Catégorie: Histoire de Lanaudière
Site indépendant sans témoin espion

Le moulin banal de Marie-Anne Cerré à Ste-Mélanie

En 1816 Marie-Anne Cerré veuve de Pierre-Louis Panet seigneur de Daillebout et de Ramezay a conclu un marché pour construire des moulins à farine et à scie sur la rivière L’Assomption; le village de Sainte-Mélanie n’existait pas encore. Pour développer ces seigneuries il fallait d’abord y construire un moulin banal pour moudre le grain et scier le bois de construction des censitaires.

Sur les cartes anciennes les moulins Daillebout sont dessinés sur la rivière L’Assomption à côté du village de Ste-Mélanie dans un lieu nommé Pointe Ennuyante. Ce sont les plus anciens moulins dans le haut de la rivière L’Assomption, construits avant ceux du village d’Industrie (Joliette).

Marie-Anne Cerré seigneuresse

Marie-Anne Cerré veuve de Pierre-Louis Panet venait d’une famille installée en Illinois au temps de la Nouvelle-France, son père était marchand et faisait le commerce des fourrures. Elle avait épousé P.-L. Panet en 1781.

Née en 1765, Marie-Anne Cerré est la fille de Jean-Gabriel Cerré, marchand, et de Marie-Catherine Giard… Après la mort de son mari en 1812, elle tente sans succès d’obtenir une concession dans les cantons d’Ascot et d’Aston. En 1826, la Chambre d’assemblée du Bas-Canada refuse de lui accorder une pension en reconnaissance des services rendus par son défunt époux. Elle est décédée à Sainte-Mélanie-d’Ailleboust (Sainte-Mélanie) le 5 avril 1828.

Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Marché de construction d’un moulin à farine et d’un moulin à scie

Jules Guérard, paléographe, a retranscrit des actes notariés anciens, son travail est accessible sur le site de la BANQ: Actes notariés transcrits sur les moulins du Québec. Les actes concernant les moulins de Ste-Mélanie sont particulièrement intéressants puisqu’on y trouve un plan et des devis tellement détaillés qu’on pourrait reconstruire ces moulins à l’identique.

J. Guérard a retranscrit le texte exact des actes notariés qu’il faut donc interpréter.

12 mars 1816 – Marché de construction d’un moulin à farine et d’un moulin à scie sur la rivière de l’Assomption entre John Baynton, charpentier de moulins, demeurant à Montréal, et Marie-Anne Cerré, veuve de Pierre-Louis Panet, demeurante à Montréal. Un devis et un plan accompagne l’acte. (Notaire Nicolas-Benjamin Doucet, no-3612)

Cet acte notarié se trouve à la page 2889 du document PDF. Les moulins n’ont sans doute pas été construits puisqu’un nouveau marché a été conclu en 1819. Le document comprend un devis et un plan. Les moulins devaient être construits en-dessous de la dernière chute de la rivière L’Assomption dans les seigneuries.

Ledit John Baynton fournira tous les matériaux nécessaires et delivrera le tout complet et la clef a la main le moulins marcha sur un bon mouvement. Cependant pourra prendre sur les seigneuries de Ramezay et Dailleboust tous les bois et pierres dont il aura besoin: s’oblige ledit entrepreneur de placer les dits moulins au dessous de la dernier chute a l endroit le plus convenanble et avantageux pour le faire sur la riviere l Assomption qui passe dans les dites seigneuries.

…Bien entendu que la dite dame Panet ne sera tenu a payer aucune somme avant ladite reception bien et dument faite, et que les dits arbitres pourront assurer qu’il n y a aucun danger que les glaces emportent la chaussée, ainsi que les dits moulins par leur construction et leur situation par rapport a l eau pourront marcher toute l année.

