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Les sables bitumineux d’Athabaska

Les canadiens ont souvent l’impression que les gros pollueurs ce sont les américains et qu’eux sont écologistes. Justin Trudeau prétendait être progressiste, il a du tout céder à l’industrie pétrolière et doit défendre devant l’opinion mondiale la pertinence d’un projet minier occupant 21% de la surface de la province de l’Alberta (la surface de l’Angleterre ou de la Floride) qui aura des conséquences dévastatrices pour le climat mondial.

La plus grande réserve au monde

Les sables bitumineux d'Athabaska

Le nord-est de la province de l’Alberta est formé d’un immense bassin de sables bitumineux couvrant 142.000 km² et renfermant environ 1.800 milliards de baril de bitume, une quantité égale à l’ensemble des réserves de pétrole conventionnel au monde.

Les indiens vivant sur le bord de la rivière Athabaska utilisaient le bitume pour imperméabiliser leurs canots et ont guidé les colonisateurs vers les gisements mais ceux-ci se sont rendu compte que le bitume était très difficile à séparer du sable, demandant plus d’énergie qu’il n’en produisait.

Les débuts

L’inventaire géologique et l’exploration du territoire se sont faits au début du 20ème siècle et les albertains se sont rendu compte qu’ils possédaient une immense richesse inexploitable ce qui est très frustrant.

En 1956 la compagnie californienne Richfield Oil propose de séparer le bitume du sable par une explosion nucléaire souterraine. L’explosion de la bombe ferait bouillir le tout et le bitume s’écoulerait naturellement dans la cavité créée. La bombe était achetée et prête à être utilisée lorsqu’un traité international interdisant les explosions souterraines est entrée en vigueur et a fait avorter le projet. Les russes avaient fait l’essai à la même époque pour se rendre compte qu’il n’y avait pas de marché pour du pétrole radioactif!

L’exploitation industrielle

La première exploitation industrielle est faite en 1967 par la compagnie Sun Oil (Suncor) et à partir de 1999 les projets se multiplient grâce aux réductions de taxes et de redevances offerts par les gouvernements fédéral et provincial. En 2014 les projets couvraient 92.000 km².

Évolution de la production prévue par les principales compagnies selon les données de 2011

En 2013 le gouvernement estimait que seulement 9% des réserves était économiquement exploitable mais les experts se contredisent. Les industriels estiment qu’ils pourront améliorer le rendement, pour l’instant seulement 20% du bitume est récupéré et le procédé est très coûteux. Le prix de revient du baril oscille de 35$ à 65$ il faut donc que le prix mondial soit haut pour que ce soit rentable.

De toute façon il s’agit d’un projet à très long terme qui ne fait que débuter (si on laisse faire).

Le transport

Les oléoducs d’Amérique du Nord 2012

Les sites d’exploitation sont situées dans des régions nordiques inhospitalières situées loin des marchés. Avec une production qui augmente de 11.5% par année depuis 2002 les moyens de transport traditionnels sont saturés et l’industrie tente par tous les moyens de construire des oléoducs vers le Pacifique à l’ouest, les USA au sud et les grands lacs à l’est. Si toutes ces portes se fermaient il ne resterait plus que l’océan arctique au nord. Le prix du transport s’ajoute à un prix de revient déjà élevé.

Le Dilbit (bitume liquéfié pour pouvoir circuler dans les tuyaux) transporté par les oléoducs est très corrosif et les autorités constatent que les fuites sont dix fois plus fréquentes qu’avec un pétrole classique, pourtant les compagnies utilisent la même technologie qu’ailleurs. La pollution déjà produite alors que le projet ne fait que commencer a ouvert les yeux de tous les riverains et personne ne veut voir passer le bitume chez soi ce qui est bien compréhensible.

Les peuples autochtones

En 1899 les autochtones propriétaires des terres auraient signé un traité mais la situation est très contestée. Devant la dévastation du territoire les autochtones sont aux premières loges et sont donc les plus mobilisés. La rivière Athabaska se jette dans le lac du même nom qui est maintenant pollué. Les habitants ont du faire venir de l’eau embouteillée pour boire alors qu’ils sont entourés de lacs et de rivières. De 1975 à 2013 on répertoriait 28.666 fuites sur les oléoducs déjà existant qui parcourent des milliers de kilomètres.

Guerrier crow
Crow Head de la nation Chipewyan

Certaines nations au cœur de l’action n’ont eu d’autre choix que de retirer le maximum de profit de l’industrie (ce ne sont d’ailleurs souvent que des miettes) mais en septembre 2016 une cinquantaine de leaders des Grandes Nations du Canada et des États-Unis ont signé un traité pour essayer d’empêcher les oléoducs de traverser leurs territoires et la mobilisation s’amplifie. Des alliances entre indiens et cow-boys inquiets pour leurs terres se créent un peu partout. En revendiquant de vastes portions de territoires pour les préserver les autochtones peuvent rendre un grand service à l’Humanité.

