Catégorie: Histoire de Lanaudière
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Edward et Charles Edward Scallon marchands de bois

Edward Scallon a été le principal marchand de bois sur le bassin de la rivière L’Assomption pendant 20 ans jusqu’à sa mort en 1864. En 1858 Charles-Edward Scallon est arrivé au village d’Industrie, il était aussi commerçant de bois et il a aussi rédigé des centaines de contrats notariés. Je n’ai d’abord pas remarqué que c’était un autre, puis je me suis demandé quel était leur lien de parenté. C’est dans le testament d’Edward que j’ai trouvé la réponse, ils étaient cousins.

Edward Scallon

Le premier contrat notarié mentionnant E. Scallon que j’ai trouvé date de 1839, B. Joliette et P.-C. Loedel avaient engagé un procureur à Québec pour les représenter, le contrat le nomme Edouard Scallen.

Edward Scallon est arrivé au village d’Industrie vers 1839 et en 1845 il est devenu associé dans la compagnie Joliette, Loedel, Scallon qui exploitait le bois sur la rivière L’Assomption. Après la mort de Barthélémy Joliette en 1850 il a pris sa place et est devenu le principal marchand de bois de la région. En 1853 il a fait construire un moulin à scie et à farine près de la maison Antoine Lacombe en amont de Joliette sur la rivière L’Assomption et avec Bernard Henri Leprohon, Gaspard DeLanaudière et la veuve Joliette ils avaient formé la société de commerce de bois Scallon, Leprohon & DeLanaudière.

Le 4 décembre 1857 G. DeLanaudière, B.-H. Leprohon, la veuve Joliette et E. Scallon ont mis fin à leur association et les propriétés de leur compagnie de commerce de bois ont été mis en vente à l’encan au marché de L’Industrie. Edward Scallon a racheté les 120 miles de limites de bois sur la rivière L’Assomption et la ferme d’en-haut pour ravitailler les chantiers. Un avis avait été publié dans le Montreal Herald:

Montreal herald and daily commercial gazette, 11 novembre 1857
11 novembre 1857

La ferme est dessinée sur un plan de Cathcart de 1857: Mr. Scallon’s clearance. Elle était située au nord du canton Cathcart au bord de la rivière L’Assomption (au nord de St-Côme vers la ZEC Lavigne aujourd’hui).

Les limites de bois ont été vendues en 1858 à des américains du Maine, L. Flout, A. B. Hallowell, Bergeman et D. Peck, associés dans la compagnie Flout, Hallowell & Co. qui avaient construit un moulin à scie à Repentigny dirigé par Theophilus Cushing.

Montreal Herald 21 juillet 1858
Montreal Herald 21 juillet 1858

Charles Edward Scallon marchand de bois

Le 2 décembre 1858 Charles E. Scallon a conclu un achat de 800 billots de pin sur la rivière David dans le comté de Joliette pour Messieurs T. Cushing et Cie, c’est la première mention du nom de ce deuxième membre de la famille Scallon dans les archives notariées que j’ai consultées.

Du 5 octobre 1859 jusqu’à la fin décembre Charles Edward Scallon a signé plus d’une centaine d’engagements pour les chantiers de bois de la rivière L’Assomption en tant qu’agent de T. Cushing. Le salaire des engagés était de 10 piastres par mois et il pouvait être réduit si ils ne respectaient pas les règlements stipulés dans le contrat. Il avait fait construire un boom pour arrêter les billots à Ste-Béatrix et il a dû conclure un marché avec ses voisins. Il a aussi conclu des marchés avec des entrepreneurs pour couper et charroyer des billots dans le comté de Joliette, un autre sur les rivières Noire et David, un sur la rivière de Boule dans le 10ème rang de Cathcart et un sur le 5ème rang de Cathcart. Il a finalement engagé Joseph Peltier de L’Industrie comme boulanger pour livrer le pain dans ses chantiers pendant l’hiver.

Le 21 août 1860 Charles Edward a conclu un marché avec Joseph Boucher dit Desroches menuisier pour la construction de sa maison face à la rue St-Viateur près de l’église.

