Le 29 mars 1856 un rapport d’enquête est déposé au parlement du Canada-Uni à Toronto à propos du responsable de la construction du chemin de Chertsey, Alexander Daly, agent des terres de la couronne à Rawdon. On y trouve de nombreux témoignages de la vie à Chertsey à cette époque.
Lire aussi l’analyse détaillée de ce document: Crise politique à Rawdon en 1854
Le contexte
Ce long rapport d’enquête sur l’agent des terres de la couronne Alexander Daly publié par le Parlement nous en apprend beaucoup sur la création de Chertsey et la vie dans un pays de colonisation vers 1850. Avant de vous présenter la traduction résumée que j’en ai fait, voici une mise en contexte.
Alexander Daly est agent des terres de la couronne à Rawdon depuis au moins 1839. Il est aussi membre de la Société des Défricheurs fondée à St-Jacques de l’Achigan par le curé Paré pour coloniser Chertsey. Par sa position il est au centre de tous les litiges. En 1850 Rawdon est un village prospère peuplé par des Loyalistes d’abord, puis par des écossais, des irlandais protestants et catholiques et des canadiens-français. Les loyalistes n’aiment pas vivre au milieu de français catholiques et émigrent vers le Haut-Canada, les immigrants irlandais prennent leur place et les canadiens arrivent en masse et deviennent la majorité.
L’agent des terres est le mieux placé pour récompenser les bons citoyens et nuire aux libéraux qui envahissent le comté. Il peut aussi spéculer sur les lots avec ses amis et les autres notables. La famille Daly possède 4 lots que va traverser le chemin qu’il a lui-même tracé. Magloire Granger autre membre de la Société des Défricheurs en a 2 autour du futur village Lafontaine, la famille Morin 4.
Au cours de l’enquête on apprend que Daly a perdu aux dernières élections et qu’il se serait vanté que de toute façon c’était lui le boss et qu’il y aurait des représailles contre ceux qui avaient voté contre lui. C’est aussi l’époque de la municipalisation du territoire, Rawdon vient d’être incorporé. La responsabilité de l’entretien des chemins va être transféré aux municipalités.
Vers 1850 les colons commencent à s’installer à Chertsey et demandent des chemins. Le gouvernement accepte de financer une route de colonisation allant de Rawdon à travers Chertsey vers le nord pour ouvrir le pays.
Voici le déroulement chronologique des événements:
1852
- Projet du chemin Rawdon – Doncaster
- Magloire Granger fait une première exploration
- Un plan du village Lafontaine au centre du canton est fait
1853
- Exploration du chemin à l’automne par Daly accompagné d’un vieil indien et d’un canadien. Ils explorent jusqu’à St-Donat puis reviennent pour faire un tracé approximatif et le baliser du pont de la Ouareau jusqu’au 11ème rang de Chertsey
- Construction du pont de la Ouareau légèrement en amont du pont actuel par l’île en face du chemin Grande-Vallée. Le travail est mal fait, le pont trop bas, il faut démonter le tablier pour l’hiver et le rehausser. Le bois brûle pendant l’hiver, il faut en trouver d’autre.
1854
- Juin et juillet les travaux du chemin commencent mais ils arrêtent en août face au mécontentement général.
- À l’automne 190 personnes signent une pétition contre Daly. Daly se défend auprès de ses supérieurs en rassemblant quelques témoignages d’appui.
1855
- La pétition est remontée jusqu’au parlement et Daly doit revoir sa défense. Il rassemble une pétition de 215 signature et plus d’une cinquantaine de témoignages à son appui dont celui des notables de Rawdon, de tous les curés des paroisses environnantes et de la Société des Défricheurs.
1856
- J. Dufresne, député de Montcalm qui a battu Daly aux élections s’acharne et porte l’affaire au parlement du Canada-Uni qui enquête et produit ce rapport.
