La BANQ a dans ses collections deux cartes des seigneuries de Ramezay et D’Ailleboust, la date indiquée dans les informations est vers 1855. À la même époque le cadastre des censitaires de ces seigneuries a été fait pour le calcul de l’indemnité revenant aux seigneurs lors de l’abolition du régime seigneurial ce qui permet de connaître les noms des propriétaires.
La chronique Les fondateurs de Sainte-Mélanie, Ste-Béatrix et St-Jean-de-Matha documente les archives des notaires de ces villages entre 1800 et 1880.
Les cartes des seigneuries de Daillebout et de Ramsay
Cette pièce comprend deux cartes de ces seigneuries: l’une indiquant les concessions, l’autre identifiant les propriétaires terriens dont Charlotte-Mélanie Panet, veuve de feu Louis Lévesque, William Berczy ayant épousé Louise-Amélie Panet, sieur Pierre-Louis Panet ainsi que mesdames Lamothe et Benjamin Abbott. Ces cartes situent également la rivière l’Assomption et sa Pointe ennuyante, les moulins banaux de Daillebout, les églises (ou chapelles) de Saint-Jean-de-Matha, Sainte-Mélanie, Saint-Félix-de-Valois et Saint-Charles-Borromée.
Cartes des seigneuries de Ramezay et de Daillebout
La première carte montre la division des concessions dans les 2 seigneuries. Le domaine seigneurial se trouvait à Ste-Mélanie et il desservait les 2 seigneuries, Daillebout à l’ouest et Ramsay à l’est. L’orthographe de ces 2 seigneuries varie selon les documents.
Les seigneuries comprenaient les villages actuels de Ste-Mélanie, Ste-Béatrix et St-Jean-de-Matha. La deuxième carte montre comment le même territoire a été réparti en 1849 en parts entre les héritiers du seigneur Pierre-Louis Panet qui les avait achetées en 1800. Ses héritiers avaient d’abord administré les seigneuries en indivis et en 1849 ils les ont divisées en 5 parts qu’ils ont tiré au sort dans un chapeau. Pierre-Louis Panet fils avait acheté la part de sa soeur Marie Anne et il avait droit à 2 parts.
Les moulins banaux de Daillebout se trouvaient sur la rivière L’Assomption à la Pointe Ennuyante. Ils ont commencé à être construit en 1816, avant ceux du village d’Industrie en 1823. Une note précise qu’il n’y avait encore aucune maison dans la partie de Daillebout et de Ramezay appartenant à Mme Lamothe.
Lire: Le moulin banal de Marie-Anne Cerré à Ste-Mélanie
Il n’y avait pas de moulin à scie important dans ces seigneuries puisque en 1826 les seigneurs avaient cédé tous leurs droits de coupe de bois à B. Joliette et ses associés, seigneurs de Lavaltrie.
Le 6 mars 1820 un contrat notarié fait mention d’un moulin à scie et d’un moulin à farine appartenant à la veuve Panet. Il s’agit de la couverture en bardeaux des moulins qui doit être posée. Il s’agit probablement des moulins de la Pointe Ennuyante.
Cadastre des censitaires
Vers 1855 le régime seigneurial était en train d’être aboli et un cadastre a été fait pour calculer le dédommagement dû aux seigneurs par les censitaires pour racheter leur terre.
Les propriétaires de la seigneurie sont Charlotte Mélanie Panet (veuve de feu Louis Lévesque), Louise Amélie Panet (épouse de Wm Berczy), Marie-Louise Panet (épouse de J.T.A. Lamothe) et Pierre Louis Panet.
(Partie) D’Aillebout
Le cadastre de cette partie de la seigneurie D’Aillebout contient 32 pages comme celle-ci. Le nom des censitaires de chaque concession est noté avec le montant des rentes seigneuriales.
Sur la première page de la liste des censitaires de Mme Lévesque, W. Berczy a 2 lots enregistrés dans la première concession. Il était à la fois seigneur dans son fief et censitaire dans les autres. Les superficies concédées aux censitaires sont variables.
À partir de la page 11 on trouve la liste des censitaires de la part de la seigneurie appartenant à Mme Berczy.
La part de Mme Berczy dans le moulin banal était de $1.500. Le manoir et sa part du domaine valaient $4.000. Les écoles sont localisées.
Je ne peux pas montrer chaque page du cadastre, c’est un document intéressant pour l’histoire des familles de Ste-Mélanie et ses alentours qu’on peut consulter sur le site de la BANQ.
Un document de l’assemblée législative de 1856 fait la liste des sommes réclamées par les seigneurs à l’abolition du régime seigneurial. Mme William Berczy est la 5ème à avoir produit ses états: elle réclame 25 livres pour une partie de D’Aillebout. Mme veuve Louis Lévèsque: 47 livres pour une partie de D’Aillebout, presque le double. Mme Benjamin Abbott: 24 livres pour une partie de Ramsay. Pierre-Louis Panet: 19 livres pour une partie de D’Aillebout et 21 livres pour une partie de Ramsay. Mme Lamothe n’est pas citée, il n’y avait encore aucun censitaire sur ses terres?
Dame Marie Aurélie Faribault réclamait 719 livres pour L’Assomption et E. Oct. Cuthbert 411 pour Berthier par comparaison. Il y a des erreurs, le fief de Mme P. C. Loedel s’appelait Lavaltrie pas LaPeltrie et celui de Gaspard de Lanaudière s’appelait Tarieu, pas Tanieu.
Une carte de la BANQ datée de 189? (ce qui me semble une erreur) montre les premiers chemins de Sainte-Mélanie, l’église est au milieu:
Une autre carte de 1855 montre le plan de la moitié Nord Est de la Seigneurie de Ramzey dans le Comté de Berthier appartenant à Dame Therese E. Abbott, on y voit le nom des premiers habitants de ce secteur situé au nord de St-Jean-de-Matha.