Devis des ouvrages

Devis des ouvrages nécessaires pour faire une chaussée et batir deux moulins a l’eau dont un a farine l autre a scies garnis de leurs moulans, sie et travaillans proposés a madame Marie Anne Cerré veuve de feu l’Honorable Pierre Louis Panet batis sur la rivieres a l Assomption; seigneurie de Dailleboust et de Ramezay a la plus basse chute.
Premierement, faire une chaussée en aile qui se projettera trente pieds au moins dans la riviere d’une maniere convenable pour faire icelui un volume d’eau suffisant, dans une dalle pour faire marcher deux meules, faire de grains farine, faire marcher deux scies, et monter le bois de dans la riviere sur le traineau…

Ce devis est assez précis mais celui de 1819 l’est beaucoup plus et on ne sait pas jusqu’à quel point le projet a été réalisé, je ne fais donc que le mentionner; le plan qui l’accompagne est plus intriguant.

Plan des moulins

Le plan qui se trouve à la fin de l’acte n’est pas facile à interpréter, il faudrait un expert. Le moulin à scie est en-haut avec ses 2 scies et le moulin à farine est en-bas.

Il me semble que le moulin à scie était en amont, le bois était hissé sur une plateforme par le traîneau pour pouvoir être scié par les 2 scies situées l’une après l’autre; un pont permettait de monter les billots. L’eau de la force motrice passait ensuite sous le moulin à farine pour actionner les moulanges. Les charpentes dessinées à droite étaient situées au-dessus ou à côté. Je ne fais que des suppositions.

Nouveau marché avec Morril Barter en 1819

Le document commence à la page 6011 du document PDF par le devis des travaux à faire qui explique très précisément comment on construisait des moulins au Québec vers 1800.

3 septembre 1819 – Marché pour la construction d’un moulin à farine et d’un moulin à scie sur la rivière de l’Assomption entre Morril Barter, charpentier de moulin, demeurant à Saint-Jacques, seigneurie de Saint-Sulpice, et Marie-Anne Cerré, veuve de feu Pierre-Louis Panet, juge de la Cour du Banc du Roi, demeurante à Montréal. Un devis accompagne l’acte. (Notaire Joseph Papineau no-4451)

La digue

1° Pour fournir l’eau necessaire aux dits moulins il sera construit une bonne et forte digue depuis le rivage nord de la dite riviere l’Assomption jusques au rocher que (mot rayé) _ asie au milieu de laditte riviere de l’Assomption et depuis ledit rocher en remontant pour gagner vis-a-vis la pointe du rivage qui est au dessus du coté du nord ou commence les rapides la digue sera supporté par des bois forts et suffisants pour resister aux efforts de l’eau crampoués au (mot rayé) roque et de hauteur epaisseur et longueur suffisante pour reunir la chute au point ou les moulins seront construits # et fournir asser d’eau pour que les dits moulins puissent tourner tout le cours de l’année # resister aux efforts de l’eau des glaces et bois flottés et de la quelle digue l’entrepreneur sera garant pour trois années consecutives après que les travaux des moulins seront finis et recues.

Il fallait construire une digue à partir de la rive nord de la rivière où commencent les rapides qui pourrait résister à la glace et au bois flotté et fournirait de l’eau aux moulins à l’année longue.

Le moulin à scie

2° Le moulin a scie aura quarente quatre pieds de long sur trente quatre pieds de largeur le premier etage aura treize pieds de haut le second huit pieds et demi le toit a aura pas moins de dix neuf pieds de chevrons la mesure angloise.

Le moulin à scie aura 44 pieds de long par 34 de largeur, 2 étages de 13 et 8½ pieds de hauteur avec un toit de 19 pieds de chevrons.

Il sera appuye sur quatre soles de pin ou de pruches. dont trois de quarente quatre pieds de long et l’autre de trente quatre pieds chacune de treize pouces jusque onze pouces a vive arrête. Il y aura quinze poteaux de treize pieds de longueur et pas moins de quatre pouces quarrés, douze antrais de onze pouces quarrés, les sablieres du premier etage seront au nombre de trois de quarente quatre pieds de long et une de trente quatre pieds sur pâs moins de quatorze pouces quarrés et quatre soliveaux de treize pouces sur quinze un solivaux principal de trente six pieds de long et vingt deux pouces sur vingt quatre d’epaisseur a vive arrête douze morceaux de trente quatre pieds de long et douze pouces sur seize.

