Histoire de la création du canton de Kildare situé au nord de Joliette où se trouvent aujourd’hui les villes de Saint-Charles-Borromée, Saint-Ambroise-de-Kildare et Sainte-Marcelline-de-Kildare. En 1824 les habitants des six premiers rangs du canton étaient tous canadiens français et les habitants des six autres rangs tous anglophones, des militaires irlandais retraités.
Arpentage du canton de Kildare
En 1792 le gouvernement anglais a commencé à créer des cantons, townships, au nord des seigneuries concédées sous le régime français. Dès 1792 Pierre-Paul Margane De la Valtrie a demandé que la limite nord de sa seigneurie soit délimitée pour créer un canton. Sa demande a été acceptée en 1802 et l’arpenteur du gouvernement Joseph Bouchette a reçu le mandat de délimiter les lots du canton de Kildare.
Un premier arpentage sommaire du canton de Kildare avait été fait dès 1792 en même temps que celui du canton de Rawdon par William Fortune.
W. Fortune avait embauché 4 indiens à Caganawago près de Lachine, sans doute Kahnawake, pour le guider sur ce territoire encore inconnu.
L’arpentage fait par Joseph Bouchette en 1802 est plus précis, son carnet d’arpentage déposé lui aussi à la BANQ donne les détails sur son travail. Le 14 septembre 1802 il s’est rendu à Lavaltrie rejoindre M. Vondenvelden, député arpenteur, selon les instructions de l’Arpenteur Général. Il semble que l’arpenteur Louis Legendre ait dessiné le diagramme à partir des relevés de J. Bouchette.
À Lavaltrie Bouchette a retrouvé Charles De La Naudière, William Vondenvelden, écuyers, Robert Smith et plusieurs autres censitaires de la seigneurie de Lavaltrie pour procéder à l’arpentage.
Le carnet d’arpentage donne des précisions sur la qualité des terrains arpentés qui étaient très boisés. Le canton de Kildare commençait au niveau de la rue Précieux-Sang qui se trouve aujourd’hui dans la ville de Joliette. Sur la 2ème page du carnet on lit la description de la végétation à cet emplacement exact en 1802 (lots 7 à 13). Au niveau du lot 12 un chemin montait vers le nord en suivant la rivière L’Assomption pour mener à la seigneurie de M. Panet (Ste-Mélanie).
Le diagramme du canton de Kildare a été adopté officiellement par le gouvernement le 24 juin 1803, il est signé par Joseph Bouchette.
À cause de sa situation enclavée entre les seigneuries ce canton ne fait que 5 miles de large au lieu des 10 normaux, formant 12½ lots au lieu de 28. À l’ouest le canton de Rawdon venait d’être tracé, à l’est les seigneuries de Lanoraie et d’Ailleboust existaient depuis longtemps. Pour compenser, partiellement, le canton de Kildare a eu droit à 12 rangs au lieu de 10.
L’octroi des lots du canton de Kildare en 1803
Le jour même de la reconnaissance officielle du township on enregistre l’octroi de terre dans la partie sud du territoire – les rangs 1 à 6 – tandis que la partie nord – les rangs 7 à 12 – est réservée pour les militaires qui désireront s’établir au Bas-Canada…
Le même jour, les concessionnaires des terres au sud du septième rang cèdent tous par contrat leurs nouvelles propriétés soit au seigneur de Lavaltrie, soit à Monsieur William Vondenvelden, et ce pour une somme dérisoire.
J.-Claude Lapierre – St-Ambroise de Kildare
Les six premiers rangs ont été entièrement concédés grâce à un système de prête-noms, sauf les lots réservés au clergé et à la couronne. Le seigneur de Lavaltrie a été récompensé pour ses loyaux services d’une façon très particulière qui a dû faire des jaloux.
William Vondenvelden était arpenteur général adjoint du gouvernement depuis 1795 et en 1801 il a été élu député de Gaspé. À la chambre d’Assemblée, il appuie le parti canadien. Ce geste lui attire des ennuis, et il doit démissionner de son poste d’inspecteur, le 21 mai 1801. Il semble qu’il avait aidé le seigneur de Lavaltrie à arpenter la limite nord de sa seigneurie et dans ses démarches auprès du gouvernement grâce à ses bonnes relations. L’octroi de ces lots était son salaire.
