L’économie du partage c’est formidable mais ça va coûter cher aux contribuables. Moi j’avais un gîte touristique et quand AirBnB est arrivé j’ai dû fermer. Comme les chauffeurs de taxi j’étais un privilégié qui profitait du système mais heureusement une société bienfaitrice a changé la donne permettant au consommateur d’en avoir pour son argent. La réglementation c’est archaïque: pourquoi payer des impôts, prendre des permis, des assurances, inspecter les taxis et les gîtes touristiques?
L’économie du partage
Partager est une qualité innée et je ne peux pas imaginer une vie sans partage. Mais le partage est gratuit par définition, faire l’économie du partage est une notion contradictoire issue de la novlangue qui nous fait prendre les vessies pour des lanternes. Oui il y a beaucoup de partage et d’entraide qui se fait grâce aux nouvelles technologies mais il y aussi des compagnies commerciales gigantesques qui récupèrent chaque nouvelle idée de partage pour le seul profit de leurs actionnaires.
Dans le monde internet le vainqueur prend tout: il y avait des libraires, maintenant il y a Amazon; il y avait des gîtes touristiques, il y a AirBnB; il y avait des chauffeurs de taxi, il y a Uber… Mais attention ça ne fait que commencer!
Alors oui c’est normal, le gouvernement a autorisé Uber à détruire l’industrie du taxi, il faut bien que les contribuables paient la note de $250 millions. Grâce à Uber nous avons réussi à remettre les privilégiés possesseurs d’un permis de taxi à leur place, ils auraient dû s’adapter à la modernité.
Donc Uber engrange les profits qui sont aussitôt transférés aux Pays-Bas, paradis fiscal, et nous on paie pour réparer les pots cassés.
De quelques inconvénients de la déréglementation
Prenons l’exemple de AirBnB. Inspiré du site CouchSurfing il s’agissait au départ de permettre aux particuliers d’offrir une chambre inoccupée en location occasionnelle à faible coût pour offrir une alternative aux hôtels. Le constat aujourd’hui est que l’idéal de départ a disparu, les propriétaires qui font le chiffre d’affaire d’AirBnB sont des professionnels qui investissent en immobilier.
Toutes les grandes villes touristiques ont un problème avec AirBnB car de plus en plus d’appartements des centre-villes sont réservés aux touristes. Les prix des loyers augmentent et les résidents s’en vont, le centre-ville devient un ghetto touristique sans âme. Autrefois une ville pouvait établir un quota de résidences touristiques par quartier à ne pas dépasser, plus maintenant.
Mais il y a quelques autres inconvénients:
- Quand on embarque dans un taxi on a confiance que les freins fonctionnent, il a été inspecté.
- Le taxi a des assurances valides.
- Même si ce n’est pas parfait, le chauffeur sait conduire et son permis de taxi assure une éthique professionnelle.
- En cas de problème Uber vous dira qu’il n’est qu’une plateforme d’échange entre particuliers et qu’il n’est responsable de rien. Leurs chauffeurs sont des auto-entrepreneurs qui prennent toutes les responsabilités en cas de problème, c’est pratique!
Les systèmes de notation
Le système de notation par le consommateur du service reçu est présenté comme le nouveau pouvoir décentralisé qui fait émerger le meilleur pour notre bien.
Tom Slee dans « Tout ce qui est à toi est à moi » a étudié ces systèmes et montré leurs défauts. Chez Uber un chauffeur peut être mis dehors si sa note passe en-dessous de 4,7 sur 5. Le client qui est au courant de cette politique donne donc presque toujours une note de 5 et Uber peut dire que ses clients sont totalement satisfaits.
Mais si le chauffeur noir tombe sur un raciste il va falloir qu’il soit très, très gentil pour avoir son 5. Moi dans mon gîte touristique pour avoir un 5 il aurait fallu que je sois le plus conforme et prévisible possible, que j’offre un service complètement dépersonnalisé pour être sûr de ne déplaire à personne. Évaluer un gîte ça consiste à voir si il est sécuritaire, hygiénique, conforme aux normes, en règle avec ses voisins, pas juste à dire si l’hôte est gentil.
Un autre problème est que le premier avis vous conduit aux oubliettes ou au succès. Sur Netflix, Yelp, Tripadvisor et autres les premiers avis sont déterminants et tout le monde suit. Les mieux notés sont mis en avant par les algorithmes et progressent, les autres disparaissent dans la multitude. Encore une fois ce sont les mieux organisés et les plus professionnels qui en profitent, pas le petit commerce alternatif comme on nous le fait croire.
Le commerce de l’altruisme
Toutes ces plateformes d’échange ont commencé par de beaux idéaux altruistes et c’est ce qui donne cette image si trompeuse des monopoles émergents. Chaque nouvelle idée est récupérée et exploitée avec des capitaux gigantesques qui disqualifient automatiquement les petits joueurs. Uber peut s’installer dans une nouvelle ville en cassant les prix: il fonctionne à perte, porté par la bourse. Il commence par détruire l’industrie (réglementée pour des raisons culturelles et historiques) pour la réorganiser à SA manière.
Et travailler pour Uber c’est pas vraiment formidable. C’était censé apporter un revenu d’appoint permettant aux étudiants de payer l’essence de l’auto mais d’après les chauffeurs quelques uns vivent bien, les autres survivent; c’est plutôt un travail à plein temps proche de l’esclavage.
Un dédommagement pour les gîtes
Bien sûr il faut dédommager les chauffeurs de taxi mais pourquoi eux et pas moi. J’ai dû fermer mon gîte en 2012. Dès que AirBnB a commencé le chiffre d’affaire a chuté et les prévisions étaient désastreuses. Pendant 30 ans j’ai offert une chambre et un petit-déjeuner de qualité à des touristes, je payais des taxes, des assurances, des permis, de la publicité et mes tarifs étaient en conséquence. Soudain mon investissement de 30 ans de travail ne valait plus rien, comment vendre un commerce sur le déclin?
Le gouvernement a laissé en toute connaissance des gens louer leurs appartements illégalement sans payer de taxes, d’assurances, de permis. Il faut que le gouvernement assume les conséquences de ses actes et me dédommage ainsi que les libraires, les disquaires, les coiffeurs…
J’ai aussi écrit à Radio-Canada et au journal de Montréal.
Ce n’est que le début, tous les services vont être affectés: 1 monopole pour chaque service. Mais le monopole ne paie pas d’impôts au Canada, les petits commerces en payent, c’est le tissu de la société.
À lire: Ce qui est à toi est à moi (contre AirBnB, Uber et autres avatars de l' »économie de partage » par Tom Slee