Il sera appuyé sur 4 soles (solives) de pin ou de pruche, 3 de 44 pieds de long et 1 de 34, 11″X13″ de côté; 15 poteaux de 13 pieds, 4″X4″. 12 entraits de 11″X11″. Au 1er étage 3 sablières de 44 pieds et 1 de 34 de 14″X14″; 4 soliveaux de 13″X15″; 1 soliveau principal de 36 pieds de 22″X24″ et 12 soliveaux de 34 pieds de 12″X16″.

Au second etage deux poteaux de huit pieds et demi de long et dix huit pouces quarrés quatre poteaux de huit pieds et demi de long sur treize pouces quarrés; deux poteaux de huit pieds et demi de long et dix pouces sur douze tous les bois ci-dessus mentionés seront de pin. Deux antraits de vingt deux pieds de long sur neuf pouces quarrés d epinettes deux solivaux de trente pieds de long sur douze pouces quarrés de pin un solivau trente quatre pieds de long seize pouces sur dix huit de pin deux sablieres de quarente quatre pieds de long et dix pouces quarrés de pin dans le comble il y aura six poteaux d’environ six pieds et demi de long sur dix pouces quarrés de pin deux solivaux de quarente quatre pieds de long et de sept pouces sur huit pouces trois antraits de treize pieds de long sur dix pouces quarrés, deux poteaux de quinze pieds de long sur dix pouces quarrés vingt six chevrons de pin ou d epinette de dix neuf pieds de long sur six pouces quarrés et dix liens ou goussets d’au moins dix pieds de long et de sept pouces sur cinq d’epinettes et environ cent vingt petits liens ou goussets placés ou il sera requis dans tout le corps de la charpente de longueur et grosseur requise selon les lieux ou ils seront placées.

La description du second étage continue en précisant la longueur, l’épaisseur et l’essence de bois de chaque morceau du moulin.

Le coffre sera d’environ trente quatre pieds de long sur environ vingt quatre de largeur divisé en deux parties les quatre principaux poteaux auront treize pieds de long sur vingt quatre pouces quarrés de pin, ving quatre petits poteaux de sept pieds de long et huit pouces quarrés de pin dix soles de douze pieds de long et douze pouces quarrés de pruche, dix sablieres de douze pieds de long sur dix pouces quarrés de pin, et avec quantité de bois pour la seconde division du coffre.

Le coffre du moulin à scie sera de 34 pieds sur 24 divisé en 2 parties. Ce n’est pas évident d’interpréter aujourd’hui les termes employés autrefois pour décrire un moulin. Je suppose que le coffre enveloppait les roues à eau et les 2 scies dans ses 2 divisions.

Pour les mouvements les arbres seront en chesne s’il est possible de s’en procurer sinon (mot rayé) em merisier ou orme dur les rouets en merisier les fusées et aluchons d’erable les arbres auront environ dix pieds de long sur quinze pouces de diametre les roües en merisier et de trois pieds de diametre les rouets environ quatre pieds de diametre, les fusées environ dix huit pouces de diametre, chaque manivelle de fer fondu et duement tournées ne pezeroit pas moins de cent trente livres chaque deux cent livres chaque pour areuter les billots sur le moulin quant il viendront par eau

Les mouvements du moulin seront en chêne si possible, les aluchons en érable sont les planches sur lesquelles l’eau tombe pour actionner les roues de 3 pied de diamètre; il y a aussi des rouets et des fusées, termes à définir. Des manivelles en fer fondu très lourdes servaient à arrêter les billots arrivant par la rivière.

il y aura une roüe horizontal de six pieds de diametre en merisier l’arbre vingt cinq pieds de long p onze pouces de diametre et en merisier, le rouet aura six pieds de diametre, l’arbre horizontal sera de douze pieds de long et douze pouces de diametre en merisier, la fusée de treize pouces de diametre en merisier,

Je ne comprends pas très bien à quoi servait la roue horizontale et le rouet de 6 pieds de diamètre actionnés par un arbre de 25 pieds de long et un autre horizontal de 12 pieds.

il y aura deus scies dont une de sept pieds et l’autre de six pieds et demi.

