Pendant l’hiver 1834 William Berczy a signé plus de 100 contrats notariés pour louer des sucreries à des cultivateurs habitant pour la plupart à Ste-Élisabeth. Le haut des seigneuries de Dailleboult et de Ramzay n’étaient pas encore peuplés, en attendant de les concéder à des censitaires les co-seigneurs avaient recensé tous les érables à sucre présents sur leur territoire et ils les louaient. C’est aujourd’hui le territoire de Ste-Béatrix et St-Jean-de-Matha.
L’industrie du sirop d’érable autrefois
Les érablières de Lanaudière sont bien connues, il y en a encore beaucoup en activité. Mais je n’aurais pas pensé qu’en 1835 la récolte du sirop d’érable était déjà une activité économique aussi importante pour les habitants de la plaine de Lanaudière.
Le 1er décembre 1834 William Berczy a signé au nom des co-seigneurs 32 contrats notariés, lui et le notaire J. O. Leblanc ont travaillé fort ce jour-là. Ils en ont rédigé 103 en tout jusqu’en février et la saison des sucres. Les premiers contrats sont manuscrits, le notaire a ensuite créé un contrat-type dactylographié puisque le texte est toujours le même.
Fut présent William Berczy, Ecuïer, domicilié à Dailleboult, tant en son nom comme ayant épousé Dame Louise Amélie Panet, qu’au nom de Pierre Louis Panet Ecuïer, Grand Voyer du District de Montréal, de Dame Charlotte Mélanie Panet, Veuve Louis Lévesques Ecuïer, et demoiselle Thérèse Eugénie Panet, ses beaux-frères et belles-soeurs, co-seigneurs et co-propriétaires, des Seigneuries Dailleboult et Ramzai…
Le bail était pour une durée de 6 ans, le nom du locataire et l’emplacement de la sucrerie sont inscrits: au nord de la Baie, seigneurie de Ramzai sur le lot N°53. Pour 300 arbres à entailler le loyer était de 30 livres de sucre ou 30 chelins par an. Le nombre d’entailles par arbre et la profondeur des entailles étaient réglementés, en cas d’infraction la rente doublait.
Les habitants de Sainte-Élisabeth et de la plaine de Lanaudière qui avaient déjà défriché leurs terres se déplaçaient presque tous au printemps pour aller faire du sucre dans le nord des seigneuries sur des terres louées. Il faut croire que ça leur apportait un revenu d’appoint appréciable en plus de leur permettre de passer du bon temps en famille dans la forêt.
Le premier contrat a été conclu avec Thomas Geofrois cultivateur à Ste-Élisabeth pour une sucrerie située sur le chemin de chantier en la seigneurie Dailleboult sur le lot N°14 contenant 300 arbres à sucre. Chaque arbre à sucre devait être plaqué pour être facilement identifiable, ils avaient tous été recensés auparavant.
Les contrats notariés de l’hiver 1834-1835
Les contrats notariés se suivent pendant tout le mois de décembre jusqu’en en février 1835, il suffit de faire défiler les pages sur le site de la BANQ. Tous les locataires demeuraient à Ste-Élisabeth sauf pour quelques uns habitant Dailleboult, Ramzai et St-Philippe-de-Kildare que j’ai notés.