- Le pont construit sur la Jean-Venne brûle lors d’un incendie de forêt qui ravage Chertsey
1857
- Dans un autre rapport du parlement on apprend que les travaux ont repris mais on ne parle plus de Daly. 2½ miles sur les 11½ sont fait
- Un tronçon n’est pas fini dans les derniers rangs de Rawdon (rangs 9, 10 et 11)
- Le pont sur la Ouareau est en train d’être reconstruit à grand peine
1859
- Nouveau rapport, le tronçon de Rawdon est terminé
- Le pont de la Jean-Venne n’est toujours pas reconstruit
1860
- Daly est toujours l’agent des terres de Rawdon
Le rapport d’enquête
Le rapport d’enquête remis au Parlement est accessible au complet sur internet mais le texte est en anglais: Journals of the Legislative Council of the Province of Canada – (Appendix No 33 – 1856)
Voici une traduction abrégée de ce document:
Réponse
À une demande de l’assemblée législative, demandant copie de tous les documents contenant des accusations contre Alexander Daly, Esquire, Agent des Terres de la Couronne pour le comté de Leinster, du 1er juin 1854 au 1er janvier 1856; et aussi les répliques, réponses en justification présentées par le dit Alexander Daly aux dites accusations; et finalement toute la correspondance ayant été échangée pendant cette période entre le gouvernement et le dit Alexander Daly, et toutes autres personnes en relation avec la conduite de ce dernier comme officier public. Aussi, copie des comptes détaillés fournis par le dit Alexander Daly au gouvernement pour les dépenses encourues pour l’exploration de la route dans le canton de Chertsey.
Joseph Cauchon
Département des terres de la couronne,
Toronto, 29 mars 1856
La pétition
À son Exellence le Comte d’Elgin et Kincardine, gouverneur général de l’Amérique du Nord Britanique,& ,&, &
Le mémoire des habitants, propriétaires du Comté de Leinster, et spécialement des cantons de Rawdon, Kilkenny et Wexford soussignés.
Très respectueusement exprime:
Que malgré les efforts louables, le support très généreux du présent ministère pour promouvoir la colonisation dans cette partie de la Province et particulièrement de ce comté, les pétitionnaires auprès de votre Excellence ont le regret de dire que de tels efforts et attention ont eu très peu de succès et qu’il sont et seront vain pour le gouvernement de votre Excellence tant qu’elle gardera les services de l’agent des terres de la couronne actuel qui n’est pas habité par la libéralité, l’amour fraternel et le désintéressement personnel nécessaires à l’homme désigné pour guider, encourager et sympathiser avec le colon, pauvre mais résolu, mettant tous ses efforts à se construire un foyer dans les forêts sauvages et lointaines de ce pays. Oui, votre Excellence des hommes injustes, intimidants et intéressés, cherchant par tous les moyens leur propre agrandissement ne sont pas les hommes adéquats pour remplir la fonction d’agent des terres de la couronne pour laquelle tant de franchise, de soin paternel et de sentiment fraternel est requis.
Par leur expérience, observation et souffrance durant les huit ou neuf dernières années, les dépositaires de ce mémoire à votre Excellence sont fermement persuadés que l’agent des terres actuel a fait autant contre le bien-être de la colonisation que le gouvernement a fait pour la promotion de ce comté; et pour prouver ceci, nous demandons l’attention de votre Excellence pour les affidavits joints, certains produits par les plus respectables et intelligents habitants des cantons faisant partie de ce comté.
Les dépositaires de ce mémoire ont de bonnes raisons de croire que l’agent des terres de la couronne actuel s’est approprié pour lui et quelques uns de ses amis de grandes portions des meilleures terres des cantons dernièrement arpentées.
Donc les dépositaires du mémoire prient respectueusement pour que votre Excellence prenne leurs allégations en considération et que votre Excellence renverra Alexander Daly, esquire, l’agent des terres de la couronne actuel de cette fonction dans le futur et désignera une autre personne correcte et propre dans sa tenue, ayant la confiance des habitants du comté ou quelqu’un que votre Excellence penserait convenable; et les dépositaires de ce mémoire à votre Excellence prieront pour toujours, &
Montcalm Village 30 août 1854
Suivent les signatures de 190 citoyens dont plusieurs de Chertsey.
Les témoignages (résumés)
Dépositions datées de 1854
Pierre Giguère
Pierre Giguère du canton de Chertsey a été embauché par A. Daly agent des terres de Chertsey pour travailler au nouveau chemin du gouvernement du canton de Chertsey. Il y a travaillé 15 jours en juin et juillet pour 4 shillings par jour, il a du acheter à Daly son épicerie très cher, celui-ci abusait des travailleurs qui n’avaient pas d’autre choix. Le travail avancait très lentement. À la dernière élection alors que Daly était candidat il aurait menacé les gens de Chertsey qui voteraient contre lui de ne pas les embaucher sur le chantier, ils se souviendraient de lui et de Smiley disait-il.
