Le plan du canton de Brandon publié en 1853 montre tous les moulins actifs à cette époque. Pour documenter la carte des moulins de Lanaudière que je construis, je cherche des informations fiables permettant de les localiser mais les cartes anciennes ne montrent en général que les principaux établissements. Beaucoup de moulins ont été construits à cette époque, il y en avait au moins 18 juste dans le canton de Brandon en 1853.
En avril 1853 James William Martin a publié le plan du canton de Brandon dans le district de Montréal. Il avait arpenté le territoire en 1852 et dans son carnet d’arpentage il écrit qu’il n’y avait qu’une quinzaine d’habitants établis dans le canton avant 1842. En 1852 il y avait déjà 200 familles représentant environ 1.000 âmes et au moins 18 moulins.
La seigneurie de Lanaudière et Toussaint Pothier
On remarque que le canton de Brandon ne comprenait pas le lac Maskinongé et ses alentours qui faisaient partie de la seigneurie de Lanaudière. En 1814 Toussaint Pothier a acheté les seigneuries de Lanaudière et de Carufel à Marie-Anne Tarieu de Lanaudière, fille héritière de Charles-Louis Tarieu de Lanaudière. Il semble que le seigneur de Lanaudière avait mystérieusement agrandi sa seigneurie en y incluant le lac Maskinongé et que quand le canton de Brandon a été proclamé en 1827 c’était un fait établi. Toussaint Pothier était le fils d’un riche commerçant de fourrures qui avait été l’un des fondateurs de la North West Company, il commença tôt à s’occuper de la traite des fourrures.
L’église de St-Gabriel se trouvait juste à la limite de la seigneurie, dans le canton.
Toussaint POTHIER (achat de la Seigneurie en 1814) est un industriel qui exploite les chutes de St-Ursule, notamment par la construction d’un moulin à farine, de deux moulins à carder, d’un moulin à raser l’étoffe et d’un moulin à fouler. Il se fait construire un manoir au pied des chutes. Il décède en 1845 et sa succession fait faillite le 16 mars 1848. Suite à cette faillite, la seigneurie passe entre plusieurs mains jusqu’à son acquisition le 23 décembre 1867 par Michel Lefebvre, marchand de Montréal.
Claudine Pierre-Deschênes – Christian Porès
La proclamation du canton de Brandon en 1827
Les cantons ont été proclamés à partir de 1792 et le seigneur de Lanaudière a fait arpenter son domaine en 1793 en incluant le lac Maskinongé. Ce n’est qu’en 1823 qu’un premier arpentage du canton de Brandon a été fait par Patrick Smith. Le canton de Brandon a été officiellement proclamé le 8 janvier 1827.
La carte représentait les lots réservés à la couronne et au clergé (on les voit sur les premiers rangs), les annotations et les colorations ont été ajoutées postérieurement. Au sud du lac Maskinongé il y a une route du moulin mais le moulin n’est pas localisé.
Christiane Laurin a publié pour le 150ème anniversaire de St-Damien en 2017 trois volumes de recherches, Saint-Damien se raconte, qui sont particulièrement bien documentés. Voici un résumé de son histoire de la création du canton. 18.800 acres ont été arpentés ce qui en fait un petit canton (14ème sur 16). En 1826 une concession de 9.700 acres a été attribuée à Edmund Antrobus. C’était un militaire, le neveu(?) de James Cuthbert. En 1828 une autre concession de 1.200 acres a été allouée à James Cuthbert. Il restait donc 9.404 acres à distribuer en enlevant les réserves de la couronne et du clergé.
Quelques familles se sont installées mais les terres qui étaient destinées à récompenser les militaires à la retraite ont surtout été l’objet d’une intense spéculation. François Boucher, major dans le 2ème bataillon de Trois-Rivières et seigneur de Carufel a reçu 1.000 acres, William Aird capitaine de la milice de Berthier et marchand en a eu 800, la famille Hibbard des loyalistes du Vermont 900, Jean (notaire et capitaine) et François (lieutenant-colonel) Bélanger 900, Thomas Lee (capitaine et député à la Chambre) 800 acres… En 1842 James Cuthbert a vendu 8.800 acres à Louis Massüe qui s’est aussitôt associé à Pierre Brisseau pour acheter les lots Antrobus, 11.600 acres en tout.
En-haut du lac Maskinongé Isaac Phineas était propriétaire de plusieurs lots. C. Laurin écrit qu’il a reçu ses lettres patentes en 1831. Les annotations de cette carte doivent donc dater d’après.
