Le manoir Panet a été construit en 1811 par Pierre-Louis Panet. C’était le manoir de la Seigneurie D’Ailleboust située au nord de Joliette au pied des premières montagnes des Laurentides. C’est un des plus anciens bâtiments du nord de Lanaudière avec une riche valeur patrimoniale mais il est à vendre, il faut le sauver.
Mise à jour 6 octobre 2018 – Un groupe de citoyens veut sauver le manoir et il organisait une visite de l’intérieur les 6 et 7 octobre. Je n’ai pas manqué l’occasion et la visite en valait la peine, l’intérieur est beaucoup mieux préservé que l’extérieur. J’ai ajouté quelques photos à la fin de l’article.
La seigneurie D’Ailleboust
La Seigneurie D’Ailleboust (numéro 10 sur la carte) a été concédée en 1736. C’est un rectangle d’une lieue et demie par quatre sur le territoire actuel de Sainte-Mélanie, Saint-Jean-de-Matha et Sainte-Béatrix.
En 1800 le juge Pierre-Louis Panet achète la seigneurie. C’est encore une terre inconnue et il la fait arpenter à partir de 1802. Il fait construire le manoir en 1811 et s’y installe.
P.-L. Panet fait partie d’une famille de juges et de notaires proches du gouvernement britannique. Élu député à la première assemblée (1792) il soutiendra l’assimilation inévitable des francophones du Canada et votera pour l’unilinguisme (anglais) des débats de la Chambre. Il est franc-maçon et très cultivé. Il meurt en 1812 et sa femme prend soin de la seigneurie qui est à peine développée.
« Cette vue représente probablement la campagne autour d’Ailleboust, où l’artiste réside de 1832 jusqu’à la fin de sa vie. La première église de Sainte-Mélanie a été construite en 1832. Vers la gauche, on pense que la construction représenterait le manoir d’Ailleboust. »
Réjean Olivier dans « Légendes de Lanaudière »
Lire l’article: Les seigneuries de Ramezay et D’Ailleboust vers 1855
Le manoir



Ce manoir de style anglo-normand avec toiture à quatre pentes douces ou à quatre eaux, présente dans une certaine austérité, symétrie et équilibre. Il continue à défier les ans et à évoquer ces décors de salons de haut goût où évoluaient des toilettes élaborées qui donnaient grande allure aux hommes comme aux femmes; à résonner encore d’un langage poli, distingué, raffiné…
François Lanoue, Fragments d’histoire – 1977
Le manoir aujourd’hui
Situé juste au pied des montagnes face à la plaine, le manoir existe encore. Il est situé juste en-bas du village de Sainte-Mélanie, au bord de la route.
Bien qu’il soit bien entretenu, le bâtiment a perdu beaucoup de sa splendeur d’antan, le revêtement extérieur est franchement laid. D’ailleurs la maison est à vendre, ce qui explique peut-être pourquoi l’endroit a l’air de manquer d’amour.
Louise-Amélie Panet
Curieusement on trouve la biographie de Louise-Amélie Panet sur Wikipedia en anglais mais pas en français. J’ai trouvé cette biographie dans le dictionnaire des peintres d’Amérique du Nord.
Née à Québec et élevée chez les Ursulines, c’est une fille de seigneur. Elle étudie les arts et épouse William Bent Berczy. Celui-ci d’origine allemande est francophone, c’est un colonisateur et un des fondateurs de Toronto. Issu d’un milieu artistique, ses peintures et celles de son père sont exposées dans les musées canadiens.
Après avoir vécu en Ontario avec lui elle hérite de la seigneurie en 1832 et s’y installe. Le manoir est isolé au bord de la grande forêt laurentienne, elle va s’occuper de son développement pendant le reste de sa vie.
Marcel Ducharme a publié en 2016 une recherche sur son histoire qui apporte une lumière originale sur la vie politique de cette époque. Issue d’un milieu loyaliste et opposée à la Rébellion des Patriotes, on constate que son milieu social et intellectuel est très diversifié: des bureaucrates de la clique du gouverneur mais aussi Papineau, les 2 Viger, son neveu préféré Guillaume Lévesque (Patriote qu’elle sauve de la pendaison) enterré à côté d’elle à Ste-Mélanie.
Tout ce monde vient rendre visite aux seigneurs dans leur manoir de Sainte-Mélanie, on fait de la poésie, de la peinture. En même temps la seigneuresse raconte dans de longues lettres ses relations avec ses censitaires, ses pauvres canadiens ignorants mais si doux. Elle partage leur quotidien, la vie campagnarde.
Elle décède en 1862 après que le régime seigneurial ait été aboli. Des restes de rentes seigneuriales seront perçues par la municipalité de Sainte-Mélanie jusqu’en 1970.
Louise-Amélie Panet, seigneuresse, artiste-peintre, poètesse – Marcel Ducharme – Éditions Point du Jour
Jacques Viger fréquentait le manoir, son album de Souvenirs Canadiens contient plusieurs documents le concernant.
Patrimoine en danger
L’église de 1869, le manoir de 1811, on ne peut pas dire que la municipalité de Sainte-Mélanie se préoccupe beaucoup de son patrimoine . Permettre de construire une station d’essence juste devant l’église faut le faire quand même. En 1803 quand les héritiers de P.-L. Panet ont donné 2 terres pour la construction de l’église et du presbytère ils ont exigé qu’elle fasse face au manoir et que le cimetière soit derrière l’église. Il est évident que l’église est construite pour dominer la plaine et être vue de loin.
Le manoir de Louise-Amélie Panet est un monument pour toute la région avec une riche histoire à raconter. Il ne reste pas beaucoup de bâtiments de cette époque. Il faudrait bien que quelqu’un fasse quelque chose.
Le manoir de Repentigny à Mascouche
Il y a un autre manoir seigneurial dans la région, le manoir de Repentigny. Je l’avais visité il y a 20 ans quand il avait été transformé en école et poste de police. Ce bâtiment unique datant de 1795 a été à l’abandon et vandalisé. Voici un article sur son histoire datant de 2013 où j’ai trouvé cette photo:
La ville de Mascouche a racheté le domaine en 2015 et devrait restaurer le manoir. On trouve l’histoire du domaine seigneurial sur son site. Mais ce n’est pas nécessaire d’attendre qu’un trésor culturel tombe en ruines avant de s’en occuper. La restauration ne semble pas avoir commencé encore.
Quand on a peu de trésors culturels il faut d’autant plus en prendre soin.
Photos de l’intérieur du manoir