Michel Naud
Michel Naud de Chertsey a travaillé à la route en juillet. Il affirme lui aussi que Daly spécule sur le ravitaillement. Il affirme que le chemin est bien fait sur 2 miles et demi (à partir du pont de la Ouareau) jusqu’à la terre de Daly (sud du lac Daly actuel) mais pas après, il est d’avis que tant qu’à dépenser l’argent du gouvernement on devrait le faire dans les rangs de front (1, 2 et 3) ou les gens pauvres habitent, ce nouveau chemin ne leur servira à rien. Les bonnes terres le long du chemin sont accaparées par Daly et ses amis qui ne les occupent même pas, privant les pauvres de bonnes terres.
Jean-Baptiste Leblanc
Marchand du Village de Montcalm il a été mandaté par le député J. Dufresne pour aller inspecter le chantier de Chertsey. Arrivé sur place il s’est fait barrer le passage et intimider par les fiers-à-bras de Daly, huit hommes avec des haches et des bâtons qui étaient très menaçants. Il a fait demi-tour.
Francis P. Quinn
Surveillant provincial des terres de la couronne il est passé par le chemin. Il critique le choix du tracé de la route que Daly a fait passer au bord de ses terres ce qui a compliqué le travail et rendra l’entretien plus difficile. Les matériaux utilisés ne sont pas adéquats, il utilise des troncs d’arbre calcinés pour les soubassements ce qui est dangereux pour le feu.
Les autres
Viennent ensuite témoigner William Walsh, cordonnier, Henri Belan fermier, John MacEvans fermier, Henri Burrowes fermier, Isaac Sinclair fermier, Thomas Swift fermier, Peter Skelly fermier, tous de Rawdon, Gilbert Brisson fermier de St-Ligouri, Alexis Trudeau commerçant à St-Jacques.
Tous se plaignent des agissements et des magouilles de Daly qui profite de sa position d’agent des terres pour s’enrichir en attribuant les lots.
La pétition des notables de Rawdon
3 mai 1855
Une nouvelle pétition est déposée par John Jefferies, lieutenant-colonel de la milice de Leinster, Peter Skelly, John Smiley conseiller municipal, William Walsh, John Joynt, J. Horan lieutenant de la milice et Geo. Constable, enseigne à la milice et commissaire d’école.
Ils affirment:
- Daly montre beaucoup de partialité dans l’exercice de ses fonctions envers ses intérêts personnels et ses amis politiques, pénalisant ceux qui s’opposent à lui.
- Il se sert de son autorité pour régler ses comptes personnels.
- Il a pris de l’argent à des individus dépourvus obligés de faire affaire avec lui en tant qu’agent des terres.
Pétition de Joseph Dufresne, député
10 mars 1856
Un an plus tard le député du comté présente ces pétitions au Parlement. Il répète les mêmes accusations et détaille le budget de la construction du chemin. Daly a reçu 75 livres en 1853 et 72 en 1854 ce qui lui semble exorbitant pour le travail qui a été fait. Il demande donc qu’une enquête soit faite par le Parlement sur son travail.
Il l’accuse aussi d’une fraude lors de l’élection.
Justifications de Daly
17 mai 1855
Daly se justifie en disant que A. N. Morin Commissaire des terres de la couronne a inspecté son travail et ses comptes et n’y a rien trouvé à redire. Il justifie aussi ses comptes pour l’élection.
19 mai 1855
Dans une deuxième lettre il semble trouver nécessaire de mieux se défendre. M. Dufresne était son adversaire victorieux aux dernières élections et veut règler ses comptes. Il affirme que le comté était autrefois habité par des anglophones, tory et orangistes et qu’il n’y avait pas de problème. Depuis huit ou dix ans les choses changent et ce groupe se retrouve en minorité. Comme il a toujours été fidèle à la couronne il a été l’adversaire de cette faction aigrie par la religion et la rancœur politique. Cette faction de quelques individus est excitée par le retour de M. Dufresne, le candidat qu’ils ont fait élire par tromperie. Mais il a confiance d’avoir le support du gouvernement qu’il a servi si longtemps.
Il comprend du mémoire que M. Dufresne demande une commission d’enquête sur les plaintes. Maintenant qu’il a fourni sa réfutation au Dr. Bouthillier chargé d’enquêter l’affaire, il croit que le gouvernement verra l’absurdité de la position de la faction demandant l’enquête qu’il croit déjà commencée. Il espère justice et demande de pouvoir prouver la fausseté des accusations.
