de lieutenant-colonel du 3e bataillon de la milice d’élite incorporée en 1812.

James Cuthbert junior seigneur de Berthier a fait son testament avant de partir en campagne:

8 août 1812 – Testament de l’Honorable James Cuthbert catholique membre du conseil Législatif, juge de paix, lieutenant-colonel du 3ème bataillon de la milice de Berthier en son manoir seigneurial qui lègue à Ross Cuthbert son frère tous ses biens meubles et immeubles.

La gazette de Québec, 25 novembre 1813

Le recrutement des Voltigeurs Canadiens

Mais bientôt un cri d’alarme retentit partout; les États-Unis venaient de déclarer la guerre au Royaume-Uni et se préparaient à envahir le Canada. On comprit, en face du danger, la nécessité de se gagner les sympathies de la population; on lui fit force caresses et concessions. Et pour exciter son enthousiasme et lui faire prendre les armes, on nomma Charles-Michel de Salaberry lieutenant-colonel, et on lui confia la mission d’organiser les voltigeurs canadiens. Les Canadiens-Français répondirent à l’appel du Royaume-Uni et s’enrôlèrent sous le drapeau de leur jeune chef.

Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry

Les Voltigeurs Canadiens ont été vaillants et ont participé aux batailles décisives de cette guerre comme la victoire de Chateauguay. Jacques Viger, futur maire de Montréal, a laissé un journal de ses années de service avec les Voltigeurs.

Durant la guerre de 1812, les États-Unis envahissent pour la deuxième fois le Canada. Viger s’engage alors dans la milice où il devient capitaine chez les Voltigeurs canadiens. Plus sensible au prestige de l’uniforme qu’à l’odeur de la poudre, le jeune homme se fait portraiturer en uniforme, avec sabre d’apparat et saberdache.

Bernard Andrès – Jacques Viger et Joseph Mermet : naissance d’un écrivain

Malgré tout Jacques Viger a participé à plusieurs batailles et a été envoyé jusque dans l’ouest canadien. Son journal montre que francophones et anglophones ont combattu l’envahisseur ensemble mais que des tensions persistaient. De Salaberry s’était fait voler le prestige de sa victoire à Chateauguay par Prevost et Wattenwyl, les journaux inféodés au pouvoir informaient le public de façon biaisée…

Les archives des notaires de Lanaudière montrent qu’à partir du 12 mai 1812, un mois avant la déclaration de guerre, des recruteurs parcourraient la campagne de Lanaudière pour engager des volontaires.

Le 12 mai 1812 Augustin Racette fermier demeurant à l’Assomption paroisse St-Pierre-du-Portage s’est volontairement engagé dans le Corps des Voltigeurs Canadiens. Il avait 18 ans, mesurait 5 pieds 5½ pouces, il était de complexion faible , cheveux blonds et yeux gris. C’est le lieutenant-capitaine Louis Eustache Mackay de rivière Duchesne paroisse de St-Eustache qui l’a engagé et lui a remis la somme de 4 livres.

Le même jour Louis Peltier, fils de Joseph Peltier maître-maçon, 18 ans, 5 pieds 4 pouces, d’une complexion délicate, cheveux blonds, yeux bleus s’est engagé aux mêmes conditions.

À Ste-Elisabeth la revue de la milice le 27 mai avait occasionné des tensions: le 20 juin procuration par Jonathan Warner fermier de Ste-Elisabeth à Henry Reid de la seigneurie de Ramzé pour poursuivre ceux qui l’ont maltraité et battu à la revue de la milice de Ste-Elisabeth le 27 mai.

Les engagements volontaires dans le corps des Votigeurs Canadiens se sont poursuivis en 1812 et 1813. Le 27 décembre 1812 Jacques Paquet dit Lavallé de Terrebonne, 21 ans, 5 pieds 3 pouces, complexion (???), cheveux bruns, yeux gris s’est engagé au capitaine Jacques Clément Herse de St-Philippe pour 5 livres.

Le 1er janvier 1813 Jean-Baptiste Langlois demeurant à Québec, 23 ans, 5 pieds 7 pouces, d’une complexion robuste, cheveux et yeux noirs, s’est engagé dans les Voltigeurs Canadiens au capitaine Hertel de Rouville de St-Philippe pour 6 livres.

