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La statue du Sacré-Cœur devant la cathédrale de Joliette
Le 5 juillet 2021 le journal de Joliette L’Action annonçait: Dégradation importante de la statue du Sacré-Cœur à Joliette – Des évaluations sont en cours. Les évaluations doivent toujours être en cours puisque en 2024 rien n’a changé, la dégradation de la statue se poursuit devant la cathédrale de Joliette sans que personne ne réagisse. La dévotion des citoyens au Sacré-Cœur de Jésus est un passé à oublier, Joliette est une ville moderne aujourd’hui.
La sauvegarde du patrimoine religieux
On dit souvent que les responsables du patrimoine le laissent à l’abandon jusqu’à ce qu’il soit tellement détérioré qu’il ne reste plus qu’à le démolir. Ce monument situé à côté de la cathédrale de Joliette fait assez dur, une tâche archaïque dans une ville moderne dirigée par une Chambre de Commerce dynamique. Les responsables attendent peut-être que le deuxième bras du Seigneur tombe pour agir (démolir).
2024 – Monument à l’abandon depuis 2021
En 2021 l’article du journal L’action précisait qu’une clôture temporaire avait été érigée autour du monument devenu dangereux et qu’une décision serait prise quant à son avenir.
Au cours des derniers jours, certains citoyens ont peut-être remarqué qu’un périmètre de sécurité a été installé autour de la statue du Sacré-Cœur érigée près de la Cathédrale de Joliette. En effet, le service des communications du Diocèse de Joliette confirme que le monument historique présente une dégradation très importante.
L’emplacement a été clôturé par mesure de sécurité et à la suite de recommandations d’experts. Une étude est actuellement en cours afin d’évaluer les coûts de restauration du monument. Une décision concernant l’avenir de la statue du Sacré-Cœur sera prise par la suite.
Le journal semblait indiquer que la statue appartenait au diocèse et que la décision de la réparer était de sa responsabilité. Pourtant dans la liste des œuvres d’art public publiée sur le site de la Ville de Joliette la Statue du Sacré-Cœur est en seconde place, comme si elle était un monument important de son patrimoine:
Sur cette photo il n’y avait pas encore de clôture autour de la statue mais on voit qu’il lui manquait déjà un bras et on lit que les 4 anges qui l’entouraient ont disparu avec le temps. Sur le site de la BANQ on trouve plusieurs photos de la statue avec ses 2 bras et les anges qui l’entouraient:
Le 14 mai 1993 pour célébrer le 150ème anniversaire de la création de la paroisse Saint-Charles-Borromée et le 100ème anniversaire de la cathédrale de Joliette une cérémonie avait eu lieu devant la statue du Sacré-Coeur et un marronnier rouge avait été planté:
Regards sur l’église-cathédrale et le diocèse de Joliette
Il semble évident que trente ans plus tard le patrimoine religieux n’est plus tellement à la mode, beaucoup de québécois d’aujourd’hui ignorent même qui était Saint-Joseph, patron du Canada.
Il y a 400 ans, saint Joseph était choisi «Patron du pays et Protecteur de cette Église naissante» selon le vœu formulé par le père récollet Joseph Le Caron lors d’une cérémonie rassemblant tous les habitants. L’année 2024 marque ainsi le 4e centenaire de la consécration du Canada à saint Joseph.
On peut être en désaccord avec le passé catholique du Québec et le critiquer, mais on ne peut pas faire comme si il n’avait jamais existé!
Les Sacrés-Cœurs de Joliette
Si on fait la recherche « Joliette Sacré-Cœur » sur le site de la BANQ on trouve beaucoup de résultats puisque la ville de Joliette lui a consacré une dévotion spéciale. Il y a une statue du Sacré-Cœur près de la cathédrale, une autre sur la tour du CEGEP, une chapelle lui était consacrée dans le Séminaire et il y avait encore une autre statue dans le parc Louis Querbes actuel au bord de la rivière L’Assomption:
Depuis 1882, le collège de Joliette avait sa chapelle du Sacré-Cœur, belle comme tout, qui disparut en 1958, après l’incendie du Séminaire. Le P. Cyrille Beaudry, grand apôtre de cette dévotion, l’avait fait construire avec des dons provenant de partout. Cette dévotion débordait des murs du séminaire. Tout Joliette s’y adonnait.
Sur la tour du CEGEP, il y a une statue du Sacré-Cœur depuis 1908…
En 1916, plusieurs paroisses élevaient des monuments au Sacré-Cœur pour éviter la Conscription. La paroisse cathédrale voulut le sien, elle aussi. Il s’élève tout près de la cathédrale, immense et imposant. Il servit souvent de lieu de démonstration diocésaine.
Sa statue est de marbre de Carrare. Une stèle d’adolescent représente Joliette au pied du Sacré-Cœur. Sur les côtés des bas-reliefs – le bon Pasteur – la communion des enfants – les Saintes-Femmes de Jérusalem – les disciples d’Emmaüs, avec les armoiries de Benoît XV, de Mgr Forbes, celles de la ville de Joliette et celles de Mgr Archambault.