Pour les echapes il y aura quatre poteaux de merisier de quatorze pieds de long sur quatorze pouces quarrés, les rebasser seront du meilleur bois bien et solidement faites etquarries de tous les ferrements necessaires; le pont pour monter les billots sera de trente a trente cinq pieds de long en pruche ou fresne et de cinq pieds de largeur les trainaux seront de trente pieds de largeur en epinette rouge de sept pouces quarrées et les aluchons d érable et recules par eau enfin couvrir le moulin en bardeau et fournir tous les ferrements necessaires et # ajouter tout ce qui peut estre # requis pour completter ledit moulin.

Encore une fois je ne comprends pas ce que sont les echapes et les rebasser; le pont pour les billots devait se trouver à côté du coffre des 2 scies avec des traîneaux pour les monter. La finition en bardeau et tous les ferrements du moulin devaient être livrés à la fin du contrat.

Une illustration tirée de Dans le sillage du temps -EAU – Archéologie du Québec publié par le Musée Pointe-à-Callière et les Éditions de l’Homme montre le fonctionnement d’une roue à eau de cette époque.

Plan d'un moulin à farine
Roue à eau en-dessus

Le moulin à farine

Pour le moulin a farine. Le corps du moulin aura quarente pieds de long sur vingt huit de largeur sur un solage de six pieds de haut et trois pieds et demi d’epaisseur de bonne maconne a pierre et mortier de chaux et sable # avec deux murs de refente pour separer le chemin de la roüe a l’eau et la chambre des rouets # la hauteur sera de onze pieds de quarrés depuis le dessus du solage a la sabliere, deux soles de quarente quatre pieds de long et cinq de vingt huit pieds de douze pouces sur quatorze de pin dix lambourdes de cedres sur au moins un pied de diametre au petit bout vingt pieds de long dudit moulin seront de pieces sur pieces et le surplus en poteaux entouré de planches a declin de sept pouces de decouvert, huit solivaux de vingt huit pieds de long sur et de trois pouces sur seize un principal solivau de dix huit pouces quarrés de pin, deux sablieres de quarente pieds de long sur dix pouces quarrés et deux autres sablieres de vingt huit pieds et dix pouces quarrés de pin dans le comble il y aura vingt quatre chevrons de dix huit pieds de long et cinq pouces quarrés d épinette, douze antrais de seize pieds de long sept pouces sur cinq d épinette avec les poteaux dans les pignons pour lambrisser et environ soixante liens de quatre pieds et demi de long et cinq pouces sur quatre d épaisseur de fresne.

Le corps du moulin à farine aura 40 pieds de longueur par 28 de largeur (44X34 pour le moulin à scie) sur une fondation en maçonnerie de 6 pieds de hauteur par 3½ d’épaisseur. C’est une construction plus solide.

Il y aura deux portes et trois fenestres dans un des long pans et une porte et quatre fenestres dan l autre . Pour l etage d’en bas au dessus il y aura deux fenestres dans chaque pignon, les planchers haut et bas en madriers de deux pouces excepter dans la chambre des farines ou le plancher de bas sera de trois pouces d épaisseur embouvetés ou redoublés. Avec les cloisons et portes pour le chemin des roües et la chambre des rouets, une cheminée entre le logement du meunier et la chambre des farines, et deux cloisons dans le logement du meunier pour y former trois appartements avec leurs portes, les escaliers necessaires solides et commodes.

Le meunier logeait dans 3 pièces du moulin à farine, à l’étage sans doute puisqu’il fallait des escaliers pour y accéder.

Les mouvements. Une roüe a l’eau suffisante pour mener deux moulanges elle aura quatorze pieds de diametre et six pieds d’aubes de chesne s’il est possible seront de merisier l’arbre de chesne s il est possible sinon d’orme dur de dix huit pieds de long vingt pouces de diametre au moins duement garni de bons tourillons de quatre pouces de diametre en fonte a ailes et marbres d fonte et trois bonnes fretes au bout et deux a l’autre le rouet de sept pieds de diametre en chesne s’il est possible sinon en merisier les alluchons d’erable. Deux rouets en fer fondu l’un de trois pieds de diametre et l autre de six cinq pieds de diametre deus fusées en fonte d’environ quatorze pouces de diametre divisés de maniere a faire faire de soixante a soixante dix tours par minutte a chaque moulange l’arbre debout sera de pin ou merisier le bluteau sera de dix pieds de long, trois pieds et demi de diametre garni de toiles d’Hollande a donner trois qualités de farine muë par eau et les mouvement en fonte et la farine portée des huches au bluteau par un elevateur en acier et aussi mues par eau.

