Pour m’occuper pendant le confinement j’ai fait une recherche dans le journal L’Étoile du Nord de Joliette sur la grippe espagnole qui est apparue au Québec en septembre 1918. La première annonce de la maladie dans ce journal date du 3 octobre 1918.
On l’a appelée grippe espagnole car pendant l’été 1918 huit millions d’espagnols l’ont attrapée; mais c’était encore une grippe normale. C’est à la fin de l’été 1918 que le virus a soudainement muté et s’est répandu dans le monde. Il a fait 14.000 morts dans la province de Québec.
Le 3 octobre 1918 alors qu’on se prépare à la victoire finale contre l’Allemagne et ses alliés le journal de Joliette L’Étoile du Nord publie la première annonce de l’apparition d’une maladie connue sous le nom de grippe espagnole.

En fait le coroner de Québec a sonné l’alarme le 27 septembre. Depuis l’été un virus parti du Kansas a été amené sur le front européen par les soldats américains se répandant un peu partout. D’abord bénin quoique très virulent le virus a soudain muté pour devenir dangereusement mortel. En temps de guerre on a minimisé la gravité de la situation pour ne pas démoraliser les troupes et le nouveau virus a profité du retour des soldats dans leurs pays pour se répandre partout dans le monde.
Le 10 octobre la situation devient alarmante à Joliette. Des mesures d’hygiène sont prises et des recommandations données à la population le 17. Le 24 le clergé ferme les églises dans toutes les paroisses où l’épidémie sévit.




Les marchands de remèdes miracles sont aussitôt prêts, les publicités sont très nombreuses. Dans une curieuse info-publicité « Fruit-a-Tives, le merveilleux remède aux fruits » prévient que les bateaux qui ramènent les soldats d’Europe vont aussi ramener la grippe, il faut se préparer.
Dès la fin octobre on espère que le pic de l’épidémie est passé. Les statistiques pour Joliette ressemblent à celles que nous connaissons bien aujourd’hui: 300 cas dont 157 sous traitements et 11 décès du 21 au 26 octobre.


Le 14 novembre le journal annonce la réouverture des écoles. L’épidémie est enrayée mais la liste des victimes pour la ville de Joliette est longue: il y a beaucoup d’enfants et de jeunes ainsi que plusieurs prêtres.


Pendant l’hiver il n’y a pas d’autre nouvelle, l’épidémie semble finie. Le 20 mars 1919 le journal annonce le retour des soldats du front européen; aucune précaution sanitaire n’est annoncée!



À l’hiver 1919, frappe une troisième vague. Puis le virus s’évanouit dans la nature, «sauf au Québec, nous apprend Magda Fahrni, un des rares endroits sur la planète à subir un nouvel assaut, encore très meurtrier, au printemps 1920.»
Québec Science
En effet au printemps 1920 de nouvelles mesures d’hygiène sont affichées à cause du retour de la maladie mais il semble qu’elle n’ait pas fait de victime à Joliette.

La soudaineté de l’apparition de l’épidémie et le fait qu’elle ait tué beaucoup de jeunes ont été très traumatisants, une première expérience de la mondialisation. La distanciation sociale est plus facile à respecter avec une densité de population moindre et l’épidémie a pu être contrôlée dans les régions du Québec. Dans le journal de Joliette on ne rapporte plus de décès en 1919 et 1920.
L’épidémie a fait de 50 à 100 millions de morts dans le monde, 9 millions en Chine, 20 millions en Inde. Les pays pauvres et très peuplés étaient beaucoup plus vulnérables et ils le sont toujours autant.
Le bilan est lourd : au Canada, on dénombre 50 000 victimes, dont 14 000 au Québec. Au Labrador, un tiers des habitants perd la vie. Dans certains villages, en particulier inuits, la mortalité oscille entre 30 % et 85 %. Et en Europe occidentale, le nombre de morts atteint 2 ou 3 millions.
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