J. Dufresne demande une commission d’enquête
23 mai 1855
Même si Daly a pu échapper à l’accusation d’avoir fraudé aux élections en imputant la fraude à un autre, il persiste à demander une commission d’enquête. Il est prêt à prouver le mauvais travail de Daly dans la construction du chemin de Chertsey.
Il joint à sa requête un témoignage de John Horan, notaire à Rawdon. Celui-ci décrit Daly comme l’homme de la clique du gouverneur, le roi de la région qui veut tout régimenter avec ses fiers-à-bras. Il aurait affirmé publiquement après avoir perdu les élections que de toute façon il était le maître et que nous allions le sentir. C’est une menace contre les sujets britanniques de Rawdon.
Autres témoignages à charge
22 mars 1855
Autre pétition signée par trente citoyens de Rawdon qui reprend les mêmes accusations. On apprend que Daly était propriétaire du lot 19 du rang 6 en 1850. Thomas Holtby donne des détails sur les travaux. Le pont sur la Ouareau est trop bas et sera emporté au printemps, il y aurait un tronçon très dangereux près du lac Daly, aussi un pont dangereux appuyé sur un rocher à pic. La route est mal faite, beaucoup de grosses roches auraient du être déplacées, il y a un bout marécageux qui manque de remblai, il y a des souches et des racines. Holtby voulait vendre des marchandises aux travailleurs mais on lui a barré le passage.
La défense de Daly
Lettre justificative
Il présente d’abord les instructions reçues de J. Bouthillier, inspecteur des agences, le 2 juin 1854 pour le commencement des travaux du chemin.
Puis le 29 novembre 1854 les premières pétitions ayant été remises à ses supérieurs il se justifie dans une longue lettre à J. Bouthillier. Il a préparé son dossier et présente plus de cinquante témoignages de soutien.
Le ravitaillement
Il était précisé dans les instructions reçues qu’il ne devait pas monopoliser le ravitaillement, c’est donc le premier point à éclaircir. De très nombreux témoins disent avoir payé un prix raisonnables et qu’il n’y avait pas d’autre solution.
Les élections
Il n’a menacé personne de le renvoyer du chantier s’il ne votait pas pour lui.
J.-B. Leblanc
Il n’a pas insulté ni menacé J.-B. Leblanc sur le chemin de Chertsey, il a empêché les hommes de lui faire un mauvais parti. D’ailleurs Richard Brennan qui avait signé la première pétition vient témoigner qu’on a signé à sa place et que Daly dit vrai. Une rumeur voulait que Leblanc arrive avec une bande d’Orangemen pour perturber le travail. Canadiens et Orangemen sont en guerre.
La spéculation
Il précise que le lot (400 acres) du lac Daly acheté en 1850 appartient à ses fils. Il aurait été plus avantageux pour développer ce lot de passer par le nord du lac Daly mais le tracé sud est le plus court et le plus facile.
L’état de la route
Pour se justifier de l’état de la route il explique que M. Renaud, surveillant des terres provincial, a sorti de Doncaster des charges de bois qui l’ont endommagée.
Attribution des lots
La fonction d’agent des terres est cruciale en pays de colonisation, il doit arbitrer les litiges et fait beaucoup de mécontents. Il récapitule donc tous les litiges mentionnés dans les pétitions et se justifie. Les meilleurs lots sont convoités par tous, certains coupent le bois du lot voisin, d’autres sont installés mais n’ont pas de titres.
Documents joints
Trois lettres adressées à A.-N. Morin commissaire des terres de la couronne, rapports des progrès de ses travaux.
18 octobre 1853
La première est le rapport de son exploration de la route de Chertsey. La quantité et la qualité des terres par lesquelles le chemin passera est bien meilleure que ce qu’il avait anticipé. Il y aura peu de côtes à monter, il faudra juste rallonger légèrement le parcours pour éviter quelques collines et marécages mais sans trop augmenter les dépenses.
Il aurait voulu explorer le parcours avec Magloire Granger mais celui-ci n’étant pas disponible, il a pris un indien expérimenté (sans doute Michel Rock) avec lui. Ils ont exploré le lac Ouareau où il estime que se trouvent beaucoup de bonnes terres. Son chemin débouchera dans cette direction.
Les trois quarts du terrain exploré est bon pour la culture. Même sur les hauteurs, à quelques exceptions, les roches peuvent être enlevées et la terre cultivée.