Les moulins du canton de Brandon en 1853
Le moulin à scie d’Isaac Phineas
Sur le plan de 1853 on voit un moulin à scie inscrit en-haut du lac Maskinongé sur une rivière et si on regarde une carte actuelle on voit qu’elle s’appelle aujourd’hui le cours d’eau Georges-Lafrenière. Je peux donc situer approximativement les différents moulins du canton de Brandon sur ma carte interactive et, grâce aux recherches de C. Laurin, ajouter quelques informations.
Sur la carte un moulin à scie est dessiné sur le lot 1 du rang 8 appartenant à Isaac Phineas depuis 1831. Selon C. Laurin il pourrait s’agir d’un moulin à scie que Phineas opérait pour le compte de T. Pothier qui avait commencé à exploiter la forêt de ce secteur dans les années 1820. La date de construction du moulin est incertaine. En 1852 Pierre Bergeron en est devenu le propriétaire. Ce sont les seules informations.
Isac Heineman Phineas était gérant du moulin du seigneur Toussaint Pothier sur la rivière Maskinongé, il fut son agent des terres de 1820 à 1838.
Le moulin à scie du lac Corbeau
Il s’agit du premier moulin sur le futur territoire de St-Damien. On attribue à Joseph Dénommé ce premier moulin à scie du village… Martin décrit une chute d’environ 20 pieds sur la rivière, où un très bon moulin y est installé… Quant au moulin en place, Beaulieu estime qu’il aurait fermé vers 1856 en raison du manque de bois dans les environs.
C. Laurin
En 1856 il n’y avait plus assez de bois à exploiter dans ce secteur, je crois que cette information concerne beaucoup d’autres secteurs et explique pourquoi autant de moulins ont dû fermer assez vite. C. Laurin raconte que les arpenteurs avaient remarqué que le bois commercial des lots ouest des 12ème et 13ème rangs avait déjà été coupé. Edward Scallon, associé de B. Joliette, aurait exploité un chantier sur le 12ème rang, faisant descendre le bois par la rivière Noire. Dans le secteur de I. Phineas un certain J. Armstrong aurait fait une coupe commerciale à l’est du 9ème rang en 1827. Une fois le bois commercial local exploité le moulin à scie n’avait plus d’utilité.
Le moulin Morrison
En 1847 l’arpenteur Pierre Lévesque a décrit le moulin Morrison qui semble dater de 1845. Il aurait cessé de fonctionner avant novembre 1854.
C. Laurin écrit qu’en 1842 le commerce du bois a pris on envol. Cette année-là le montant collecté par le gouvernement des permis de coupes avait été de 75 fois supérieur au montant de l’année précédente. On comprend qu’il y a d’abord eu une exploitation effrénée du bois du fois facilement accessible que des industriels ont rationalisée en éliminant rapidement les petits moulins locaux.
Le moulin Morrison se trouvait dans le village actuel de St-Damien.
Moulin Collins – Hamelin
Plus bas sur la rivière Matambin on trouvait ensuite un moulin à farine, à scie et à foulon situé sur une dénivellation de 20 pieds. Le 28 novembre 1843 James Dignan agent de MM. Massüe et Boisseau a vendu la moitié du lot 7 du 9ème rang à Michel Collins faiseur de moulins de Ste-Elisabeth. En 1850 Collins a vendu à Édouard Hamelin. Ces exploitants étaient de plus gros joueurs et leur commerce a prospéré. Le moulin a fermé vers 1962 et il en reste quelques vestiges.
Moulin à scie en construction
Ce moulin aurait été construit à la décharge du lac Ford nommé lac Mondor par la suite. C’est la seule information que donne C. Laurin à propos de ce moulin.
C. Laurin décrit ensuite plusieurs moulins construits sur le territoire de St-Damien qu’elle a répertoriés à partir d’autres sources: moulin à scie Lebert, moulin de Joseph Bélanger – Joseph Tellier, moulin à scie Maxwell-Phaneuf, moulins à scie du lac Blondin, moulin Morrison-Gravel… J’ai pu les ajouter à la carte des moulins de Lanaudière.
