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Huguette Gaulin, poète écologiste

Huguette Gaulin, désireuse d’alerter la conscience sociale à propos de l’écologie qui la préoccupe fortement s’immole à l’âge de 28 ans le 4 juin 1972 sur la Place Jacques Cartier de Montréal. Ses dernières paroles furent ce cri déchirant: vous avez détruit la beauté du monde (Wikipedia).

Huguette Gaulin

Hymne à la beauté du monde

Luc Plamondon a écrit la chanson Hymne à la beauté du monde pour qu’on se souvienne de Huguette Gaulin et de son message. Poète, mère d’un petit garçon de 5 ans, les raisons de son immolation publique étaient sans doute multiples, malheureusement son geste n’aura rien changé au cours de l’Histoire.

La Presse 7 juin 1972
La Presse 7 juin 1972

En 1972 j’étais encore un adolescent mais c’était déjà une banalité: il fallait se dépêcher d’aller visiter le monde avant que ce ne soit trop tard et que tout soit défiguré. 50 ans plus tard il ne reste plus beaucoup de nature naturelle, c’est un luxe réservé aux très riches.

Des façons indécentes de mourir

Huguete Gaulin

Peu avant son immolation Huguette Gaulin a écrit dans son carnet:

Je lutte parce qu’il y a des façons indécentes de mourir.

Est-ce qu’elle voulait signifier mourir dans le confort et l’indifférence?

En 1972, la poésie d’Huguette Gaulin ne fait pas que présager ou « promettre », ce texte n’est pas que précurseur, il est la poésie moderne: le risque, le rythme, le signifiant vorace.

Lecture en vélocipède

Mourir ainsi en traumatisant son fils de 5 ans est à mon avis une façon indécente de mourir, la poésie n’excuse pas tout. Mais vivre dans le confort et l’indifférence sans se soucier de l’avenir des enfants en général est encore plus indécent.

Le Devoir 15 juin 1972
Le Devoir 15 juin 1972

La fin de la conquête du monde

L’Humanité a toujours eu l’espoir d’un avenir meilleur même quand tout allait mal: il y aurait toujours de nouveaux territoires plus riches et plus hospitaliers à découvrir pour recommencer. Aujourd’hui ce n’est plus possible, tout a été découvert et exploité. Il faudrait changer fondamentalement la nature humaine pour accepter la décroissance, en expliquant aux enfants (et aux populations moins favorisées) qu’ils devront se contenter de beaucoup moins que nous.

La fin de l'espoir

En 1972 il y avait 3 milliards d’humains sur la terre dont quelques millions dans les pays industrialisés étaient des pollueurs. Aujourd’hui près de 8 milliards d’humains veulent profiter eux aussi du progrès et du confort. Tout le monde sait bien qu’il faudrait arrêter la pollution d’urgence mais c’est impossible.

La solution logique serait d’arrêter d’avoir des enfants puisque la Terre a des ressources limitées mais c’est une solution tellement intellectuelle et contre-nature que c’est utopique d’y croire.

L’autre solution: un gouvernement autoritaire mondial qui nous forcera à la décroissance malgré nous.

Mélancolie, Edvard Munch
Mélancolie, Edvard Munch

Les plans sur la comète

C’est finalement assez extraordinaire de constater qu’il y a encore des gens qui se passionnent pour une campagne électorale où on nous parle de tout sauf du vrai problème. À quoi bon planifier quoique ce soit quand tout le monde sait très bien qu’on fonce dans un mur à toute allure?

Il faut de l’espoir pour vivre. Si la violence explose de partout c’est parce que le désespoir rend fou. Et ce n’est qu’un début, la crise climatique va obliger des populations entières à déménager, mais où?

Des façons indécentes de vivre

C’est en 1972 que j’ai annoncé à ma famille que je partais vivre en communauté pour un retour à la terre. Contrairement à H. Gaulin je voulais vivre mais je crois qu’il y a des façons indécentes de vivre.

On m’avait clairement expliqué un jour que Surpopulation + Pollution = Catastrophe, c’était facile à comprendre. Ma famille m’a traité de rêveur bien sûr, ils se pensaient bien intelligents en faisant semblant de ne pas comprendre l’évidence. Aujourd’hui je crois qu’ils réalisent que non, la science ne trouvera pas de solution magique, c’est trop tard.