1er décembre 1834
- Thomas Geofrois / N°14 / 300 arbres
- François Geofrois / N°26 / 325
- Narcisse Beaugrand / N°51 / 200
- Jean-Baptiste Goulet / N°46 / 500
- Nicolas Forget / N°46 / 375
- Jean-Baptiste Aubin / N°46 / 500
- Joseph Charron / N°30(?) / 350
- Louis Bouchez dit Desroches / N°10 / 250
- François Bouchez / N°44 / 600
- François Sylveste / N°47 / 550
- Timothée Emery / N°24 / 330
- Noël Beaugrand dit Champagne / N°48 / 950
- Narcisse Moujeau(?) / N°11 / 250
- Maxime Joly / Dailleboult / N°1(?) / 300
- Pierre Cazabon / N°21 / 350
- Marie-Anne Bodin / Dailleboult / N°4 / 300
- Joseph Bonin / N°16 / 450
- Narcisse Joly N°48 / 240
- Nicolas Charon dit Ducharme / N°29 / 300
- François Savignac / N°25 / 400
- Etienne Charron dit Ducharme / N°28 / 375
- Antoine Coutre / N°14 / 250
- Antoine Desroches / N°40 / 340
- Antoine Forget dit Latour / N°18 / 340
- Joseph Savignac / N°14 / 365
- Pierre Casèm(???) Rondeau / N°19 / 650
- Pierre Udon dit Beaulieu / N°16 / 520
- Jean-Baptiste Lepier(?) / N°35n / 425
- Jean-Baptiste Lepier(?) / N°31 / 550
- Jean-Baptiste Lepier(?) / N°31 / 550
- Pierre Charron dit Ducharme / N°21 / 400
- Pierre Hudon garçon mineur de P. Hudon / N°13 / 470
2 décembre
- Louis Pepin dit Lachance / N°4 / 430
- Augustin Rock(?) / Dailleboult / N°8 / 250
- Jean-Baptiste Desrosiers dit Lafrainière / N°31 / 800
- Bazil Charbonneaux / N°16 / 500
- Joseph Rondeau fils / N°1 /650
- Noël Aubain dit Lambert / N°19 / 550
- Alexis Lépicier garçon mineur / N°20 / 500
- Basil Durand / N°15 / 560
- Pierre Drinville / N°8 / 180
- Basil Durand fils / N°16 / 260
- Jean-Baptiste Gravelle / N°12 / 560
- Louis Joly / N°6 / 200
- Jean-Baptiste Beaulieu / N°14 /690
- Isaac Desrosiers dit Lafrainière / N°23 / 380
- Joseph Beaugrand dit Champagne / N°17 / 400
- Benjamin Lavoine(?) / demeurant à Dailleboult / N°1 / 500
- Joseph Brissette / N°2 / 300
- Bazile Joly / Dailleboult / N°4 /200
- Joseph Sylveste / N°42 / 400
- Olivier Mapricot(?) / Dailleboult / N°2 / 150
- Michel Sylveste / N°2 / 275
- André Beaulieu / N°18 / 510
- Joseph Marion / N°11 / 225
3 décembre
- Pierre Desrosiers dit Lafrainière / N°26 / 375
- Alexis Lavallée / N°5 / 580
- Joseph Rondeau fils / N°? / 700
- Jean-Baptiste Chrétien / N°51 / 140
- Joseph Brissette / N°1 / 730
- Louis rondeau dit Lavoye / N°43 / 950
- Antoine Desrosiers dit Lafrainière / N°22 / 600
- Joseph Desrosiers dit Lafrainière / N°23 / 600
- Maxime Chaupré(?) / N°2 / 550
- Jean-Baptiste Beaugrand dit Champagne / N°13 / 1100
10 décembre
- Benoni Moujeau(?) / N°15 / 450
- Pierre Desroches / N°2 / 275
- François Charrette / N°4 / 440
- Benjamin Geoffrois / St-Philippe de Kildare 3 N°3 / 350
- Alexis Allard / St-Philippe de Kildare / N°3 / 300
- Pierre Ménard / N°36 / 400
- François Ménard / N°26 / 290
- Pierre Latour dit Forget / N°36 / 730
11 décembre
- François Henô fils / N°53 / 300
- Jean-Marie Dufresne / N°33 / 500
- François Charon dit Ducharme / N°23 / 376
- Antoine Lescarbeaux / Dailleboult / N°? / 400
- Alexis Hudon dit Beaulieu / N°22 / 220
- François Levesque / N°? / 370
- Joseph simper / Dailleboult / situé prè du lac Cloutier N°3 / ? arbres
- David Hudon dit Beaulieu / Nord-est chemin de chantier / 290
- Hilaire Lavallée / Nord-est chemin de chantier / 360
- Laurent Desrosiers dit Lafrainière / N°32 / 550
- Joseph Jubinville / N°19 / 760
- Joseph Lavoye / N°39 / 625
- François Geoffrois père / N°5 / 350
- Louis Latour dit Forget / Lac à la Truite N°2 / 400
- François Xavier Ducharme / Dailleboult / Chemin du chantier / 280
15 décembre
- Joseph Octave Bordeleau / N°15 / 500
- Michel Giroux(?) / N°28 / 360
- Jean-Baptiste Boucher / N°25 / 550
- Michel Gravelle / N°13 / 550
- Joseph Durand / Lac à la Truite N°7 / 250
- Alexis Ayotte / s/o Lac à la Truite / 550
- Joseph Joly dit Minville / N°49a / 196
Février 1835
- Joseph Charbonneaux / Sur les terres dite de Rumble(?) / 440
- Rosalie Robillard / N°3 / 550
- Prospère Charon dit Ducharme / s/o lac à la Truite N°3 / 450
- Jean-Baptiste Gilbert dit Contois / au nord de la décharge du lac à la Truite N°3 / 400
- Pierre Beaugrand dit Champagne / N°5 / 360
- Xavier Bonin / Ramzai / N°27 / 220
- Michel Chrétien / N°27 / 532
- Michel Réjas dit Laprade / N°32 / 350
En cherchant mieux on devrait pouvoir localiser la plupart de ces sucreries mais ce n’est pas le but de cette chronique qui est plutôt de décrire une activité économique d’autrefois. En 1835 il y a eu au moins 43.000 érables à sucre entaillés au printemps sur le territoire de Ste-Béatrix et de St-Jean-de-Matha sur des terres louées avant qu’elles ne soient concédées par les co-seigneurs ce qui leur rapportait un revenu annuel de 4.300 chelins soit 215 livres sterling.
