Je les avais prévenus en 2017, les habitants de Charlevoix devraient d’urgence changer le nom de leur région car Pierre-François-Xavier de Charlevoix père de la Compagnie de Jésus était un raciste notoire dénoncé par l’écrivain haïtien Jean-Claude Charles dans son essai Le corps noir.
En faisant une rapide recherche sur internet j’ai réussi à en débusquer quelques autres: Nelligan, Baudelaire, Brel… À croire que tout le monde est raciste.
Dire qu’on n’est pas raciste c’est faux: on est tous racistes. Ou plutôt on est tous effrayés par l’étranger et la différence, c’est normal, simple instinct de survie. En vivant en société on comprend que la différence est enrichissante, on se soigne peu à peu. Mais penser qu’on changera les mentalités en censurant le vocabulaire c’est absurde, juste de l’hypocrisie. Il faudrait une révolution culturelle à la chinoise pour redresser les mentalités; sans garantie de succès.
Redéfinir la culture
Malheureusement beaucoup de nos grands poètes étaient racistes: Victor Hugo, Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud, Nelligan, etc. Le thème de la n….esse était un cliché des poètes à cette époque c’est évident. Est-ce que Nelligan avait réellement connu une n….sse blonde et qu’il écrivait ces mots pour la mépriser?
Du temps de Jacques Brel les noirs luttaient pour l’affirmation de leur n….itude. Dans sa chanson Voir un ami pleurer il écrit:
Bien sûr nos miroirs sont intègres Ni le courage d'être juif Ni l'élégance d'être n....
Est-ce qu’on ne pourra plus écouter cette chanson? Il continue pourtant en disant: Et tous ces hommes qui sont nos frères!
Redéfinir la culture ça devient vite compliqué: on ne peut pas effacer le passé en faisant semblant qu’il n’a jamais existé. Pour une thérapie efficace il vaut mieux affronter le problème que le nier.
L’étranger
La chanson de Pauline Julien est universelle:
Quand j'étais petite fille Dans une petite ville Il y avait la famille, les amis, les voisins Ceux qui étaient comme nous Puis il y avait les autres Les étrangers, l'étranger C'était l'Italien, le Polonais L'homme de la ville d'à côté Les pauvres, les quêteux, les moins bien habillés
On est toujours l’étranger de quelqu’un
Le racisme est une réalité de la nature humaine qui ne peut pas disparaître magiquement en changeant le vocabulaire. C’est pour ça que le Système Politique doit reconnaître qu’il existe et faire tout son possible pour l’atténuer et peut-être un jour changer les mentalités.
Dire à un amérindien ou à une femme haïtienne que le racisme systémique n’existe pas c’est comme rire d’eux. On pourra bien s’obstiner sur le vocabulaire mais ça ne réglera pas les problèmes.
Ce serait bien plus facile si il suffisait de changer les mots.
La lecture de Danny Laferrière est une bonne thérapie pour comprendre le racisme. Pour son admission à l’Académie Française il a écrit et dessiné un ouvrage qui a dû déstabiliser bien des académiciens: Autoportrait de Paris avec chat.

L. Senghor dans son recueil Hosties noires
Banania Ya Bon Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur ; Mais je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France
Effectivement, la chanson de Brel risque t-elle d’être à l’index parce qu’elle utilise le mot « Nègre », alors que toute la puissance et tout l’amour que cette chanson exprime prend sa force et sa signification dans l’expression non censurée des mots.
«Ya Bon Banania»: Toute mon enfance a été marquée par ce chocolat au lait que nous aimions tant. Jamais il ne me serait venu à l’idée que l’image ou les mots sur la boite sur la boite comportassent une intention raciste, méprisante. Au contraire, cette figure était le symbole de moment de réjouissance d’une famille modeste, sans arrière pensée. Devrais-je m’empêcher d’utiliser ces mots pour décrire ce qu’ils m’évoquent, parce que maintenant perçus négativement, à juste titre j’en conviens?
Comment évoquer et illustrer l’histoire des autochtones du Canada autrefois appelés très péjorativement «sauvages» et dont ce passé peu glorieux se retrouve dans maint écris officiels
( p.ex: http://publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/bp175-f.htm ) sans mentionner le mot qui dérange?
Il est fondamental de regarder l’intention derrière les mots sinon nous en serons réduits à utiliser un langage javellisé expurgé de ces mots qui façonnent la force du langage et font du français une langue forte particulièrement explicite. Comment vider un discours de son sens…
Un étudiant de l’Université d’Ottawa a dit que la professeur a utilisé «un mot raciste» que, selon certaines personnes, les blancs n’avaient pas le droit d’utiliser «ce mot ne pouvait pas être utilisé par une personne à la peau blanche». https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1741520/plainte-mot-en-n-universite-ottawa-suspension-professeure
En fait, le sens « raciste » du mot, quel qu’il soit, est dans la perception de l’étudiante et surement pas dans l’intention de la professeure, bien au contraire. Et il serait de mauvaise foi de ne pas l’admettre… Et que pouvons-nous faire contre les perceptions et la pensée subjective sinon les convier à débattre. Encore eût-il fallu qu’elles acceptassent.
Et notre meilleure amie (presque de la famille) est noire, j’espère que nous sommes ses meilleurs amis blancs…