Les autres moulins du canton de Brandon en 1853
Les noms des lacs et des rivières ont changé. Sur la carte précédente on voit qu’il y a un autre moulin à scie sur une rivière Berthier mais cette rivière s’appelle aujourd’hui ruisseau Lucien-Gravel. Le Trout Lake de la carte s’appelle aujourd’hui le lac Berthier et il y avait 3 moulins sur la rivière Berthier actuelle, 2 à scie et 1 à foulon.
En-desous du lac Berthier actuel sur la rivière Bayonne et ses affluents il y a encore 3 autres moulins, 2 à scie et 1 à farine.
Sur un autre plan du canton de Brandon dessiné en 1805 par Wiliam Sax on peut voir qu’un moulin existait déjà dans ce secteur en 1805: mill seat… Le numérotage des lots a changé, il se trouvait à la limite du canton entre les rangs 4 et 5.
Dans le bas du canton 4 autres moulins sont inscrits, 2 à scie et 2 à scie et à farine.
Sur le plan du canton de Brandon de 1805 on peut voir qu’il y avait aussi un moulin sur le lot 2 du rang 3.
Finalement dans le coin sud-ouest du canton il y avait encore 2 moulins, 1 à farine et à scie, 1 à scie.
Le 4 novembre 1847 Amable Jetté marchand de l’Assomption a conclu un marché avec Louis Dânais charpentier de Ste-Elisabeth pour la construction d’un moulin à scie et à farine dans le township de Brandon sur un terrain acquis de Elzéard Olivier. Les bâtisses à l’entretoise auront 2 étages de 48 pieds par 24 pour le moulin à scie, 50 pieds par 24 pour le moulin à farine avec une autre bâtisse de 25 pieds par 15 en pièce sur pièce. Un plan rudimentaire accompagne cet acte. Le moulin d’Amable Jetté se trouvait sur la rivière Bayonne, c’est donc celui qu’on voit sur le plan ci-dessus.
Le 2 septembre 1850 François-Xavier Brissette a vendu à Eusèbe Dupuis une terre connue sous le numéro deux située dans la première concession de St-Pierre du lac Maskinongé formant partie du 3ème rang du township de Brandon avec un moulin à scie.
Le chemin de chantier de Mr. Tymmes
Le long de la branche nord-ouest de la rivière Mattambin on remarque un chemin de chantier menant à la rivière Mattaouin, preuve que l’exploitation du bois s’étendait déjà loin au nord. Voici le commentaire dans le carnet de l’arpenteur J.W. Martin:
Un certain M. Tymmes qui a commencé à préparer des billots sur la rivière Mattawin a ouvert une route dernièrement à partir de ce canton jusqu’au chantier et y a acheminé ses provisions par ce chemin l’hiver dernier, (..) et la distance à partir de la Chapelle, ou plutôt Église de Brandon, jusqu’au chantier de Tymmes est d’environ 48 miles, certainement un très long voyage à travers la forêt.
Traduction de l’anglais
J’ai trouvé par hasard cette carte montrant le chemin de Symmes depuis le lac Maskinongé jusqu’à la rivière Matawin vers 1900:
Saint-Gabriel de Brandon en 1879
Les cartes anciennes sont belles à regarder, celle-ci montre les chemins qui menaient à St-Gabriel et les maisons du village autour de l’église en 1879.
Sketch showing roads traversed and ties obtained on that part of the parish of St Gabriel de Brandon within the seigniory of Lanaudière and 1st, 2nd, 3rd ranges of Brandon – John Neilson père 1879.
Sur ce plan montrant les chemins situés dans une partie de la seigneurie de Lanaudière et dans les 1er, 2e et 3e rangs du canton Brandon figurent le lac Maskinongé, la rivière Maskinongé, le village Saint-Gabriel-de-Brandon, l’église, le cimetière et les bornes.
Description par la BANQ
Les 45 moulins de St-Gabriel de Brandon en 1917
En 1917 Casimir Hébert a publié Histoire de Saint-Gabriel de Brandon et de ses démembrements: Saint-Damien, Saint-Didace, Saint Charles de Mandeville, Saint-Cléophas, Saint-Edmond, Etc.
à la fin du livre il fait une liste des scieries et moulins à farine qui ont été construits au fil du temps et en dénombre 45. La première scierie a été bâtie vers 1845 par Etienne Chênevert à Pique-Dur sur le ruisseau Tellier affluent de la rivière Bayonne; un moulin à farine et un moulin à carder y étaient annexés. Le second fut construit par Jack Armstrong au ruisseau Aubin.