Dès qu’il aura fini à Chertsey, il s’en ira à Wexford au Lac des Îles où la terre cultivable semble particulièrement bonne et abondante. La nouvelle route projetée y donnera accès.
Il demande de pouvoir commencer les travaux du pont du gouvernement sur la rivière Ouareau cet automne ou cet hiver car la main d’œuvre est plus disponible à cette saison et que le pont permettra l’accès au chantier du chemin l’été prochain.
4 décembre 1853
La deuxième lettre rapporte les travaux exploratoires pour les 2 chemins qu’il est chargé de faire. Il a exploré 18 miles et demi, 11 miles et demi sur le chemin de Chertsey et 7 miles et 30 chaînes sur le chemin de Wexford. Il demande des instructions pour pousser ses explorations au nord-ouest du Lake Lacaureau (lac Ouareau) et vers le laKe Brule (?) à la limite des comtés de Leinster et Deux-Montagnes. Il y a une forte demande pour le bois des rivières du Nord et Lacaureau (Ouareau), le beau temps et la glace sont parfaits pour l’exploration.
14 mars 1854
C’est le rapport officiel de ses travaux d’exploration de l’année précédente et des préparatifs pour la construction du chemin de Chertsey.
Il a sollicité Magloire Granger pour la direction des travaux préparatoires mais celui-ci ne pouvait pas s’absenter de son commerce. Il a donc choisi son fils James Daly.
Son premier objectif était de choisir le meilleur emplacement pour construire un pont sur la rivière Ouareau sur le lot 27 du rang 4 avec le budget alloué et en respectant les spécifications.
Comme il avait déjà une connaissance des lieux il s’est concentré sur le début du chemin. Une ligne droite ira du pont du gouvernement au Village Lafontaine, (on a bearing South, 81 degrees west ?). De là, la route continuera vers la limite de Wexford (North, 84 degrees West) et, si possible, sera continuée jusqu’au sud-ouest du Lac Ouareau où on trouve beaucoup de bonnes terres descendant en direction de la rivière du Nord, terres qu’il a explorées avec un indien et un colon.
Avec cette exploration il a pu planifier le parcours du chemin, la direction et la distance à construire pour faire le meilleur travail de développement de l’arrière pays. Il est ensuite retourné sur le parcours du chemin pour le baliser en détails, contournant les collines et les marécages. Ils ont débroussaillé et posé des poteaux, numérotés depuis le départ à chaque demi mile. Ils ont pris des notes sur la nature du terrain, du sol et de la végétation.
Il prévoit la construction d’une route économique mais parfaitement passable pour une charge normale, avec des ponts sécuritaires sur les rivières et les ruisseaux, avec à certains endroits des billots de bon bois de 12 pieds de long qui ne sont pas dangereux pour le feu quand les colons font des brûlis pour défricher. Le lit du chemin sera de 20 pieds de large pour une route de 16 pieds entre les fossés de 2 pieds de large et 1 de profondeur (là où ils sont nécessaires). Les souches vont être enlevées excepté quelques vieux arbres qui seront coupés ras. Il ne fournira pas de gravier, il faudra utiliser tous les déchets au centre du chemin et les égaliser. Là où la pente est plus forte que 1 pied pour 10 pieds la route devra être plus large.
En considérant toutes les terres que le chemin va ouvrir, on peut dire que c’est de la bonne terre malgré quelques roches et qu’elles seront toutes occupées très vite. Les trois quart sont cultivables. Là où la route se terminera elle semble encore meilleure avec moins de roches. On trouve du beau bois le long du chemin, épinette, cèdre, bouleau, érable et hêtre. Il n’y a pas beaucoup de pins, mais il reste quelques beaux pins blancs autour des lacs.
Il recommande de réserver les lots 58 et 59 du 8ème rang du canton de Wexford pour la construction d’un village car on pourrait construire des moulins à la décharge du Lac St-Patrick pour les besoins des colons et une église.
Il demande un budget de 200 £ pour ouvrir autant de nouveau territoire que possible en construisant une route passable à Chertsey que les colons pourront ensuite entretenir et améliorer. Pour la continuation vers Wexford il n’y a pas encore assez de trafic.
Il décrit ensuite le chemin à construire dans Wexford.
Il a fait son budget en fonction des salaires journaliers suivants:
- laboureurs 3s. 9d.
- artisans 6s. 3d.
- chevaux 4s. 6d.
- 2 ou 3 foremen 6s. 3d.