La roue à eau du moulin à farine aura 14 pieds de diamètre pour actionner 2 moulanges, les 2 roues du moulin à scie ne faisaient que 6 pieds de diamètre. Les meules des moulanges devaient tourner de 60 à 70 tours par minute. Le bluteau et l’élévateur à farine étaient actionnés par la force de l’eau transmise par des mouvements.

L’eau et partant du coffre du moulin a scie sera conduit par un canal en bois d’environ quatre vingt pieds de long de six pieds de largeur et six pieds de hauteur en soles et poteaux et sablieres de pin lambrissé en madriers de pin dans la forme mentionné pour le coffre du moulin a scie, les empellement seront bien et düement faite tant pour le moulin a scie que les moulin a farine.

Un canal en bois de 80 pieds de long, 6 de large et 6 de haut amenait l’eau dans le coffre des moulins.

Il y aura au moulin a farine deux bonnes paires de moulanges # de pierre # de France d’au moins d’environ quatre pieds et demi d’au moins cinq pieds de diametre mesure angloise chacune garnie de leurs petits fers forgés duement tournés avec lit avec des boittes de sorte dans les lits et les ailles visses a lever les palliers enfin toutes vitres et ferrures necessaires, les chassis a l’angloise de six pouces sur quatre de long sept pouces et demi sur huit et demi mesure angloise enfin tous les tourillons pour l’arbre debout avec deux fretes chaque bout crapaux avec leurs boittes et visses pour les cinturer et generallement tout ce qui peut estre requis et necessaires pour completter et parfaire les ouvrages sus mentionés dont a dire d expert encore qu il ne soit ici specialement exprimé.

Il y aura 2 paires de moulanges en pierre de France donc importées, 1 de 4½ pieds de diamètre et l’autre d’au moins 5 pieds. Le reste est plus compliqué à interpréter, il s’agit sans doute des mécanismes pour soulever les meules et les entretenir.

C’est la fin du devis, l’acte notarié se poursuit avec le contrat en tant que tel, conclu pour la somme de 1.175 livres.

Contrat de marché de construction de deux moulins, l’un à scie, l’autre à farine

Morril Barter charpentier de moulin demeuranta Saint-Jacques seigneurie de Saint-Sulpice… s’engage par ces presentes de faire et parfaire a dire d’experts # en la seigneurie de madame Panet sur la riviere de l Assomption au lieu et place convenu entre eux # un moulin a scie et un moulin a farine avec les chaussées coffres et canal esquissés au dire ci-devant ecrit promettant completter finir parachever et parfaire a dire d experts tous les ouvrages requis et necessaire pour la perfection et complettion des dits moulins fournir tous outils vivres materiaux ferrements sies moulanges et ouvriers qui seront necessaires a ses frais et depens commencer les dits ouvrages (mots rayés) d’ici au quinze du present mois de septembre qu’il nourira et payera a ses frais et qui ne seront pas moins de six en même tems…

Morril Barter était un charpentier de moulin demeurant à St-Jacques, il devait fournir au moins 6 ouvriers et les nourrir, ainsi que les ferrements et moulanges.

…Il est en outre accordé et convenu entre les dits parties que les qu’aussitôt que ledit moulin a scie sera en etat de travailler et exploiter les bois de sciage ledit Morril Barter prendra ledit moulin a loyer pour une année finie et accomplie a compter du jour qu’il mettra ledit moulin en train d’exploitation de bois de sciage pour vendre et commencera a son compte et profit ce qu’il sera tenu d faire… pour fournir a l’exploitation dudit moulin a scie ledit Morrel Barter prendra et coupera sur les terres non concedées des seigneuries de la ditte dame veuve Panet tous les billots qu’il pourra scier et exploiter au dit moulin seulement sans en pouvoir prendre d’autre pour aucun autre commerce que ce soit ledit Morrel Barter entretiendra le dit moulin a scie de toutes reparations et le rendra en bon etat a la fin dudit baïl…

Barter devait prendre le moulin à scie à loyer aussitôt qu’il serait terminé; pour faire marcher le moulin à scie il devait se procurer le bois dans les terres non concédées de la seigneurie.