Dans le nord du canton J.-Claude Lapierre indique que plusieurs lots ont été octroyés en 1824 au major Beauchamp Colclough, l’officier le plus haut gradé du 103ème régiment basé à Berthier. Les lots identifiés à son nom lui ont été attribués pour ses services comme agent des terres du gouvernement depuis 1820 environ. Il était chargé de distribuer des lots aux soldats retraités. Les officiers et les sergents avaient droit à un lot et les soldats à un demi lot.
Par exemple, en 1820, les trois frères Millichap dans le douzième rang à proximité du lac des Français; en 1822, dans le huitième rang, les Dixon (six frères et 4 soeurs) et les Daly (un père et ses fils); aussi en 1822 les Gass (5 frères)…
J.-Claude Lapierre
Une autre carte de la BANQ attribuée à Louis Legendre en 1812 reprend le diagramme de J. Bouchette en détaillant la limite sud du canton et la jonction avec les limites irrégulières des terres des seigneuries.
La moitié sud du canton transformée en seigneurie
La partie régie par le seigneur de Lavaltrie est exploitée selon le système seigneurial. Les structures administratives étant déjà en place, les nouvelles terres sont simplement annexées à la seigneurie.
J.-Claude Lapierre
M. de Lavaltrie propriétaire des 3 premiers rangs subdivise ses 39 lots pour en faire 117. Le premier colon à s’installer est Louis Gauthier suivi de Louis Laporte en 1809. Le suivant est Louis Laporte fils en 1814. Quinze nouveaux colons s’installent en 1817, treize en 1818, tous les lots du premier rang et la moitié du deuxième sont occupés en 1822.
Le 18 février 1809 Pierre-Paul Marganne de Lavaltrie a cédé un lot à François Gauthier dit Landreville qui montre comment les lots ont été octroyés. Il avait proposé de vendre la terre en franc et commun soccage, ce que Gauthier a refusé préférant le prendre à bail perpétuel en payant une rente comme si il s’agissait d’une censive. Le lot avait été arpenté par Pierre Rottot le 28 décembre 1807. Les lots ont peu à peu été octroyés par les seigneurs de Lavaltrie selon la même teneur; j’ai retrouvé quelques contrats notariés. 17 décembre 1814 bail à charge perpétuelle par Dame veuve DeLanaudière à Louis Laporte fils, 19 décembre 1816 à Jean-Baptiste Jodouin,
Le 19 février 1819 pour un bail à Joseph Gaudin un formulaire préimprimé a été utilisé:
En 1822 la Dame veuve De Lanaudière est décédée et un nouveau formulaire a été imprimé au nom des nouveaux seigneurs de Lavaltrie, Pierre Paul Tarrieux Taillant de Lanaudière, Barthélémy Joliette et Charles Pierre Leodel (une erreur de frappe, il s’appelait Loedel).
Les lots de la famille Vondenvelden ont été distribués et administrés selon le même système seigneurial. Dans la liste des premiers occupants des 6 premiers rangs faite par J.-Claude Lapierre il n’y a que des noms canadiens-français (sauf Jean-Baptiste McGraw).
Une fois les lots octroyés des ventes ont pu se faire. Le 4 octobre 1817 François Pelerin a vendu à Jean-Baptiste Vaine un lopin de terre à prendre dans le 4ème lot du 1er rang de Kildare, le terrain N°2 selon l’arpentage de ce lot fait par Maitre Rottot(?) le 30 mai 1808. Le 5 octobre François Carron a vendu à Joseph Martin dit Barnabé le N°8 du lot 5 du 1er rang. Le 1er novembre 1817 Jean-Baptiste Veine de St-Jacques a revendu à François Wolfe le lopin de terre. Le 15 novembre 1817 Jacques Magneron dit Lajeunesse a vendu à François Raynaud dit Blanchard un autre lopin du même lot. Le 21 septembre 1818 Jean-Baptiste Bolduc a vendu à François-Xavier Versailles un lopin à prendre dans le lot 6 du 1er rang, le N°9 du lot. Le 21 mars 1819 Pierre Bonin a vendu à Louis Champoux le N°10 du lot 6 du 1er rang. Le 23 juillet 1819 François Wolfe a revendu à Pierre Desrosier le terrain N°2 du lot 4. Le 16 février 1819 Joseph Magneron dit Lajeunesse a vendu à Jean-Baptiste Laperche dit St-Jean le N°12 du lot 6 du 1er rang. Le 23 mars 1820 François Grégoire maître tonnelier a vendu à François Ciber dit Bélaire le N°11 du lot 6 du 1er rang. Le 29 avril Jean-Baptiste Houle a vendu à Bazil Ayot dit Mâlo le N°7 du lot 5 du 1er rang. Le 15 juillet Joseph Martin dit Barnabé a vendu à Amable Champoux le N°8 du lot 5 du 1er rang. Etc.