Les engagés étaient jeunes, certains avaient seulement 15 ans. Le 1er janvier 1813 Jean-Baptiste Croteau de Québec, 15 ans, 5 pieds, de complexion faible, pour 4 livres, Jean-Baptiste Mégré de Maskinongé, 15 ans, 5 pieds 3 pouces, de complexion faible, pour 4 livres, François Coulombe de Québec, 21 ans, 5 pieds 9 pouces de complexion robuste, pour 6 livres, ont été aussi engagés par le capitaine Hertel de Rouville. Le 28 janvier 1813 Louis Taillon de Ste-Rose, 16 ans, 5 pieds 2 pouces, de complexion faible, pour 5 livres, le 29 janvier Joseph Lavigne de St-Paul, 21 ans de bonne complexion, le 30 janvier Antoine Caudaire dit Saurel de l’Assomption, 16 ans, Joachin St-Onge de Repentigny, 17 ans, ont été engagés par Toussaint Brunel Voltigeur Canadien de St-Philippe au nom du capitaine Herse. Le 1er février 1813 André Joseph Giroux, fils de Joseph horloger, de St-Eustache, 20 ans, 5 pieds 6 pouces, d’une complexion claire, cheveux et yeux bruns, pour 5 livres, le 8 février Joseph Bissonnet de St-François de Sales, 16 ans, 5 pieds 4 pouces, de complexion brune, pour 30 sols en acompte de 5 livres, se sont engagés à Jacques Clément Herse capitaine d’une compagnie des Voltigeurs Canadiens demeurant à Blairfindie. Le 13 février Louis Gauthier dit Landreville de St-Roch, 17 ans, de complexion forte, Joseph Witemane de l’Assomption, 18 ans, ont été engagés par Jacques Gosselin aubergiste de l’Assomption pour le capitaine Herse. Le 19 février Étienne Beaudouin de St-Jacques, 21 ans, a été engagé par le capitaine Herse et le 23 février Jean-Baptiste Gueldry dit Labine de St-Jacques par Jacques Gosselin. Le 6 mars 1813 Pierre Gravelle de Ste-Rose, 17 ans, le 8 mars Charles Leduc de Ste-Anne, 20 ans, Joseph Gravelle de Ste-Anne, 21 ans, ont été engagés par Louis Leclair de Terrebonne au nom du capitaine Jacques Clément Herse. Le 17 mars Louis Cabanna de Terrebonne, 19 ans, a été engagé par le lieutenant Jean-François MacKay des Voltigeurs.

Dans la collection Baby de l’Université de Montréal plusieurs documents concernant les Voltigeurs ont été numérisés. La liste de recrutement de la compagnie du capitaine Perrault récapitule les sommes versées aux 95 volontaires qu’il a recrutés: Pay list of Bounty & Subsistance paid to a recruiting party of the Canadian Voltigeurs commanded by Captain Perrault

Aux archives du Canada plusieurs documents concernant les Voltigeurs Canadiens ont aussi été numérisés mais ils sont difficiles à lire; on trouve des listes des engagés et des bordereaux de paye. Par exemple la compagnie du capitaine Hertel de Rouville était commandée par le lieutenant Prendergast, 3 sergents et 3 caporaux.

Partie de la liste des hommes de la compagnie du capitaine Jacques Clément Herse:

Liste de paye de la compagnie du capitaine Joseph-Edouard Faribault notaire à l’Assomption:

Les archives de la collection Baby sont mieux numérisées mais on n’y trouve que quelques documents: Liste des hommes engagés par Louis Guy, fils, pour les Voltigeurs canadiens, du 28 janvier au 5 février 1813.

Le recrutement des milices canadiennes

En 1812 la milice d’élite incorporée du district de Montréal comprenait les divisions de L’Assomption, Lavaltrie, Berthier et Terrebonne dans la région de Lanaudière; elle comprenait aussi 6 bataillons des Townships. Luc Lépine a dressé la liste alphabétique de tous les officiers ayant servi. Il serait fastidieux de récapituler tous ceux de la région de Lanaudière, j’ai noté quelques exemples.