Convenu aussi; ledit Morrel Barter aussitôt que le moulin a farine sera en etat de faire de bled farine il promet et s’oblige de le faire tourner en qualité de meunier pour une année finie et accomplie qui commencera au plus tard au premier du mois de decembre de l’an prochain que l’on comptera mil huit cent vingt a la charge d’entretenir le dit moulin de toutes reparations locatives fournir l’huile necessaire et faire tous les frais pour le tenir en etat de faire de bled farine a la et sera tenu de rendre juste et fidel compte de tus les grains qui seront gagnés au dit moulin pour droit de mouture selon l’usage la moitié desquels grains de toute espece seront et appartiendront a ma ditte dame Panet et lui seront livres au dit moulin a fure et mesure qu’ils seront gagnés et l’autre moitié demeurera et appartiendra au dit Morrel Barter qui procedera au partage des dits grains toutes et a chaque fois qu’il en sera requis.

Le contrat stipule aussi que Barter devait faire le blé au moulin à farine à partir de décembre 1820 au plus tard. Les bénéfices en nature du moulin devaient être partagés moitié moitié avec la seigneuresse.

Il est agrée et convenu entre les dittes parties que ledit Morrel Barter fera a ses frais et depens tous les chemins dont il aura besoin pour amener les materiaux necessaires au lieu ou les dits moulins doivent estre construits et pour communiquer desdits moulins aux premieres habitations de la seigneurie de madittte dame Panet laquelle sera tenue de procurer le consentement des tenanciers pour souffrir tel chemin s’il est necessaire seron le faire tracer par le grand voyer s’il etoit requis ledit Barter ne se chargeant que du defrichement dudit chemin et le rendre pratiquable…

Morrel Barter devait faire les chemins pour amener les matériaux et pour communiquer avec les concessions de la seigneurie.

enfin il est entendu que ledit entrepreneur pourra prendre dans l etendüedes seigneuries de maditte dame veuve Panet tous les bois pierre chaux et sable dont il aura besoin pour la confection des moulins susdits et faire paitre les animaux qu’il employera pour la confection et exploitation des dits moulin pendant le cours de son baïl sur les terres non concedées et sur le domaine qui se trouve au dessus dudit moulin et exploiter a son profit les foins qui pourroient se trouver sur ledit domaine ou sur les terres non concedées…

Barter pouvait prendre tous les matériaux dont il avait besoin sur les terres non concédées, le bois, la pierre, la chaux et le sables. Il pouvait couper le foin et faire paître ses animaux.

Et a ce faire sont intervenus maitre Louis Levesques ecuyer grefier de la Cour du Banc du Roy du district pour et au nom de dame # Charlotte Melanie Panet son epouse et demoiselles Louise Amelie et Thereze Eugenie Panet # (mots rayés) (ligne rayée) (ligne rayée) (ligne rayée) co-proprietaire du fief et seigneurie ou lesdits moulins doivent estre construits…

Les enfants de Marie-Anne Cerré ont signé le contrat en tant que co-propriétaires des seigneuries de Daillebout et de Ramezay: Louis Lévesque au nom de sa femme Charlotte Mélanie, Louise-Amélie et Thérèse Eugénie; Pierre-Louis a ratifié le contrat plus tard.

Le document se termine avec les paiements qui ont été faits au fur et à mesure et l’arrêté des comptes le 12 janvier 1821.