L’impact écologique

Pour produire 1 m³ de pétrole il faut 2,4 m³ d’eau. En 2012 la consommation était de 187 millions de m³, elle devrait atteindre 500 millions bientôt. Le bitume doit aussi être chauffé, avec du gaz, du diesel ou du charbon, (une centrale nucléaire éventuellement) pour être séparé du sable. Il produit donc beaucoup plus de Co2 que du pétrole classique juste pour l’extraire. Le bilan écologique doit comprendre l’extraction, le traitement, le transport et la combustion et même la combustion est plus toxique.

Un chercheur de la NASA estime que les sables bitumineux contiennent à eux seuls le double de la totalité du dioxyde de carbone émis par l’usage du pétrole dans le monde depuis le début de la civilisation.

Déversement accidentel observé par Google Earth

Les boues toxiques produites par les bassins de décantation émettent des émanations dangereuses qui empoisonnent la vie des travailleurs et des résidents et polluent l’environnement. Le processus de décantation pourrait prendre jusqu’à 1.000 ans, en espérant que les bassins restent étanches tout ce temps (on rapporte déjà de nombreuses fuites et déversements, le lac Athabaska est fortement pollué).

La politique du Canada

Les enjeux économiques sont immenses. Les compagnies pétrolières doivent prouver à leurs investisseurs qu’elles détiennent des réserves équivalentes aux ressources en exploitation. Beaucoup de ces réserves sont situées en Alberta, du pétrole virtuel qui devra être exploité. Si le Canada adoptait des politiques contraires à l’industrie en arrêtant l’exploitation toutes les grandes compagnies pétrolières mondiales auraient de sérieux problèmes avec leurs actionnaires et verraient leur valeur chuter. Il est encore temps d’arrêter le projet mais ce sera de plus en plus difficile au fur et à mesure des montants colossaux investis.

Pendant toutes les années du gouvernement conservateur le gouvernement canadien a largement favorisé l’industrie. Justin Trudeau qui incarne le changement et les soucis de la prochaine génération avait l’occasion de prendre une décision courageuse mais il semble plutôt tergiverser et ne pas vouloir affronter le Marché ni l’électorat albertain. Le 29 novembre 2016 il a donné son accord à 2 des 3 projets d’oléoduc proposés ce qui signifie que tout va bien pour l’industrie, elle fait tranquillement son chemin.

Nous pouvons malgré tout freiner et peut-être enrayer la machine en demandant que les financiers responsables de l’avenir leur retirent leur soutien, que les gouvernements surtaxent leurs produits, en empêchant les oléoducs de déboucher sur les marchés et surtout en changeant nos modes de consommation.

Cet article a été rédigé d’après Wikipedia: Sables bitumineux de l’Athabaska  et le livre Tout peut changer de Naomi Klein

 

 

Carte du Québec

1 réflexion au sujet de “Les sables bitumineux d’Athabaska”

  1. Je ne réussis pas à être optimiste face à ce genre de problématique. Tous les gouvernements de tous les pays confrontés au même choix (économie/environnement) ont pris la décision d’aller jusqu’au bout avec l’économie, conscients du suicide collectif vers lequel ils emmènent la société.
    Au Canada, la tergiversation de Trudeau est évidente et bien évoquée dans cette article ci-haut. Comme si nous n’étions pas convaincu de son manque de courage, il rachète un pipeline dont personne ne voulait. Santé Canada maintient (janvier 2019) son autorisation d’utilisation du glyphosate, pourtant reconnu par l’OMS comme étant «probablement cancérogène», euphémisme évident pour ne pas heurter de front le bulldozer des côtes boursières. Face à l’ogre insatiable qu’est l’économie capitaliste, le principe de précaution devient une barrière de roseau devant un tsunami.
    Et le gouvernement du Québec n’est pas en reste quant à minimiser les changements climatiques. Legault a refusé d’aller à la COP24 en Pologne fin 2018, il rechigne à signer la DUC, il refuse de confirmer qu’il maintient l’objectif de réduction des gas à effet de serre de 2020, il refuse de poser la candidature du Québec pour accueillir le sommet de l’ONU sur le climat de 2020, la COP26. Il parle du «pétrole sale albertain» mais accepte le chèque de péréquation en bonne partie financé par l’Alberta, par ce même «pétrole sale».

    Environnement Jeunesse (regroupement de jeunes québécois) a demandé l’autorisation à la cour suprême du Québec de poursuivre le Gouvernement du Canada pour son laxisme (voire complaisance) face aux changements climatiques. Le Canada se targue de son sénat composé de 105 personnes censées représenter la sagesse du pays. Cette sagesse ne serait-elle pas plutôt l’apanage de cette jeunesse qui semble voir plus clair que les générations au pouvoir?La cour suprême du Québec aura t-elle ce courage qui fait si cruellement défaut à nos élus?
    J’oubliais, le Sri Lanka a interdit le glyphosate…

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