Il a encore conclu des marchés pour les chantiers de bois en 1860 mais il n’est plus fait mention de T. Cushing et il n’a pas engagé d’hommes. Le 1er décembre 1860 Charles Edward Scallon a conclu un marché avec François Lefebre et Régiste Bourret cultivateurs de Ste-Elisabeth pour couper, charroyer et mettre sur la glace de la rivière L’Asomption dans le 11ème rang de Cathcart 1.000 billots de pin. Le 3 il en a conclu un autre avec Jean-Baptiste Duperrault de St-Gabriel pour 5.000 billots sur la rivière de Boule, le 12 avec Jean-Baptiste Peltier de Ste-Mélanie pour 400 billots sur la rivière L’Assomption et avec Féréol Majeau, charpentier et conducteur de chantier de L’Industrie, pour 400 billots, le 13 avec André Rivet, aubergiste de L’Industrie, pour 400 autres billots sur la rivière de Boule. Le 8 il a aussi acheté de James Canon de Rawdon 30.000 douves à tonnes de chêne (pour fabriquer les tonneaux) à livrer à la gare du village d’Industrie.

En 1861 le recensement du sous-district de Joliette comprenait le nord du comté de Joliette où se trouvaient les chantiers de bois. Il y avait 174 hommes et 17 femmes et seulement 3 agriculteurs, tous les autres travaillaient dans les chantiers de bois. Charles E. Scallon y a été recensé et il semble être le patron.

Il est ensuite de moins en moins présent dans les archives. En 1862 je n’ai trouvé qu’un contrat le 27 mai où Charles E. Scallon a conclu un accord avec Firmin Cornellier de Ste Mélanie en tant que représentant de la Ottawa Lumber Co. Un billot estampillé T. C. (T. Cushing) aurait été illégalement scié au moulin de William Berczy exploité par Ovide Pelletier. F. Cornellier avait affirmé que c’était un billot à la dérive mais il a dû payer $20.

Le moulin d’Edward Scallon à Kildare

La Minerve 13 février 1855
La Minerve 13 février 1855

Les moulins à farine du Village d’Entreprise ont été construits avec le plus grand soin et sont tout à fait supérieurs dans leur genre. Il suffit pour s’en convaincre de savoir que le moulin à blé peut moudre 960 minots en 24h et le moulin à avoine 300 minots, n’offrant pas ainsi l’inconvénient de ces lenteurs et de ces retards que le cultivateur éprouve trop souvent dans les établissements semblables.

La Minerve 20 février 1855

À partir de 1858 E. Scalon a commencé à se retirer des affaires. Le 19 juin 1860 il a vendu à Prosper Lavoie, meunier de Sorel, un terrain bâti d’un moulin à farine, un moulin à scie, un hangar, une maison et autres dépendances pour 2.000 livres. Le plan du moulin est dessiné à la fin du contrat; il était situé à côté du pont construit par Scallon (vers la passerelle des Clercs aujourd’hui)

Le 5 mars 1861 Edward Scallon a vendu à Charles Chaput le reste du 13ème lot du 2ème rang de Kildare moins une portion déjà vendue à Charles Edward Scallon et une autre à Benjamin Peck, deux commerçants de bois. Les moulins restaient la propriété de Prosper Lavoie et E. Scallon conservait un lopin de terre en aval du pont. Un plan accompagne le contrat, il est en 2 parties que j’ai recollées.

Le 25 octobre 1862 Charles Edward Scallon a revendu à Charles Chaput son emplacement près du moulin qui devait servir à entreposer ses billots.

Le testament d’Edward Scallon

Le 13 août 1862 Edward Scallon a rédigé son testament. Les notaires le prénommaient souvent Edouard mais à la fin de sa vie il est plutôt nommé Edward, il pouvait insister pour qu’on écrive son nom correctement.

Il a soigneusement établi sa succession, sa veuve aurait l’usufruit des terrains et bâtisses, elle devait recevoir une rente ainsi que sa fille adoptive Hermine et Sara Cornellier, sans doute sa servante. Le capital de 21.639 piastres plus 1.000 louis servant à payer ces rentes a été légué à la Corporation Épiscopale Catholique Romaine de Montréal qui devait l’administrer sagement; les intérêts cumulés devaient servir à la construction d’une Maison d’Industrie pour l’avantage des pauvres.