L’exploitation du nord du canton
La carte suivante est datée de 1802 par la BANQ mais c’est une erreur. Il s’agit du diagramme dessiné par J. Bouchette en 1803 avec des annotations sur certains lots. On lit les noms de Joliette et Leodel les seigneurs de Lavaltrie, la carte doit donc dater de 1820 ou après.
Dans les 6 premiers rangs on voit 2 lots réservés à la couronne ou au clergé identifiés au nom de Leodel et d’autres sont colorés (à vendre?). Mais la plupart des cases sont vides, les lots étaient déjà concédés. Ce diagramme semble plutôt avoir été fait pour identifier les propriétaires des lots des rangs 7 à 12.
En 1823 Barthélémy Joliette et son beau-frère P.-C. Loedel qui administraient la seigneurie de Lavaltrie ont fondé les moulins du village de L’Industrie (Joliette) et ils ont eu besoin de bois à exploiter. Ils ont pu acheter tous les droits de coupe de la seigneurie d’Ailleboust à son seigneur mais dans un canton ils devaient se faire octroyer des lots qu’ils n’avaient aucune intention d’occuper personnellement.
L’attribution des lots à des militaires retraités dans ce secteur montagneux s’est donc faite en concurrence avec les exploitants de bois. Guy et Beauchamp Colclough sont arrivés à Berthier vers 1822. Le 7 septembre 1822 bail entre Charles Preville et Guy C. Colclough résidant à Berthier pour une portion de terre de Daillebout. Le 18 octobre François Lavoie résidant dans la seigneurie de Daillebout paroisse Ste-Elisabeth a loué un emplacement sur sa terre au major Beauchamp Colclough de Berthier.
Le 9 octobre 1824 Beauchamp Colclough résidant à Daillebout a cédé à son fils Alexander Colclough le lot N°12 du 7ème rang de Kildare et le lot N°6 tenant au cédant et au lot du clergé de 200 acres chacun avec les lettres patentes accordées par sir Francis Burton. Le même jour comme agent du township de Kildare il a vendu à François Boucher marchand de Maskinongé le lot 11 du 8ème rang tenant à Thomas Dixon et au village pour 100 livres; il a aussi vendu à Antoine Lemyre de Maskinongé le lot 13 du 7ème rang de 124 acres pour 5 chelins par acre.
Le 9 octobre encore Guy Colclough capitaine à demi paye du 103ème régiment résidant à Daillebout a vendu à François Boucher le lot 11 du 7ème rang de 200 acres tenant à Charles Morrison et Alexander Colclough avec des bâtiments pour 150 livres.
Le 11 novembre Beauchamp Colclough résidnt à Berthier a vendu à William Henry Hamilton son gendre collecteur de douane de Sherbrooke le lot 5 du 8ème rang de 200 acres pour 6 chelins et 3 deniers par arpent; le 14 décembre à Charles Morrison marchand de Berthier le lot 9 du 7ème rang pour 58 livres; le 14 janvier 1825 à Pierre Larochelle de Ste-Elisabeth la moitié du lot 8 du 7ème rang pour 6 chelins et 3 deniers par arpent; le 6 mai à James McCue l’autre moitié du lot 8.
Le 28 mai 1825 Beauchamp Colclough senior a cédé à Beauchamp Colclough junior lieutenant dans la milice de la ville de Dublin résidant maintenant à Berthier le lot 8 du 8ème rang.
Carte de Joseph Bouchette fils – 1821
La première carte un peu précise du canton de Kildare a été dessinée par Joseph Bouchette fils en 1821. Elle représente les cantons de Rawdon et de Kildare.
La ville de Joliette n’existait pas, la paroisse dans la seigneurie de Lavaltrie au sud est Saint-Paul. Dans Kildare le chemin menant à la seigneurie de M. Panet est tracé dans les lots 12 des rangs 1 à 5 tel que décrit dans le carnet d’arpentage. Dans les rangs 5 et 6 il y avait des canadian settlements, c’est là que le village de St-Ambroise s’est développé.
À l’est du 8ème rang le lot 11 a été réservé pour le clergé (Glèbe), les lots 12 et 13 pour la création d’un village. Ce site se trouve un peu avant le pied de la montagne en allant à Ste-Béatrix. Le major Colclough aurait voulu y fonder un village pour les militaires retraités.