Barthélémy Joliette a été major de la division de Lavaltrie et Antoine Joliette(?) lieutenant au 4ème bataillon de milice. Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière était colonel de la division de Montréal; son fils Pierre-Paul était lieutenant au 7ème bataillon; Antoine-Ovide et Xavier-Roch de Lanaudière étaient aussi officiers. Henry McKenzie était lieutenant-colonel du 2ème bataillon de Terrebonne, son frère Roderick McKenzie lieutenant-colonel à la division de Terrebonne. La famille Perrault avait fourni 21 officiers venant de St-Paul, Lavaltrie, St-Sulpice, Lavaltrie, l’Assomption, etc.

La famille Faribaut était représentée par Barthélémy major, son fils George-Barthélémy lieutenant, Jean-Étienne capitaine, Jean-Marie capitaine, Joseph-Edouard lieutenant-colonel, Louis-Olivier enseigne, Narcisse capitaine, Narcisse fils enseigne, tous descendants du notaire Barthélémy Faribault de Berthier et l’Assomption. La famille Hénault dit Deschamps comprenait aussi de nombreux officiers (11) dont plusieurs dans les divisions de l’Assomption et Berthier.

Louis M. Raphaël Barbier a été aide-chirurgien au bataillon des Voltigeurs Canadiens puis chirurgien à la division de Saint-Ours; il a reçu 500 acres de terre après la guerre et a été élu député de Warwick en 1824 contre James Cuthbert fils. Benjamin Beaupré riche marchand de l’Assomption était enseigne dans la division de l’Assomption, William Bent Berczy capitaine au 5ème bataillon de la milice incorporée a été transféré au bataillon des Chasseurs-Canadiens. James Cuthbert était lieutenant-colonel au 3ème bataillon de la milice (25 mai 1812 – 25 septembre 1813); Adolphus Dame lieutenant et John Frederick Dame capitaine du même bataillon avaient été recommandés par Cuthbert. Jacques Deligny marchand de Berthier capitaine de la division de Berthier a été élu député de Warwick en 1814.

De nombreuses publications répertorient les officiers des forces britaniques de cette guerre, par exemple Officers of the British forces in Canada during the War of 1812-15. La division de l’Assomption était commandée par le seigneur de l’Assomption l’Honorable Paul Roch de St-Ours.

La divison de Lavaltrie était aussi commandée par le seigneur de Lavaltrie Charles Gaspard de LaNaudière qui avait épousé Suzanne-Antoinette, fille de Pierre-Paul Margane de Lavaltrie. Joseph-Edouard Faribault notaire son agent seigneurial, Barthélémy Joliette son gendre et Pierre-Paul De LaNaudière son fils faisaient partie de son état-major avec Jacques et Antoine Lacombe et André Perrault.

L’Honorable James Cuthbert seigneur de Berthier et député de Warwick commandait la division de Berthier.

Henry McKenzie était agent de la seigneurie de Terrebonne que son frère Roderick McKenzie va acheter en 1814; Toussaint Limoges était leur notaire, William et James Porteous devaient être les fils du riche marchand Thomas Porteous…

Le recrutement des miliciens est moins bien documenté dans les archives, il y en a eu plusieurs milliers. Dans les archives des notaires de Berthier j’ai trouvé de nombreux actes notariés montrant que les plus riches ont pu se payer des remplaçants pour éviter d’aller eux-mêmes à la guerre.

5 juillet 1813 – Engagement de François Beauparlant de St-Cuthbert pour remplacer Jean-Baptiste Corneillé dit Grandchamps pendant 9 mois dans le 3ème bataillon de la milice d’élite; le 29 septembre Moyse Camaraire âgé de 16 ans s’est engagé à prendre la place de Pierre Loiseaux dans le 7ème bataillon dans la compagnie commandée par le capitaine Maxime Olivier de Berthier pour un an. Le 17 février 1814 Charles Geoffroy de Ste-Elisabeth s’est engagé à remplacer Bazil Corneillé dit Grandchamps dans la milice; le 18 André Boyer dit Ladéroute de St-Cuthbert à remplacer Paul Généreux de Ste-Elisabeth; le 19 Claude Gélinas dit Lacourse de Berthier pour Joseph Bordeleau de Ste-Elisabeth, Louis Crochetière de Ste-Elisabeth pour François Bonnin, Germain Charland de Berthier pour Paul Paquin de Ste-Famille pour la paye fournie pour le service de la milice plus 600 livres, le 24 Pierre Guy de Yamachiche pour Jean-Baptiste Bourassa pour la paye et 480 livres, Vital Dubeau dit Vilandré de St-Cuthbert pour Jean-Baptiste Bourassa fils pour la paye et 65 piastres d’Espagne, etc.