Je n’ai pas changé le cours de l’Histoire moi non plus mais je suis soulagé de ne pas avoir eu d’enfants pour devoir leur expliquer la situation et ce qui les attend.

Le cri, Edvard Munch
Le cri, Edvard Munch

Sur ce tableau d’Edvard Munch le ciel semble irréel. Les historiens d’art ont démontré que le peintre avait aussi illustré la lumière irréelle qui a inondé le ciel à suite de l’éruption du volcan Krakatoa en 1883: une nébulosité particulière due aux cendres en suspension dans l’atmosphère, qui dura plusieurs années (Wikipedia).

En 1972 il était peut-être encore temps de changer radicalement notre mode de vie.

Même si le geste d’Huguette Gaulin n’a servi à rien il nous rappelle que déjà en 1972 le problème de la pollution était une urgence existentielle pour ceux qui avaient un peu d’imagination et réfléchissaient. Quand on a fait semblant de ne rien voir pendant toute sa vie pour préserver son confort c’est évident qu’on doit se sentir un peu indécent au moment de mourir si on a une conscience et de l’amour pour ses enfants.

La crise climatique touche en premier ceux qui ne polluent pas. Nous vivons indécemment en sachant très bien que c’est immoral. Il y a de quoi avoir peur de la colère de ceux qui n’ont plus rien à perdre.

Le monde est fou (L. Plamondon)

Le monde est fou
On s’en va où?
On s’en va où?
On s’en va où?

J’ai mal aux pieds
Dans mes souliers
J’ai trop marché
Sur le ciment

Déshabill’-moi, libère-moi, emmène-moi
Déshabill’-moi, libère-moi, emmène-moi
Courir nue dans les champs

J’ai mal aux yeux
Je n’vois plus rien
L’soleil est loin
Donn’-moi la main

Emmène-moi au fond des bois ou n’importe où
J’ai l’impression d’être arrivée au bout de tout

Le monde est fou
On s’en va où?
On s’en va où?
On s’en va où?

J’ai mal au coeur
J’ai l’mal de terre
J’ai besoin d’eau
J’ai besoin d’air

Déshabill’-moi, libère-moi, emmène-moi
Déshabill’-moi, libère-moi, emmène-moi
Au milieu de la mer

J’ai mal à moi, j’ai mal à toi, j’ai mal à vous
J’ai mal à moi, j’ai mal à toi, j’ai mal à vous

Arrêtons-nous, arrêtons-nous!
Arrêtons-nous, arrêtons-nous!

Ne tuons pas la beauté du monde
Ne tuons pas la beauté du monde

Ne tuons pas la beauté du monde
Chaque fleur, chaque arbre que l’on tue
Revient nous tuer à son tour

Ne tuons pas la beauté du monde
Ne tuons pas le chant des oiseaux
Ne tuons pas le bleu du jour

Ne tuons pas la beauté du monde
Ne tuons pas la beauté du monde

Ne tuons pas la beauté du monde
La dernière chance de la terre
C’est maintenant qu’elle se joue

Ne tuons pas la beauté du monde
Faisons de la terre un grand jardin
Pour ceux qui viendront après nous
Après nous…

Texte de Luc Plamondon chanté par Renée Claude en 1973
Renée Claude et Luc Plamondon
Carte du Québec

4 réflexions au sujet de “Huguette Gaulin, poète écologiste”

  1. Merci pour cette histoire à la fois triste et révélatrice d’une conscience déjà bien présente, chez les écologistes. La chanson de Plamondon (l’une des plus belles du répertoire québécois) immortalise cet événement tragique mais aussi que le grand message que voulait transmettre la poète Huguette Gaulin.

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  2. je ne connaissais pas cet événement. Je ne connaissais pas Huguette Gaulin.
    Elle a tout vu, tout compris, bien avant nous. Quelle triste histoire.
    Je n’écouterai plus la beauté du monde de la même façon. Merci pour cette histoire.

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  3. Je ne connaissais pas cet événement relier au texte de Plamondon . J’ai toujours adoré cette chanson. J’ai vue Diane Dufrênes la chanter sur les plaines d’Abraham vendredi le 26 juillet 2024 , j’ai pleuré. Malgré que j’ai toujours compris le sens du texte extraordinaire de Plamondon, maintenant que je connais la vrai signification c’est encore plus fort de sens. Merci pour ce bout d’histoire.

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