J’ai l’impression que la plupart de ceux qui avaient loué les sucreries en 1835 pour 6 ans ont dû commencer à défricher un peu la forêt et qu’ils ont dû essayer ensuite d’obtenir la concession du lot qu’ils occupaient. Dans la chronique sur les premiers habitants de Saint-Jean-de-Matha on retrouve plusieurs des noms de ces locataires de 1835.
À partir de 1840 le notaire Louis-Ignace (Isaac) Déziel dit Labrèche s’est installé à Ste-Mélanie et William Berczy a conclu des dizaines (des centaines?) d’actes notariés dans son greffe pour des concessions de terres et des locations de sucreries: 18 janvier 1841- Concession à Jean-Baptiste Aubain dit Lambert cultivateur de Ste-Elisabeth d’une sucrerie au sud de la Bay(?) de Ramzay portant le N°46 avec 500 arbres. Le même jour plusieurs autres concessions de sucreries sont accordées et les baux se succèdent en 1841 et 1842.
J’ai trouvé des illustrations sur internet mais ce n’est pas toujours possible de connaître leur source. Celle-ci rappelle que l’art de la fabrication du sirop d’érable nous a été transmis par les premiers occupants du territoire.
Le partage des sucreries en 5 lots
Le 31 octobre 1849 les héritiers Panet ont procédé au partage des seigneuries de Daillebout et de Ramsay pour sortir de l’indivision. Furent présents William Berczy et son épouse Louis Amélie de lui autorisée, Charlotte Mélanie veuve de Louis Lévesque, Benjamin Abbott de Berthier époux séparé en biens de Thérèse Eugénie agissant en son nom en vertu d’une procuration et Pierre Louis Panet domicilié à Ste-Mélanie. Pierre Louis possédait deux cinquièmes des seigneuries et ses soeurs chacune un cinquième, Marie-Anne avait vendu sa part à son frère et n’était pas présente.
Pour le partage ils avaient recensé 72.000 érables à sucre dans les 2 seigneuries qu’ils ont répartis dans les 5 lots tirés au sort. 10.054 dans la 1ère part, 12.920 dans la seconde, 9.903 dans la 3ème, 28.469 dans la 4ème et 10.665 dans la 5ème; divisé par 5 celà donnait 1.440 livres de sucres par part et pour égaliser les parts le propriétaire de la 4ème devait compenser les autres.
Lire: Les fondateurs de Sainte-Mélanie, Ste-Béatrix et St-Jean-de-Matha
Les sucreries du township de Brandon
Dans le rapport du comité sur l’établissement des Terres de la Couronne en 1821 Jacques Deligny a fait rapport à la chambre de l’état de la situation dans les townships de Kildare et Rawdon. On y apprend que M. Antrobus louait des sucreries dans les cantons alors qu’il n’avait aucun titre pour le faire. [Il semble que Jacques Deligny ait confondu les townships de Rawdon et Brandon; J. Antrobus n’a rien à voir avec Rawdon mais il a été très actif dans Brandon].
Les plus anciens baux de sucreries que j’ai trouvés datent de 1767 mais il y en a certainement eu depuis le début de la Nouvelle-France. Le 10 février 1767 James Cuthbert seigneur de Berthier a fait bail à titre de loyer pour 10 ans à Joseph Charon dit Ducharme de Berthier d’une sucrerie dans l’île Randin pour 10 livres de sucre par an. L’acte se poursuit avec un bail à François Lavanture père, un autre à la dame veuve Tellier, à François Cazaubon dit Dostaller, à Joseph Desroziers dit Lafrenière, à Louis Laselle(?), à Joseph Hénaut dit Delorme, à Antoine Latour père, à Alexis Cazaubon dit Rocheville, à Simon Beaugrand dit Champagne, à François Généreux, à Antoine Frenière(?) et à Pierre Gaudin, tous pour des sucreries sur l’île Randin où il y avait donc de nombreux érables à cette époque. (Notaire Barthélémy Faribault)