Parmi les autres corps de volontaires il y avait les Voyageurs canadiens levés en 1812 par la Compagnie du Nord-Ouest remplacés en 1813 par le corps des Voyageurs du commissariat, le Royal Artillery Drivers, le corps des Quebec Volunteers levé par Joseph Bouchette, etc.

Histoire sociale des miliciens de la bataille de la Châteauguay – Michelle Guitard

Le 10 mars 1813 Joseph Beauchamps de l’île Jésus, 40 ans, a été engagé dans l’artillerie par Pierre Legris de Terrebonne pour 4 livres; sans doute pour le Royal Artillery Drivers.

À partir du printemps 1814 de très nombreux engagements volontaires au service du gouvernement pour faire le voyage à Michilimakina tant en montant qu’en revenant pour 400 livres ont été signés, pour les Voyageurs du commissariat. Les premiers engagés de Sorel se définissaient comme des voyageurs; Jean-Baptiste Collin et Pierre Fréchette de Berthier étaient journaliers, Pierre Riquiyer(?) de St-Cuthbert voyageur, il y en a de nombreux autres.

Jean Protais Odet d’Orsonnens s’est installé à St-Roch de l’Achigan après la guerre où il a construit un moulin à carder. Né à Fribourg en Suisse en 1780 il a été capitaine du régiment suisse de Meuron arrivé au Canada en 1813 pour la guerre. Le régiment arrive à Halifax le 16 juillet 1813, puis remonte le fleuve Saint-Laurent en août. Après un arrêt à Québec, les troupes sont réparties dans la région de Montréal pour renforcer l’armée britannique qui défend ses possessions du Bas-Canada lors de la guerre de 1812 (Le régiment de Meuron).

Jean Protais Odet d’Orsonnens

La bataille de Chateauguay 26 octobre 1813

Ce n’est qu’à l’automne 1813 que les armées américaines ont essayé d’envahir la région de Montréal. Cette guerre était loin de faire l’unanimité aux États-Unis, les États de la Nouvelle-Angleterre n’ont pas participé, ils ont plutôt profité de la situation pour accroître leur commerce avec le Canada. L’armée canadienne et les Voltigeurs du lieutenant-colonel de Salaberry ont pu repousser l’armée des envahisseurs qui n’était pas suffisament nombreuse à la bataille de Chateauguay.

Dans l’album Jacques Viger des archives de la ville de Montréal on touve ce poème de Joseph Mermet sur la bataille de Chateauguay.

Michelle Guitard dans son Histoire sociale des miliciens de la bataille de la Châteauguay donne des informations pertinentes à propos des soldats ayant participé à cette bataille. Le recrutement des miliciens a été fait par des particuliers; pour être capitaine il fallait recruter 36 soldats. Une somme de 3 louis était remise au soldat et 1 louis au recruteur mais ces sommes n’étaient pas régulièrement payées aux officiers qui devaient s’endetter.

La moyenne d’âge des 440 Voltigeurs était de 24,8 ans et leur taille de 5 pieds 5 pouces.

Presque tous les hommes du corps des Voltigeurs étaient francophones mais il y avait de nombreux anglophones parmi les officiers. J. Clément Herse qui avait recruté des voltigeurs dans Lanaudière était lieutenant, Jacques Viger capitaine. Le lieutenant Maximilien Globensky de St-Eustache a épousé Marie Anne Panet fille du seigneur de Daillebout et Ramzay en 1851.

En 1876 une liste des miliciens de 1812-1815 a été établie par le Parlement: Déclaration montrant le nom, l’âge et la résidence des miliciens de 1812-1815, qui ont fait une demande pour obtenir la gratification votée par le Parlement en 1875, avec le nom du régiment ou de la division dans lequel ils ont servi.