Vers 1849 Michel Collins construisit un troisième moulin à l’entrée de Saint-Damien sur la Grande Matembin. Michel Collins venait du village d’Indutrie (Joliette) et il avait déjà construit un moulin à scie à Kildare: le 7 décembre 1837 William, Gordon et John Huston du 8ème rang de Kildare ont vendu à Michel Collins constructeur de moulins du village d’Industrie une partie du lot 6 du 8ème rang de Kildare pour y construire un moulin.
Carte des moulins de Lanaudière
L’exploitation industrielle du bois dans les forêts de Lanaudière raconte l’histoire des villages. Chaque village raconte son histoire mais c’est une histoire globale qui s’est déroulée dans toute la région à partir de 1820 et surtout 1842. En étudiant les archives de chaque village on comprend mieux cette histoire interreliée mais c’est un long travail de documentation. En situant les moulins sur une carte le portrait global de l’ampleur du phénomène est plus facile à saisir.
L’emplacement des moulins est souvent approximatif selon la documentation disponible. Et il en reste encore beaucoup à ajouter à la carte, je n’ai pas pu documenter tous les villages encore. Je n’ajoute à la carte que des moulins documentés par des archives historiques.
Merci pour ces beaux textes sur les moulins et compléments d’informations que j’ai lu sur ce site.
Je suis à faire des recherches généalogiques sur ma famille. Tout ce qui touche la période du premier Armstrong, Jesse ou Jessé loyaliste venue de l’état de New York à s’installer à ce qui se nommait à l’époque, Lake Maskinonge Settlement m’intéresse. Plus particulièrement entre 1783 à 1825, date avant la naissance de la paroisse de Saint-Gabriel-de-Brandon. La raison de cette période est qu’elle peut connue de l’Histoire et le survol qui est fait dans deux ouvrages que j’ai consultés (Histoire de Saint-Gabriel-de-Brandon et ses démembrements, édition 1917 et Saint-Gabriel-de-Brandon à travers le temps, édition 2018) laisse un vide que je tente de combler.
La recherche devient parfois contradictoire, mais avec des recherches notariées, celle-ci apporte une précision. Mais même dans cette précision, il y a des lacunes. Exemple, sur un acte notarié en date du 24 janvier 1804, le sieur Charles de Lanaudière fait un bail de 11 ans qui commençait le premier octobre précédant à Charles Dunn meunier de métier demeurant dans le fief de Carufell.
Ledit moulin se trouve sur la rivière Maskinongé dans le fief de Marie Anne. Tout laisse croire que selon ce que je peux lire, le moulin à farine et un autre à bois seraient peut-être actifs puisse qu’il comprend des dépendances et une petite grange.
Le fief de Marie Anne semble être le lac Maskinongé et son pour tour qui pourrait comprendre tant Saint-Didace que Saint-Damien. Selon la carte interactive de Lanaudière, peut-être que le moulin indiquer par un marqueur noir non loin de Saint-Charles-de-Mandeville serait celui du sieur de Lanaudière opéré par Charles Dunn. Mais le manque de précision de l’acte notarié peut faire en sorte qu’il soit à Saint-Ursule bien avant l’arrivée de Toussaint Pothier ou même ailleurs le long de la rivière Maskinongé.
Selon ce que je lis sur votre page, le J. Armstrong qui à fait une coupe commerciale dans le secteur de I. Phineas, il serait plausible que ce soit Joseph Carr Armstrong, fils de Jesse Armstrong.
Si vous avec des informations à ce sujet ou sur Lake Maskinonge Settlement ou en savoir sur le peut que je sache, communiqué avec moi.
Robert Armstrong
Le livre de Christiane Laurin St-Damien se raconte est particulièrement bien documenté. La prochaine fois que j’irai à la bibliothèque de Joliette je regarderai les informations qu’on y trouve sur la famille Armstrong.
Bonjour Robert,
Les informations dont tu parles m’intéressent beaucoup.
Actuellement, je suis à recueillir des informations en vue de rédiger l’histoire de la Seigneurie de Lanaudière. Cette seigneurie est située sur la rive nord du St-Laurent, à cheval sur la démarcation entre les gouvernements de Montréal et de Trois-Rivières.
Elle fut concédée en 1750 à Charles François Xavier Tarieu de Lanaudière.
Les Armstrong y sont très présents.
J’aimerais bien échanger avec toi.
J’ai transmis votre message à Robert Armstrong au cas où il ne suivrait pas les commentaires de la page.