  • Cautionnement, le 18 septembre 1819: 200 livres
  • Cautionnement, le 2 mars 1820: 200 livres
  • Cautionnement, le 4 mai 1820: 200 livres
  • Cautionnement, le 17 août 1820: 150 livres
  • Arrêté de compte et quittance, le 12 janvier 1821: 161 livres 7 shillings
  • Ratification, le 31 mars 1821 par le sieur Pierre Loüis Panet ecuyer fils de l’Honorable Pierre Loüis Panet ecuyer

J’avais trouvé un autre contrat notarié montrant que Barter a sous-traité la couverture en bardeau des moulins; il y est prénommé Morrel: 6 mars 1820 – Marché pour couverture en bardeaux entre Morrel Barter et Clément Trudeau fils

Le protêt de la veuve Panet et le rapport des experts

Morrel Barter a livré les moulins le 12 janvier 1821 mais il n’avait pas rempli son contrat selon le devis signé en 1819, Marie-Anne Cerré a déposé un protêt: 17 mars 1821 – Protêt de dame veuve Panet contre Morrel Barter

Elle a déposé le même jour un rapport fait par deux experts en construction de moulins, Jean-Baptiste Teré de la rivière du Chêne et David Manchester de St-Jacques: 17 mars 1821 – Rapport d’experts choisis par dame veuve Panet et Sr. Morrel Barter

Leur rapport détaillé donne d’autres informations sur les moulins. La meule posée au dit moulin à farine était trop mince, il fallait lui ajouter une couche de plâtre de 3 pouces d’épaisseur et il manquait une paire de moulanges de pierre de France, 80 livres.

Il fallait aussi poser les moulanges manquantes, une huche, finir le bluteau, refaire la roue à eau et la cheminée du moulin à farine.

Il restait beaucoup de travaux à faire au moulin à farine mais aussi au moulin à scie: faire le pont, les planchers et les panneaux; couvrir la digue et fournir une chaîne pour monter les billots.

Selon les experts la digue était mal construite et il fallait la refaire au coût de 300 livres. La subtilité du système métrique permettait aussi à M.-A. Cerré de réclamer une somme de 50 livres selon que le pied était français ou anglais.

Les experts ont signé avec le notaire Barthélémy Joliette qui a dû bien prendre note de la difficulté de construire des moulins sur la rivière L’Assomption.

Marie-Anne Cerré et Morrel Barter ont reçu le rapport des experts et ils ont aussi signé.

Le 11 août 1821 Michel Neveux de Chateaugay maître-meunier expert nommé par les parties est venu examiner les ajustements faits par Morrel Barter qui a posé le pont et mouvements propres et convenables pour monter les billots et posé la seconde scie mais il n’a pas terminé la chaussée et autres travaux à compléter pour une somme de 456 livres; plusieurs objets de fonte semblaient avoir été posés puis enlevés. Marie Anne Panet a donc déposé un nouveau protêt contre Morel Barter.

L’histoire du moulin banal D’Aillebout

L’histoire des moulins de Ste-Mélanie ne semble pas avoir été documentée, je n’ai pas trouvé d’information. Mais ils ont existé puisque vers 1860 lors de l’abolition du régime seigneurial la valeur de la part de la seigneuresse Louise-Amélie Berczy fille de Marie-Anne Cerré dans le moulin banal était de $1.500.

Sur cette carte datée de 189? (j’ai un doute, elle est plus ancienne je crois) par la BANQ les moulins sont représentés par un engrenage et ils sont précisément localisés, c’est un secteur inaccessible aujourd’hui.

Cette autre carte datée de 1800-1812 est plus précise mais comme le moulin n’a été construit qu’après 1816 sa date doit être erronée.

Le 28 janvier 1826 Antoine Dyonne maître-meunier demeurant à Daillebout a engagé 3 cultivateurs de Ste-Elisabeth pour couper et charroyer 600 + 200 billots de pin blanc dans le chenaille de la rivière la Somption.

William Berczy est venu habiter avec son épouse Louise-Amélie Panet à Ste-Mélanie vers 1832 pour prendre en main la gestion des seigneuries car Pierre Louis habitait Trois-Rivières. Le premier acte notarié que j’ai trouvé concernant sa gestion des seigneuries est le bail du moulin banal qu’il a négocié le 18 mai 1832. Engagement de Joseph Lavallée meunier de Beloeil par William Berczy et les coseigneurs de la seigneurie de Daillebout pour faire tourner en sa qualité de meunier le moulin à farine de la rivière de l’Assomption et avoir la garde du moulin à scie, de la traverse et de l’entretien des chemins et des côtes.