Le lieutenant-colonel D’Orsonnens qui s’est établi à St-Roch par la suite faisait partie des recruteurs. Nancy Desroches a retranscrit et classé cette liste; sur cette page on retrouve plusieurs noms de l’Assomption, Joseph Chaput, Pierre Chevandier dit Lépine, Jean-Baptiste Chevigny dit Durand, Jean-Baptiste Christin alias St-Amours.

Le 13 octobre 1814 Barthélémy Joliette major et adjudant en paye de la division des milices de Lavaltrie demeurant au bourg de L’Assomption a constitué pour son procureur George Barthélémy Faribault avocat à Québec pour percevoir de John Stewart député Payer Maître-Général des milices du Bas-Canada la somme annuelle de 30 livres comme adjudant en paye de la 1ère(?) division de la milice de Lavaltrie.

En avril 1814 Napoléon a été vaincu en Europe et exilé à l’île d’Elbe. 14.000 hommes de l’armée anglaise de Wellington ont pu être amenés en renfort pour défendre le Canada. Le traité de Gand signé le 24 décembre 1814 a mis fin à la guerre mais la nouvelle n’est parvenue au Canada qu’au printemps 1815 et le recrutement continuait. Le 6 janvier 1815 Joseph Dupuis de St-Pierre Débéqué, 18 ans, 5 pieds 5 pouces, robuste, pour 4 livres et 10 shillings a été engagé par Louis Marie Raphaël Barbier écuyer.

La reconnaissance de l’engagement

Chateauguay 26 octobre 1813

Crysler’s farm 11 novembre 1813

Les octrois de terres aux anciens miliciens

Le 1er février 1823 le notaire Jean-Baptiste Archambault de St-Roch a rédigé une procuration au nom de très nombreux habitants du village pour donner le mandat à George Johnston de St-Eustache de réclamer les lots de terre qui seront ordonnés être payés par sa Majesté pour les services rendus selon les certificats respectifs: Germain Gariépy, Salomon Poulin, Louis Martel, Alexis Martel, Louis Defourche, Benjamin Racet, François Guariépy, Augustin Lauriaux, Nicolas Morin, Antoine Lecoq, Laurant Migneron, etc. la liste continue sur 2 pages.

Le 10 février 1823 Alexis Poudrier journalier a vendu à Louis Chagnon marchand de St-Jacques tous les droits et prétentions qu’il peut avoir de Pierre Ignace Maillotte comme colonel du 2ème bataillon de la milice incorporée pour 20 livres. Le 19 février Étienne Guilbault cultivateur de St-Jacques lui a aussi vendu ses droits pour avoir servi dans le 3ème bataillon pour 24 livres. Le même jour Joseph Prud’homme cultivateur de St-Paul a convenu avec Joseph Rivet cultivateur de St-Jacques qu’il retire son lot accordé comme milicien d’élite contre la moitié du lot et le paiement des frais.

Les miliciens anglophones avaient plus de chance d’obtenir un lot pour leurs services que les francophones qui souvent préféraient monnayer leur droit à un lot de colonisation qu’ils savaient être difficile à obtenir. H. W. Ryland était un des chefs Bureaucrates et il présentait des pétitions à l’Assemblée. Voici comment G. Filteau le décrit dans son Histoire des Patriotes: C’était pire qu’un sectaire, car c’était un fanatique et, toute sa vie, il s’en tint à ce double principe, garrotter l’Église Catholique et amener l’apostasie des Canadiens. Vers 1823 il demandait que des agents soient nommés au plus vite pour arpenter les Townships de Rawdon et Kildare et que les lots soient distribués aux Miliciens méritants.

Les lots des rangs situés au nord du township de Kildare qui n’était pas encore habité ont été accordés à des militaires irlandais à la retraite. Guy et Beauchamp Colclough sont arrivés à Berthier vers 1822. Le 18 octobre François Lavoie résidant dans la seigneurie de Daillebout paroisse Ste-Elisabeth a loué un emplacement sur sa terre au major Beauchamp Colclough de Berthier.

Joseph Bouchette 1824

Joseph Bouchette lors de son inspection des townships pour le gouvernement en 1824 rapportait que le major Colclough avait reçu 1.800 acres comme pourcentage comme agent des terres.