Jusqu’au début des années 1980, les anges l’accompagnaient pleins de symbolisme: l’adoration, la reconnaissance, l’expiation, la prière. La statue du Sacré-Cœur vient de Vicence en Italie. Durant son exécution, elle fut durant la guerre de 1914-1918, miraculeusement protégée de l’éclatement d’un obus. Elle est l’œuvre de Bladucci et Giacomini, statuaires de Rome.
François Lanoue – Regards sur l’église-cathédrale et le diocèse de Joliette
La chapelle du Sacré-Coeur du Séminaire de Joliette
Dans les archives du Musée d’art de Joliette on trouve des informations à propos de La chapelle du Sacré-Coeur du Séminaire de Joliette disparue. Elle avait été peu endommagée par l’incendie qu a détruit une partie du Séminaire en 1957 mais elle a été démolie pour faire de la place à un bâtiment moderne.
Depuis l’incendie de 1957, le retable existe toujours mais sous forme de centaines de morceaux, conséquence de son démantèlement rapide. La dorure et la peinture ont tenu bon et seulement 5% des pièces manquent.
La chapelle néo-gothique a été remplacée par un édifice moderne qui a ensuite été remplacé par le CEGEP.
Alphonse Durand et sa femme Marie Schewer ont été les architectes de nombreux édifices de la ville de Joliette, ils avaient sculpté et décoré à la feuille d’or le décor de la chapelle.
La dévotion au Sacré-Cœur pendant la guerre de 1914-1918
François Lanoue expliquait que la dévotion au Sacré-Cœur a été très forte au Québec pour éviter la conscription. En France aussi les catholiques ont voulu obtenir la protection divine pour gagner la guerre mais la France laïque a interdit le port d’insignes religieux.
Pendant la Grande Guerre, la dévotion au Sacré-Cœur a pris une dimension particulière en France. En raison des tourments liés à la guerre, les catholiques de France cherchent refuge et consolation auprès de lui et de ses promesses.
Alain Denizot recense les actions de promotion mise en place par l’Œuvre des Insignes du Sacré-Cœur. Cette organisation lyonnaise distribue à elle seule pendant toute la durée de la guerre 12 millions d’insignes, un peu plus de 1,5 million de fanions, 375.000 scapulaires et 32.425 drapeaux. À ces chiffres énormes, il faut rajouter les insignes cousus par les autres couvents et organismes de piété, et par tous les particuliers.
…le gouvernement, englué dans un anticléricalisme primaire, réagit en 1917 par plusieurs interdictions. À sa demande, le général Pétain, commandant en chef des armées françaises, adresse le 6 août à tous les généraux d’armées une note interdisant, au nom de la laïcité, le port d’emblème religieux sur l’uniforme ou sur les drapeaux, interdisant aussi aux officiers de confier leurs unités au Sacré-Cœur.
Après la victoire, le maréchal Foch, reconnaissant, offrit à saint Martin, l’apôtre des Gaules fêté le 11 novembre, un ex-voto portant le drapeau français orné du Sacré-Cœur de Jésus. Cet ex-voto est toujours visible dans la basilique Saint-Martin à Tours.
La France laïque existe depuis plus de 100 ans mais son patrimoine religieux n’a pas disparu pour autant, au contraire. Les français savent très bien que c’est une de leur richesse culturelle et que les villages français ne seraient plus les mêmes sans leurs églises et leurs monuments religieux.
La sauvegarde du patrimoine religieux du Québec
Le patrimoine religieux du Québec a été financé par les dons des québécois et il leur appartient. Bien sûr on peut penser que la préservation d’une statue du Sacré-Coeur de Jésus ce n’est pas important ou que l’Église Catholique Romaine n’a qu’à s’en occuper. Mais quand le patrimoine disparaît il n’y a rien qui puisse le remplacer, c’est juste un appauvrissement irrémédiable et un manque de respect pour ceux qui l’ont bâti alors qu’ils n’étaient pas très riches.
Chaque année, une quarantaine d’églises au Québec se retrouvent «en mutation», c’est-à-dire qu’elles sont fermées, transformées ou démolies, et ce nombre est en constante augmentation, selon le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ). Le quart des églises de la province sont dans cette situation.
L’église de Sainte-Marie-Salomé est entourée d’une clôture et des filets ont été installés pour retenir les pierres qui tombent!
À Montréal j’ai habité à côté de l’église Sacré-Coeur de la rue Ontario; c’est un bâtiment magnifique avec un presbytère ressemblant à un petit manoir qui ont été construits grâce aux dons des fidèles dans un des quartiers les plus pauvres de la ville. Elle est encore debout mais elle commence à tomber en morceaux qu’on essaye de rafistoler avec de la broche à foin comme l’église de Ste-Marie-Salomé. On se demande juste combien de temps elle va encore rester debout avant que les spécialistes (les responsables?) déclarent qu’elle est devenue dangereuse et qu’il vaudrait mieux la démolir elle aussi.
Si le Québec avait un patrimoine très riche avec une multitude de bâtiments à entretenir il faudrait sans doute faire des choix. Mais ce n’est pas le cas et chaque morceau qui disparaît appauvrit un peu plus son paysage bâti.