Le 8 janvier 1843 Pierre Louis Panet et William Berczy ont déposé un acte sous seing privé de Charlotte Mélanie Panet veuve de Louis Lévesque et de demoiselle Thérèse Eugénie Panet résidantes en la paroisse de Berthier leur donnant la permission de bâtir un moulin avec une chaufferie à avoine près des moulins seigneuriaux sur la Pointe Ennuyante.

En 1847 le meunier du moulin banal s’appelait Louis Elzéard Olivier. Le 25 octobre 1848 Michel Trudeau de la famille des meuniers des moulins de B. Joliette a été engagé à sa place au moulin à farine et à avoine; il devait aussi avoir la garde du moulin à scie et du bois scié lorsqu’il n’y aurait personne d’autre d’appointé par les seigneurs. Il aura soin de l’entretien des chemins et des côtes tant dans la seigneurie de Daillebout que dans la seigneurie de Monsieur Ross Cuthbert conduisant aux dits moulins… Son salaire était constitué du tiers des grains gagnés par le moulin à farine et des deux cinquième des grains du moulin à avoine. En 1850 une obligation de Michel Trudeau envers W. Berczy le désigne encore comme meunier de Ste-Mélanie.

Le 16 février 1853 Edward Scallon le principal marchand de bois du village d’Industrie (Joliette) a loué le moulin à scie de la pointe Ennuyante situé à coté des moulins à farine.

Le bail n’a pas été renouvelé puisque le 4 octobre de la même année Jean-Baptiste Charland meunier demeurant à Ste-Mélanie a pris en charge les moulins à farine et à avoine et le moulin à scie. Son salaire était du tiers des grains de blé et de la moitié des autres, il était tenu d’engager un compagnon meunier. Un inventaire des outils du moulin est annexé.

Le 1er octobre 1856 les co-seigneurs ont signifié à Jean-Baptiste Charland meunier du moulin banal qu’ils voulaient modifier les conditions de son bail; le 13 janvier 1857 il a été réengagé aux même conditions, son salaire était du tiers du blé et du seigle et la moitié des autres grains. Le 3 septembre 1857 Octave Ménard meunier de Ste-Mélanie a été choisi pour renouveler le bail du moulin banal pour la moitié de l’avoine et le tiers des autres grains; la liste des outils annexée à l’acte est la même qu’en 1853. Le 14 octobre 1859 le moulin a été baillé à Jean-Baptiste Guilmette; le 30 juillet 1863 à Ovide Peltier père maître-meunier; le 19 novembre 1864 à Jean-Baptiste Guilmette; le 18 juillet 1866 à Léon Arnault maître-meunier.

Le 27 décembre 1875 à la requête de Marie-Louise Panet et de Louis Lévesque l’inventaire des biens de la succession de feue Dame Louise Amélie Panet, épouse de feu William Berczy a été fait et on y trouve une description des moulins de la Pointe-Ennuyante:

Sainte-Mélanie 150 ans d’histoire

Pour le 150ème anniversaire de sa fondation en 2004 la municipalité de Sainte-Mélanie a publié un livre sur son histoire. Les auteurs ont documenté les marchés de construction des moulins en 1816 et 1819 mais ils n’en font pas la même interprétation que moi.

En 1816, la veuve Panet fait construire deux moulins à deux étages sur ses terres, l’un à scie et l’autre à farine. Elle en confie l’exécution à John Boynton, charpentier de moulin… Dame Panet fera construire, trois ans plus tard, deux autres moulins sur la rivière L’Assomption dont elle confiera cette fois la construction à Morril Bacter, charpentier de moulin, de Saint-Jacques.

Sainte-Mélanie, 150 ans d’histoire

Si il y avait eu 2 moulins à farine et 2 moulins à scie situés à 2 endroits différents sur la rivière L’Assomption on les verrait sur les cartes anciennes je crois.

Carte du Québec

Laisser un commentaire