Dans le nord du canton de Kildare J.-Claude Lapierre indique que plusieurs lots ont été octroyés en 1824 au major Beauchamp Colclough, l’officier le plus haut gradé du 103ème régiment basé à Berthier. Les lots identifiés à son nom lui ont été attribués pour ses services comme agent des terres du gouvernement depuis 1820 environ. Il était chargé de distribuer des lots aux soldats retraités. Les officiers et les sergents avaient droit à un lot et les soldats à un demi lot.

Par exemple, en 1820, les trois frères Millichap dans le douzième rang à proximité du lac des Français; en 1822, dans le huitième rang, les Dixon (six frères et 4 soeurs) et les Daly (un père et ses fils); aussi en 1822 les Gass (5 frères)…

J.-Claude Lapierre

Le 9 octobre 1824 Beauchamp Colclough résidant à Daillebout a cédé à son fils Alexander Colclough le lot N°12 du 7ème rang de Kildare et le lot N°6 tenant au cédant et au lot du clergé de 200 acres chacun avec les lettres patentes accordées par sir Francis Burton. Le même jour comme agent du township de Kildare il a vendu à François Boucher marchand de Maskinongé le lot 11 du 8ème rang tenant à Thomas Dixon. Le 9 octobre Guy Colclough capitaine à demi paye du 103ème régiment résidant à Daillebout a vendu à François Boucher le lot 11 du 7ème rang de 200 acres tenant à Charles Morrison et Alexander Colclough avec des bâtiments pour 150 livres. Le 11 novembre Beauchamp Colclough a vendu à William Henry Hamilton son gendre collecteur de douane de Sherbrooke le lot 5 du 8ème rang de 200 acres; le 14 décembre à Charles Morrison marchand de Berthier le lot 9 du 7ème rang; le 6 mai 1825 à James McCue la moitié du lot 8 du 7ème rang; le 28 mai Beauchamp Colclough senior a cédé à Beauchamp Colclough junior lieutenant dans la milice de la ville de Dublin résidant maintenant à Berthier le lot 8 du 8ème rang.

Le major Beauchamp Colclough et sa famille voulaient fonder un village près de ses lots et son plan a été adopté par le gouvernement avant 1832, sans doute à la fin des années 1820. Quelques maisons ont été construites dans ce village situé au nord-est de St-Ambroise puis le projet a périclité quand le major a été démis de ses fonctions.

En 1824 l’arpenteur du gouvernement Joseph Bouchette a aussi inspecté les cantons de Kilkenny et Rawdon et dans son rapport il décrit les établissements de New Glasgow et Paisley où des miliciens s’étaient installés, c’étaient presque exclusivement des anglophones.

L’Honorable Roderick McKenzie a été seigneur de Terrebonne pendant quelques années et en 1812 il était lieutenant-colonel de la milice. En 1830 il demandait 500 livres pour un chemin vers le nord; il estimait qu’il y avait environ 300 miliciens retraités de l’armée dans les cantons du nord.

Dans l’histoire du township de Brandon on lit que à partir de la proclamation de l’ouverture du canton en 1826 quelques familles se sont installées mais que les terres étaient surtout destinées à récompenser les militaires à la retraite et qu’elles ont été l’objet d’une intense spéculation. En 1826 une concession de 9.700 acres a été attribuée à Edmund Antrobus neveu de James Cuthbert.

Le colonel George Robertson, qui avait épousé la sœur de la mère d’Antrobus, était commandant des Canadian Fencibles, et, peu avant le début de la guerre de 1812, le 4 avril, Antrobus s’y enrôla comme volontaire. Il fut promu enseigne le 2 septembre 1812 et lieutenant le 14 novembre 1813.

Edmund William Romer Antrobus

En 1828 une autre concession de 1.200 acres a été allouée à James Cuthbert. François Boucher, major dans le 2ème bataillon de Trois-Rivières et seigneur de Carufel a reçu 1.000 acres, William Aird capitaine de la milice de Berthier et marchand en a eu 800, la famille Hibbard des loyalistes du Vermont 900, Jean (notaire et capitaine) et François (lieutenant-colonel) Bélanger 900, Thomas Lee (capitaine et député à la Chambre) 800 acres…

Dans la région de Lanaudière l’ouverture des nouveaux cantons à la colonisation a surtout profité aux colons anglophones, les francophones ont eu beaucoup plus de mal à faire valoir leurs droits et ils ont pour la plupart préféré revendre leurs promesses d’octroi.

