Catégorie: Actualités
Site indépendant sans témoin espion

Essai sur la culture et l’insignifiance

« La culture, c’est de gagner en liberté et de perdre en arbitraire. L’inculture, c’est de gagner en licence et en arbitraire ». L’essayiste Pierre Vadeboncœur décrivait en 1983 le phénomène du rejet de la culture et de la valorisation de l’agir dans l’immédiat qui élimine toute réflexion philosophique.

Aldous Huxley
Aldous Huxley


Dans ses « Trois essais sur l’insignifiance » parus en 1983 il cite Aldous Huxley qui annonçait « que la culture deviendrait quelque chose d’étranger et qu’il n’en serait même plus question ».

La parabole du néant

Pierre Vadeboncœur décrit une nouvelle façon d’être venue d’Amérique où il n’y a plus aucune réflexion, juste l’action immédiate. Il n’a pas eu le temps de voir Donald Trump diriger le monde à partir de son fil Twitter, il aurait pu y voir l’aboutissement de son analyse. Il n’y a plus d’histoire, de cultures, de civilisation, il ne reste que le pragmatisme sans complexe du plus fort qui agit et réagit en fonction de ses intérêts immédiats.

Trump et Twitter

Depuis toujours toutes les civilisations ont été animées par une certaine réflexion éthique, religieuse et donc philosophique. Les progressistes cherchaient à améliorer la condition humaine, les conservateurs à préserver les traditions sans que rien ne change mais les deux avaient fait une réflexion et leurs idées étaient construites.

Les scientifiques et les experts répondent maintenant à toutes les questions existentielles et dirigent la destinée du monde; un problème, un expert. Pourquoi se poser des questions oiseuses?

L’écologisme à gauche ou à droite?

Certaines dérives de l’écologisme sont symptomatiques de ce nouveau manque de culture et de réflexion. La menace climatique est grave car elle vient en plus bouleverser l’affrontement traditionnel entre la gauche et la droite. La gauche a toujours milité pour le progrès et l’universalité des valeurs, la droite s’opposait au progrès et voulait préserver les sociétés traditionnelles.

Le retour du bon sauvage

Pour préserver la planète il faut s’opposer au progrès mais est-ce que ça signifie s’opposer aussi aux valeurs progressistes? La solution à ce problème entièrement nouveau ne peut pas venir du passé.

Le mythe de l’éternel retour

Mircea Eliade a montré que la modernité a consisté à sortir du cycle de l’Éternel Retour des sociétés traditionnelles pour découvrir l’irréversibilité du temps et sortir de la religion. L’homme pouvait agir sur son destin, pas seulement le subir. L’univers est en évolution et il n’y a pas de retour possible.

Mircea Eliade
Mircea Eliade

L’écologisme réintroduit la religion en reprenant tous ses discours: apocalypse, terre promise, société nouvelle basée sur le partage; et on attend le miracle politique

Le retour du bon sauvage

Pour certains écologistes préserver est devenu l’unique objectif et il faut donc préserver aussi bien les traditions religieuses que les forêts. Comme la civilisation occidentale est mauvaise par définition c’est que les autres sont meilleures et qu’il faut y revenir et y rester.

Jérôme Blanchet-Gravel décrit cette confusion totale des valeurs qui amène des écologistes à soutenir la lutte des femmes voilées au nom de leurs valeurs traditionnelles. Tous les particularismes étant valables ils doivent être défendus: il n’y a plus de valeurs existentielles universelles.

Mythe du bon sauvage
Mythe du bon sauvage

L’écoféminisme

Le combat des féministes a été de pouvoir accéder aux mêmes droits que les hommes, de se dégager de leur condition traditionnelle de femme et qu’on ne juge pas leurs capacités sur leur sexe. Mais le combat s’est transformé: l’Homme (les valeurs masculines) domine la Nature comme il domine la Femme; la Femme sait écouter, elle a le sens du dialogue. Pas l’homme qui a en quelque sorte « violé la Déesse Mère ».

Écoféminisme

La femme revendique aujourd’hui sa condition de femme qui enfante dans la douleur et est donc plus proche de la nature. C’est une bonne mère écologique avec l’instinct maternel. C’est totalement à l’opposé du combat de Simone de Beauvoir et des premières féministes.

Le multiculturalisme

La révolution française a permis d’éliminer les particularismes et l’arbitraire qui gouvernaient: une langue, une nation, un idéal universel des droits de l’homme. On peut se désoler que les patois ne se parlent plus et c’était le combat de la droite de les préserver. Mais ce combat a permis a beaucoup de trouver une dignité et une certaine liberté.

Puisqu’il faut préserver la planète il faudrait préserver chaque parcelle de la biodiversité de cet écosystème. Donc on doit retourner aux patois, préserver toutes nos traditions intactes sans rien y changer afin de les conserver pour la postérité. Toute différence est bonne en soi et doit être figée.

Multiculturalisme

Un monde sans culture

Pierre Vadeboncœur se désole qu’il y avait une Culture; son époque est celle de Sartre, Camus, Beauvoir, des auteurs engagés entendus dans les médias à travers le monde entier. Quoiqu’on pense de leur philosophie personne n’est venu la renouveler, nulle part dans le monde. La philosophie a partout disparu des discours remplacée par l’action et la réaction aux événements.

La médiocratie

Alain Denault parle de médiocratie.  On peut toujours blâmer les autres parce qu’on n’a pas eu de chance dans la vie ou que l’enseignement reçu était déficient. Il reste que réfléchir est une démarche personnelle qu’on peut entreprendre à tout âge. Pour pouvoir agir il faut connaître donc se renseigner et apprendre.

Je republie cette citation tellement actuelle:

Rangez ces ouvrages compliqués, les livres comptables feront l’affaire. Ne soyez ni fier, ni spirituel, ni même à l’aise, vous risqueriez de paraître arrogant. Atténuez vos passions, elles font peur. Surtout, aucune “bonne idée”, la déchiqueteuse en est pleine. Ce regard perçant qui inquiète, dilatez-le, et décontractez vos lèvres – il faut penser mou et le montrer, parler de son moi en le réduisant à peu de chose : on doit pouvoir vous caser… l’assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir.

Alain Denault – La médiocratie

Références:

Carte du Québec

Laisser un commentaire