Aujourd’hui il n’y a plus de différence, les écossais, les irlandais, les anglais, ce sont des canadiens anglophones. Pourtant l’histoire de l’Irlande et de l’Écosse ressemble à celle du Québec, les luttes pour soumettre ces deux peuples ont été sanglantes. En 1798 les irlandais se sont révoltés et il y a eu plus de 30.000 morts. Oliver Cromwell avait fait mieux en massacrant entre le tiers et la moitié de la population de l’île en 1649.
Aujourd’hui les anglophones du Canada sont des gens pacifiques mais ça n’a pas toujours été le cas. En 1760 quand l’Angleterre a conquis le Canada elle était en train d’inventer l’impérialisme britannique.
L’Irlande
En 1494 l’Angleterre avait complété la conquête de l’Irlande, sa colonisation par la confiscation des terres s’étendait à toute l’île. Les irlandais n’étaient pas d’accord et ils se sont révoltés en 1641. Oliver Cromwell a écrasé la révolte en massacrant entre un tiers et la moitié de la population irlandaise.
La sauvagerie de l’armée de Cromwell, très anti-catholique, contribuera à créer de profonds clivages entre catholiques et protestants en Irlande.
La langue gaélique a été interdite et les catholiques privés de tous leurs droits. La suite de l’histoire est tout aussi tragique:
Dès 1795, les autorités encouragent des groupes de protestants à organiser des campagnes contre les catholiques, ce qui conduit à la création de l’Ordre d’Orange. Un soulèvement révolutionnaire a lieu en 1798. La répression qui s’ensuit fait 30 000 morts…
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Avec l’Acte d’Union adopté en 1800 l’Irlande pouvait envoyer des députés au Parlement de Londres mais ils étaient très minoritaires; la même tactique sera utilisée au Canada. Beaucoup d’irlandais ont préféré immigrer. Les irlandais avaient perdu leur langue et leurs lois, il ne leur restait que leur religion.
1845 – 1849 | Le traitement infligé à l’Irlande pendant ces années montrait le vrai visage de l’impérialisme britannique.
L’Écosse
L’histoire de l’Écosse et de l’Angleterre est aussi faite d’affrontements sanglants. Grâce à son alliance avec la France l’Écosse a pu préserver une partie de son indépendance pendant plus longtemps.
En 1746 la bataille de Culloden entre les 2 nations va assurer la domination totale de l’Angleterre. Dans son Histoire de Rivère-du-Loup L.P. Lizotte raconte l’histoire de Malcolm Fraser, officier écossais, arrivé avec l’armée de Wolfe au Canada. Son père avait été tué à Culloden, ses possessions confisquées, sa maison détruite, sa langue interdite, sa famille ruinée.
Pour rétablir sa situation il avait répondu à un appel de l’Angleterre et s’était enrôlé dans le 78ème Fraser Highlanders du colonel Simon Fraser; la moitié du bataillon s’appelait Fraser. Beaucoup d’autres s’étaient engagés dans l’armée française, c’étaient des mercenaires. M. Fraser a été récompensé en retrouvant ses propriétés confisquées en Écosse. Mais il n’aimait pas les anglais et était très critique de leur manière de faire, notamment la tactique barbare consistant à incendier les habitations civiles.
Malcolm Fraser était présent pour la prise de Louisbourg et le traitement brutal infligé aux acadiens l’avait choqué comme tous les Européens du siècle des Lumières. Remplacer une population ethnique par une autre on n’avait pas encore connu ça, sauf en Irlande.
Le Canada français
En 1760 il y avait donc des mercenaires dans les 2 armées. Le commandant de Québec Ramezay, franco-écossais (Ramsay), a remis les clefs de la ville au général Murray, anglo-écossais. Murray, premier gouverneur de la colonie, a refusé de proclamer une assemblée protestante qui ne refléterait pas les volontés de la population catholique. Les marchands anglophones réussirent à le faire chasser mais le second gouverneur, Carleton, était lui un irlandais et il a prévenu ses supérieurs que l’Angleterre se mettrait à dos la majorité du peuple en instituant sa constitution anticatholique.
Après la Conquête l’Angleterre avait compris qu’elle ne pouvait plus agir comme elle l’avait fait avec les Acadiens. L’Angleterre a dû ménager les Canadiens pour qu’ils ne se joignent pas à la révolte des américains: les lois, la langue et la religion ont été reconnus et un Parlement a été accordé en 1791.
Et les Canadiens vivaient dans leur siècle. Dans son Histoire des Patriotes G. Filteau raconte longuement les préludes à la révolte. À partir de 1791 les Canadiens ont élu pour les représenter des députés instruits qui avaient lu Montesquieu et les philosophes anglais, qui savaient se servir de la constitution accordée pour réclamer leurs droits; jusqu’à arriver à une impasse constitutionnelle.
Un Parlement doit être responsable sinon c’est de la poudre aux yeux et beaucoup d’anglophones étaient d’accord avec cette réclamation.
Les irlandais et les écossais qui arrivaient au Canada n’étaient pas des anglais. Beaucoup d’irlandais avaient fui la répression et la famine; les catholiques haïssaient les protestants et vice versa. La famille Fraser typique des immigrants écossais avait choisi le métier de mercenaire et obéissait aux ordres du conquérant pour retrouver ses privilèges, avec réticence mais quand même. Le début de l’histoire du Township de Rawdon illustre ces tensions entre anglophones à cette époque.
Après les révoltes de 1837-1838 et leur répression les anglophones ont peu à peu fait bloc en endossant l’impérialisme britannique qui leur procurait des avantages matériels. Les irlandais et les écossais avaient adopté la langue du conquérant et ils ont choisi le parti du plus fort quand ils le pouvaient. Les irlandais catholiques ont eu plus de mal mais quand ils n’ont pas été assimilés par les Canadiens français ils se sont fondus dans la masse et font maintenant corps avec la minorité anglophone du Québec.
À l’occasion de la guerre de Sécession les Hibernians et les Fenians ont attaqué les soldats anglais à Ridgeway groupés derrière le drapeau de l’IRA, leur dernière révolte en Amérique.
Quant aux Canadiens français ils sont toujours dans la même impasse constitutionnelle. C’est un peuple pacifique et patient. Ce n’est plus leur religion qui les protège mais leur langue. C’est un grand malheur pour les irlandais et les écossais d’avoir perdu leur langue, le Québec a pu compter sur une langue française vivante. Sans elle les québécois seraient aujourd’hui des Canadiens anglais comme les autres.
La reine du Canada s’habille en rose, c’est une pacifiste et une écologiste. La reine Victoria à son époque était sans doute aussi une personne très douce et très gentille mais aujourd’hui elle serait accusée de génocide pour la mort d’un million et demi d’irlandais. La royauté britannique traîne un lourd passé avec elle.
Les anglophones ne sont pas autant des modèles de vertu qu’ils le prétendent. Ils devraient avoir une petite gêne avant de traiter les autres peuples de racistes quand ils ne veulent pas se fondre dans leur nouvel impérialisme culturel.