Le ravitaillement n’est pas fourni, les outils doivent être fournis par l’entrepreneur.
Il pense qu’une bonne route pourra être construite pour cette somme. Il a peur qu’un contracteur fasse passer son profit avant la qualité du travail, il recommande donc que la personne en charge donne des sous-contrats pour des portions de route et des ponts tout en surveillant le chantier.
Une pétition est en train d’être signée par les colons pour demander que l’entretien du futur chemin soit régi par les nouvelles lois municipales, il va user de son influence.
Il recommande de préparer le bois pour reconstruire le pont sur la Ouareau avant que la neige fonde.
En pièce-jointe on trouve la liste des hommes employés à l’exploration du chemin: 11 personnes dont Daly et 2 de ses fils, 9 anglophones, 2 canadiens d’après les noms. Budget total 43 £ 11 s. Détail intéressant le guide indien s’appelle Michel Nicholas, est-ce le Michel Rock de la Chute à Michel ?
Les témoignages d’appui
En 1854 et 1855 il rassemble de très nombreux témoignages de soutien. Une pétition de 215 citoyens de Rawdon certifie qu’il est un homme honnête et que le canton est prospère sous sa gouverne. La plupart des témoignages viennent éclaircir des contestations de lots où Daly a du intervenir comme arbitre.
De nombreux témoins viennent aussi certifier que le prix du lard vendu sur le chantier était plutôt correct pour la qualité. Le tracé du chemin était évident et Daly possédait les terres traversées avant le projet de chemin du gouvernement. Plusieurs témoins affirment qu’ils n’ont pas signé la première pétition contre Daly, que leur signature a été forgée, est-ce une fraude ou ont-ils changé d’avis ?
Le curé de Rawdon, Pominville, les membres du comité de colonisation de Chertsey (Société des défricheurs) et le curé Paré lui apportent leur soutien.
La fin de l’histoire
Le document se termine abruptement sans qu’on sache s’il y a eu des sanctions contre Daly. On constate dans les archives qu’il est resté agent des terres pendant plusieurs années encore, il a donc réussi à convaincre ses supérieurs et les notables locaux.
En fait le but du chemin du gouvernement était d’ouvrir de nouvelles terres à la colonisation alors que les colons déjà installés avaient besoin d’améliorer les chemins qu’ils utilisaient tous les jours. Quelques années plus tard les colons pauvres des premiers rangs de Chertsey renverseront la situation en obtenant le déménagement du centre du village sur le rang 3 au détriment des notables qui s’étaient installés au Village Lafontaine. Le chemin du gouvernement et le Village Lafontaine finiront par être en grande partie abandonnés.
Lire aussi l’analyse détaillée de ce document: Crise politique à Rawdon en 1854
M. Guillaume. P. un petit cadeau pour vous.
L’Église et le Village Lafontaine.
Le 17 février 1857, une requête de 57 personnes demande à l’Évêque de Montréal , Mgr Bourget, l’installation d’un prête en permanence, l’érection d’une paroisse ainsi que la construction d’une Église. En date du 5 mai 1857, Magloire Granger qui occupa la fonction de maître de poste, marchand général et secrétaire-trésorier du township de Chertsey présente une requête à l’évêque de Montréal pour que l’église soit construite sur le lots no 19 du canton de Chertsey soit le village Lafontaine. Les arguments de M. Magloire Granger furent les suivantes; à cet endroit, il y a deux moulins à scie, un bureau de poste, et le départements des terres de la couronne offre un terrain pour la construction d’une Église sur les bords du chemin du gouvernement . Les pressions des gens du cinquième rang, leur plus fort degré d’instruction et leur avoir monétaire, fut probablement considéré par Mgr Ignace Bourget et la nouvelle église sera donc construite dans le village Lafontaine ( ou Chantelle , en référence au bureau de poste qui en 1856, portait ce nom) situé dans le cinquième rang ( aujourd’hui chemin Rochon d’ailleurs la maison existe encore et ce depuis 1787.) Le nom village Lafontaine fut donné par l’ Arpenteur Francis Quin, en 1854, en référence à la rivière qui porte ce même nom et qui fut donné en l’honneur de Sir Louis Hyppolyte Lafontaine, homme politique Québécois
Merci pour les informations, pouvez-vous me donner les sources ?
Le document que je suis en train de traduire est très intéressant. Quand j’aurai fini la traduction j’essaierai d’en faire une analyse plus courte pour que ce soit plus facile à lire.