Village of Kildare
Le major Beauchamp Colclough voulait fonder un village près de ses lots et son plan a été adopté par le gouvernement avant 1832, sans doute dans les années 1820. J. Bouchette a dessiné un plan du village et de ses rues et bâtiments publics que je n’ai pas retrouvé. Quelques maisons ont été construites dans ce village puis le projet a périclité quand le major a été démis de ses fonctions. En 1844 le projet a été relancé et un nouveau plan a été tracé par James Dingman en 1845 conservé par la BANQ. Le site du village et son chemin ont été définitivement abandonnés en 1860.
En 1865 la Church Society of the Diocese of Montreal a vendu à Margaret Maklam veuve du marchand de Joliette James Stansfeld la terre qu’elle possédait à Kildare, la Glebe.
La tournée d’inspection de Joseph Bouchette en 1824
En 1824 Joseph Bouchette a fait une inspection officielle des nouveaux établissements du Bas-Canda selon les instructions du gouverneur Dalhousie.
General report of an official tour through the new settlements of the province of Lower-Canada : performed in the summer of 1824, in obedience to the commands and instructions of His Excellency George, Earl of Dalhousie, G.C.B., captain general and governor in chief of British North-America, &c. &c. &c. / by Joseph Bouchette.
Les établissements des canadiens français sur les rangs 1, 2 et 6 semblent déjà prospères, les habitants sont heureux. Par contre certains lots du clergé et de la couronne sont occupés illégalement. Le village de Kildare est en construction avec une belle route et des ponts pour y mener.
Les statistiques publiées en annexe montrent que le canton de Kildare était plus développé que celui de Rawdon en 1824. À Rawdon 18.000 acres étaient louées à des militaires, 4.700 dans Kildare. Les habitants du vieux Kildare étaient des canadiens, ceux des nouveaux établissements des émigrants irlandais.
J. Bouchette décrit aussi les moulins du village de L’Industrie qui venaient d’être construits en 1823. La ville de Joliette allait bientôt devenir le centre régional et le village de Kildare a été abandonné. Situé entre Rawdon, St-Gabriel-de-Brandon et Berthier le major Colclough aurait voulu en faire le centre anglophone des cantons du nord de Montréal. Mais les émigrants irlandais catholiques se sont mélangés aux canadiens-français alors que plusieurs anglophones ont préféré partir ailleurs, la population est devenue de plus en plus francophone et c’est plutôt Rawdon qui est devenu ce centre régional.
L’école et la chapelle de Saint-Ambrois de Kildare
Le 2 mars 1827 Thomas Dixon a fait une cession gratuite à l’Institution Royale de Québec représentée par le révérend John Campbell Driscoll demeurant à Rivière du Loup d’une partie du lot N°10 dans le 8ème rang de Kildare contenant 1 arpent sur 1 arpent avec une maison de 24 pieds pour l’usage de l’Institution, c’est-à-dire pour y établir une école élémentaire.
Le 25 janvier 1831 les tenanciers du township de Kildare ont notarié un accord pour l’érection d’une chapelle dans le 6ème rang. Le 27 mai un marché a été conclu entre Joseph Généreux maître menuisier de St-Cuthbert et François-Xavier Brissette de Ste-Elisabeth pour faire la menuiserie d’une chapelle et sacristie à Kildare selon le devis d’un marché conclu le même jour par les syndics élus pour sa construction; le devis est détaillé dans ce contrat:
Saint-Ambroise-de-Kildare sur Wikipedia
Sur la page Wikipedia de Saint-Ambroise il n’y a aucune information, la section Histoire est vide. Sur Wikipedia en français! Parce qu’en anglais on trouve quelques informations intéressantes, il y a encore des anglophones de Kildare attachés à leur histoire.
Les émigrants protestants avaient bâti une école, une chapelle et un cimetière. Le village s’est appelé Saint-Jacques puis Saint-Philippe puis Saint-Ambroise pour qui les catholiques et les protestants avaient une dévotion commune.
Bonjour, je viens de découvrir votre extraordinaire site parce que je souhaite remonter jusqu’au carte des années 1800 de mon lot de terrain.
J’habite Saint-Charles Borromée. (10 Clarence-Gagnon).
Je souhaite retrouver tous les lits et concessions de mes lots de terrain depuis son origine.
Seriez vous en mesure de m’aider?
Merci
Annie