L’abbé Frédéric-Alexandre Baillargé a été curé de Rawdon de 1893 à 1899. Avant il avait été professeur de philosophie, de théologie et d’économie politique au Collège de Joliette pendant 11 ans mais ses supérieurs l’avaient envoyé dans une cure de campagne à la suite d’une controverse publique avec le poète national du Québec de l’époque, Louis Fréchette.
L’abbé Baillargé avait été envoyé dans une cure de campagne parce qu’on parlait trop de lui dans les journaux, il s’était engagé dans une controverse à propos de l’éducation avec le poète Louis Fréchette. En 1893 celui-ci a publié un recueil des lettres adressées au curé Baillargé qu’il avait publiées dans le journal La Patrie.
La première lettre date du 7 avril 1893. Il semble que Louis Fréchette ait osé critiquer l’enseignement dispensé au Collège de Joliette. F.-A. Baillargé y était professeur et il a répliqué dans les journaux. Louis Fréchette y a trouvé le prétexte pour se déchaîner dans une critique de l’enseignement dispensé dans les collèges du Québec dirigés par les prêtres.
Le poète national n’avait pas peur de brasser un prêtre, il ne mâche pas ses mots:
Seulement, vous admettrez que, étant en présence d’un personnage comme vous, simultanément supérieur et directeur d’un collège classique et d’un séminaire, qui est sensé y enseigner la rhétorique et la théologie, qui rédige entre temps quatre journaux: L’Étudiant, le Couvent, la Famille et le Bon Combat, ce qui ne l’empêche pas de publier des livres sur la littérature, l’économie politique, les verbes irréguliers, la Sainte-Trinité, et l’influence des eaux salines sur les rognons et les intestins, vous admettrez, dis-je, que, si je ne dois pas le confondre avec un asile, je ne puis guère m’empêcher de le considérer un peu comme une institution.
C’est une attaque en règle du système d’éducation alors dirigé par les prêtres qui ne progressait pas en 1893 selon Louis Fréchette. Mais l’abbé Baillargé n’était pas le supérieur ni le directeur du collège, il n’était que professeur. Le poète n’est pas infaillible, ce qui alimentera la controverse dans les journaux.
C’est une polémique sur la qualité de l’éducation et du bon parler français comme il y en a eu beaucoup. Mais le poète national du Québec était un adversaire de taille et les responsables du Collège de Joliette ont préféré envoyer l’abbé Baillargé dans une cure de campagne pour se faire oublier.
Pour les conservateurs en général et pour les ultramontains en particulier, le prestige nouveau qui pare le poète en fait un adversaire plus redoutable encore, d’autant qu’il met ses talents d’écrivain au service du libéralisme radical en collaborant, depuis la fondation de ce journal en mai 1879, à la Patrie, propriété d’Honoré Beaugrand, franc-maçon notoire.
Dictionnaire biographique
En 1893 le poète national du Québec avait 54 ans, il était revenu au Québec après un court exil en France. S’attaquer à ce monument national était risqué pour l’abbé Baillargé.
Géographie de Rawdon en 1897
De sa cure de Rawdon l’abbé Baillargé a quand même continué à publier des brochures imprimées à Joliette. Sa Géographie locale, Rawdon et ses environs est une de ses nombreuses publications, typique de son style.
Géographie locale Rawdon et ses environs par F.-A. Baillargé
Le livre s’adresse à des enfants de 2ème année et c’est leur 1ère année de géographie, les notions sont basiques. C’est amusant à lire et on y trouve quelques informations.
Biographie de l’abbé Frédéric-Alexandre Baillargé
Réjean Olivier a fait un résumé de la vie de l’abbé Baillargé et de ses publications:
Dans cet article du Passe-Temps datant de 1904 le journaliste parlait déjà de soixante et quelques volumes et brochures publiés, en voici quelques exemples. On peut en trouver d’autres sur ce site.
Il avait même conçu un drapeau national pour le Québec:
Son soutien à Tom Nulty
En 1897 Tom Nulty a commis un meurtre épouvantable à Rawdon et la population voulait le lyncher: à mort le fratricide.
Le curé Baillargé avait déjà été réprimandé par ses supérieurs pour ses polémiques dans la presse. Pourtant quand tout le monde a voulu lyncher Tom Nulty sans procès il a pris sa défense. Il a trouvé des avocats et a essayé avec eux de plaider la folie. Quand Tom a été condamné à mort, le curé Baillargé a eu le courage d’écrire des lettres publiques dans les journaux et de faire appel à la clémence du Gouverneur pour un cas évident d’irresponsabilité. Sans succès et en se faisant une nouvelle fois blâmer par ses supérieurs.
L’affaire Tom Nulty a encore attiré l’attention médiatique sur le curé Baillargé. La Presse a publié son portrait accompagné de sa leçon de géographie locale ainsi que d’une dissertation éthique.
La Société d’Histoire de Joliette a dans ses collections une image de la foule des curieux qui voulaient voir la pendaison de leurs propres yeux:
Réjean Olivier nous apprend que les paroissiens de Verchères ont élevé une stèle à la mémoire de leur curé, l’abbé Baillargé. Il a dû y laisser un bon souvenir.
Un article de L’Action Populaire de 1964 fait un historique des activités culturelles au séminaire de Joliette. En parlant de L’Étudiant de 1885 l’article rappelle que l’abbé Baillargé avait une tendance prononcée pour la controverse et qu’il avait transformé cette revue étudiante en revue politique pour défendre le clergé attaqué par Louis Fréchette.
Le savant rédacteur de L’Étudiant prônait même l’abstinence:
« Restez sur votre appétit »