Le 29 mars 1824 Nicolas Blanchard tanneur de l’Assomption a vendu à Barthélémy Joliette tout le terrain qui pourrait lui être accordé en récompense de ses services comme milicien dans la dernière guerre contre les États-Unis d’Amérique dans la milice active. Cette vente est faite à la charge de l’acquéreur d’obtenir à ses frais le billet de location pour le terrain et pour la somme de 24 livres.

Le 23 mars 1831 des cultivateurs francophones de Berthier, Ste-Elisabeth, Yamaska et Sorel se sont conjointement engagés à rembourser au gouvernement les frais d’arpentage de terrains qui pourraient leur être octroyés en récompense de leurs services dans la dernière guerre contre les États-Unis.

À l’automne 1836 les octrois n’avaient toujours pas été faits et de nombreux ayant droit n’avaient d’autre choix que de vendre leur droit; le notaire William Delery en a racheté beaucoup dans la région de Lanaudière.

Chez le notaire François-Hyacinthe Prévost le 11 octobre 1836 David Pellerin, François Sévigny, Olivier Thibodeau et Joseph Martin de St-Jacques miliciens dans le 3ème bataillon de la milice incorporée ont vendu leur droit à un octroi de terre pour leurs services à William Delery notaire à Québec pour 7 piastres d’Espagne. Le 10 novembre Jean-Louis Bougret dit Dufort, Pierre Pelletier, François Longpré, Aimé Viger, Louis Lefebvre, Louis Lemire dit Marcelet, Pierre Beauséjour et Jean-Baptiste Payette de l’Assomption et Terrebonne miliciens dans le 3ème bataillon lui ont aussi vendu leurs droits pour 6 piastres. Le même jour Michel Codaire de St-Jacques, Pascal et Antoine Lemire dit Marcelet de St-Ours du Grand St-Esprit lui ont vendu leurs droits pour 7 piastres. Le 15 octobre la veuve de Louis Content de l’Assomption pour 7 piastres, le 23 novembre Joseph Chevaudier dit Lépine de St-Jacques au nom de Jean-Baptiste Sauvage absent de la province pour 6 piastres, le 4 janvier 1837 Jean-Baptiste Rivais de St-Ours du Grand St-Esprit pour 6 piastres, le 11 février Augustin Lauriau et Alexis Martel de St-Roch, etc. du 3ème bataillon ont tous vendu leurs droits à William Delery pour 6 ou 7 piastres.

Chez le notaire Henry Josua Oldham le 31 décembre 1836 Jérôme Patry cultivateur de St-Roch milicien dans le 1er bataillon de milice incorporée, Pierre Corbeille, Louis Peltier, Joseph Beauchamps, Augustin Labranche, André Villemaire, cultivateurs de St-Henri de Mascouche, miliciens dans le 3ème bataillon de la milice incorporée ayant droit chacun à un octroi de terre ont vendu chacun ce droit pour 6 piastres d’Espagne à William Delery. Le 24 janvier 1837 François Milkert(?) dit Miljour, Jean-Baptiste René dit Léveillé, Jacques Fauché, Nicolas Morin, François Rainfrette dit Maloin cultivateurs, Louis Pichette héritier de son père Joseph, Toussaint Dumont, Louis Caron de St-Lin, Anasthasie Chalifoux veuve de François Lamothe de St-Jacques tous miliciens dans le 3ème bataillon de milice incorporée ont vendu leur droit à un octroi de terre à André Robinet cultivateur de St-Lin pour 6 piastres d’Espagne. Le 13 février Félix Desormier cultivateur de St-Lin milicien dans le 5ème bataillon de la milice incorporée a vendu son droit à un octroi à William Delery pour 6 piastres.

Encore en 1846 des transactions avaient cours; le 10 décembre 1846 Charles Desislets cultivateur de St-Felix-de-Valois a vendu à William Morison bourgeois de Berthier les droits qu’il espèrait retirer dans un scrip comme récompense pour ses services comme milicien dans la dernière guerre contre les États-Unis pour 6 livres et 5 chelins.

Carte du Québec

Laisser un commentaire