Finalement une carte de 1855 montre le détail de la division des terres dans la seigneurie de Ramsay près de la Pointe Ennuyante où se trouvaient les moulins.
Louise-Amélie et William Berczy seigneurs d’Ailleboust
Le manoir construit en 1803 par Pierre-Louis Panet a été agrandi quand W. Berczy et L.-A. Panet s’y sont installés vers 1831. Louise-Amélie était une artiste mais elle s’occupait aussi de la gestion de ses terres héritées de son père, son mari était souvent absent pour affaires. Voici ce qu’on lit dans Histoires littéraires des Canadiens au XVIIIe siècle de B. Andrès:
Cette aquarelle du Musée du Québec de William Bent Berczy représente sa femme Louise-Amélie faisant son ouvrage:
Dans le cadastre on voit que William Berczy a pris de nombreuses terres en concession, il s’occupait d’agriculture et du développement de la seigneurie activement lui aussi.
Il faisait aussi de la politique. En 1837-1838 il a pris le parti du gouvernement contre la rébellion. La BANQ a conservé une déposition de Peter Charles Loedel, juge de paix, et William Berczy, de Sainte-Mélanie-d’Ailleboust, contre Charles Guilbault (15 janvier 1838) faite devant Barthélémy Joliette. B. Joliette, conservateur lui aussi, trouvait que Loedel et Berczy étaient un peu trop zélés. Loedel était co-seigneur de Lavaltrie par son mariage avec une seigneuresse héritière, il était d’origine allemande lui aussi, ils devaient bien s’entendre entre voisins.
En 1841 W. Berczy s’est présenté aux élections dans le comté de Berthier contre le parti réformiste. Les journaux ont rapporté l’émeute qui a alors eu lieu à Ste-Élisabeth. M. Berczy est arrivé avec 60 irlandais au bureau de vote, les canadiens ont riposté et l’armée a été appelée de Sorel en renfort. Il y aurait eu un mort. Armstrong 378 voix, Berczy 370, le vote a été serré mais Armstrong l’a emporté.
20 mars 1841 – Protêt par William Berczy contre Olivier Drolet officier rapporteur pour l’élection au parlement déclarant M. Armstrong élu dans le comté de Berthier.
C’est assez curieux donc de constater que malgré tout W. Berczy était l’ami de Jacques Viger ou de la famille Lévesque qui étaient dans le camp politique opposé, il n’a sans doute pas eu le choix, Louise-Amélie était une femme forte. Il y a quand même eu des tensions, en 1839 Charlotte Mélanie Panet veuve de Marc Antoine Louis Lévesque poursuivait son beau-frère en justice:
En 1848 les fiefs et seigneuries d’Ailleboust et Ramzay ont été mis en vente par les propriétaires. Soit ils n’ont pas trouvé d’acheteur et ont dû malgré tout s’entendre, soit ils ont changé d’avis. Il y a une description du moulin banal: un moulin à farine (banal), un moulin à avoine et un moulin à scie.
En 1857 Charles Lévesque a publié un poème dans La Minerve en hommage à son ami le colonel William Berczy de la milice canadienne.
Documents d’archives
Les premiers colons à s’installer sur les terres de la seigneurie venaient de New-York et du Vermont mais ils sont partis après la guerre de 1812. M. Berczy en a pris la gestion en 1832 et a relancé la colonisation des terres.
William Berczy était le fils d’un peintre, William von Moll Berczy. Louise-Amélie et lui ont appris à peindre auprès de lui et son épouse, professeurs de peinture. Le journal Le Canada-français a raconté la vie de son père: William Von Moll Berczy, colonisateur et peintre.
Un autre journal de 1941 raconte la vie de William Berczy et Louise-Amélie Panet:
En 1992 une exposition du musée du Québec redécouvrait William von Moll Berczy. L’exposition présentait aussi des peintures de son fils et de Louise-Amélie Panet.
Une carte de la BANQ datée de 1800-1812 montre le plan des parties des Seigneuries de Daillebout et de Ramezay appartenant à Pierre Louis Panet Esq. J’en ai agrandi une partie pour montrer que les moulins banaux étaient déjà construits à cette date (la date n’est peut-être pas exacte puisqu’on voit le nom de Mme Berczy sur la carte).
J’ai signalé à la BANQ que plusieurs cartes de ces seigneuries semblent faussement datées, je crois qu’elles datent toutes de la même époque, entre 1830 et 1855 environ.
Les premières cartes précises du Québec ont été dessinées par Joseph Bouchette. Sur sa première carte de 1815 on voit qu’il n’y avait pas encore de chemin menant à Ste-Mélanie.
Sur la carte de 1831 un pont traverse la rivière L’Assomption au sud du village et le chemin de St-Ambroise est dessiné. Il n’y a pas beaucoup de maisons encore.
Dans le recensement de 1871 qui présente des tableaux des établissements industriels des villages il y avait 2 moulins à Ste-Mélanie à cette date, 1 moulin à scie ($1.100) appartenant à Guillaume Riberdy et 1 moulin à farine, à avoine et à scie ($400) appartenant à W. Berczy et autres. Il y avait aussi 2 fours à chaux appartenant à Jean Therrien ($20) et Louis Mandeville ($10).
Ce qui est intéressant c’est qu’il y avait aussi 2 traversiers pour traverser la rivière L’Assomption, on peut supposer qu’il n’y avait pas de pont ou que les traverses étaient plus au nord. François Turcotte avait une traverse-bac ($25) fonctionnant 7 mois par année tout comme le traversier d’Augustin Baril ($16).