Il léguait à Joseph Brouillet son fidèle commis ce qui lui restait des droits et privilèges qu’il avait obtenu du Gouvernement pour couper du bois sur les terrains de la Couronne. Il n’avait donc pas tout vendu. Le reste de ses biens était légué à Clauthilde Scallon sa soeur consanguine, à Charles Edward Scallon son cousin et à Joseph Brouillet, ses légataires universels. Ses exécuteurs testamentaires devaient être Mgr. Ignace Bourget, son cousin Charles Edward et Joseph Brouillet.

Codicille à son testament

Le 13 juin 1863 Edward Scallon est retourné chez le notaire pour déshériter son cousin Charles Edward avant de mourrir en mars 1864.

Le 28 avril 1864 C. E. Scallon a conclu un marché de billots de bois avec James Payton de Rawdon. Charles Edouard Scallon ci-devant marchand et actuellement geôlier de la Prison du district de Joliette, résidant en la ville de Joliette. La ville de Joliette venait d’être fondée.

Le décès d’Edward Scallon

Il était convenable que M. Scallon mourût comme il avait vécu, dans les bois, dans les neiges, au milieu de ses hommes de chantier sur lesquels il exerçait un si vaste ascendant. Il y mourut en effet au mois de mars 1864.

Dans la semaine du 15 mars nous apprîmes, me dit mon obligeant bailleur de notes, que M. E. Scallon était mort dans son chantier. Grande et profonde sensation à L’Industrie! On nous annonça bientôt que le corps du défunt arriverait à Joliette le mercredi après-midi, vers 4 heures. À l’heure précise, toute L’Industrie était échelonnée le long de la rus Saint-Charles-Borromée, y compris les élèves du collège…

Le Messager de Joliette parle de l’encan du regretté défunt, l’un des plus considérables faits à Joliette et qui eût lieu le 29 août suivant. L’énumération seule de tout le mobilier nous donne une idée de la richesse et du confortable qui régnait en cette maison spacieuse si longtemps connue à l’angle des rues St-Charles-Borromée et de Lanaudière. Il s’y est vendu une énorme quantité de chevaux, de voitures, de boeufs et, en plus, 36 quarts de lard…

M. Scallon eut un frère, Charles, qui vint le rejoindre à Joliette. Il demeurait en face de l’église. Ses deux fils, Joseph-Édouard et William firent leurs études au collège de Joliette.

A.-C. Dugas – Gerbes de souvenirs, tome 3

Ce n’était pas son frère comme nous avons vu, les livres d’histoire ne sont pas toujours exacts.

Le 24 février 1865 Charles Edward Scallon a déposé une procuration que lui avait donnée Clotilde Scallon, épouse de Pierre Pelissier forgeron de Wakefield et soeur d’Edward Scallon, pour revendiquer sa part de la succession.

J’ai arrêté ma documentation en 1865 pour le moment, elle me permet de compléter un article plus ambitieux récapitulant l’histoire du commerce du bois au village d’Industrie et à Joliette:

Historique des moulins de Joliette

L'École Industrielle
Joliette Illustré 1893

L’École Industrielle de Joliette a été construite en 1884 à l’aide de la somme léguée par Edward Scallon.

Edouard Desmarais, 16 ans, chercheur d’or

Edward Scallon était un marchand de bois qui a su bien mener ses affaires en étant pragmatique, il pouvait aussi se laisser aller à rêver. En 1852 il a signé ce curieux contrat de société avec Edouard Desmarais, commis marchand au village d’Industrie, 16 ans, pour aller chercher de l’or en Australie. En 1848 la découverte des gisements d’or en Californie avait donné la fièvre à l’Amérique, Edward Scallon a aussi été atteint: Acte de Société entre E. Scallon et E. Desmarais.

Furent présents:

Edouard Scallon, écuyer marchand de la paroisse St-Charles-Borromée; d’autre part le Sieur Edouard Desmarais, commis marchand, mineur âgé de seize ans, du même lieu;

d’autre part, lesquels voulant former une société entre eux se sont volontairement associés par les présentes pour le terme et espace de quatre années finies et révolues à compter d’aujourd’hui, dans le commerce qu’ils ont l’intention de faire et ci après mentionné, ont exposé et arrêté ce qui suit;

le dit sieur Scallon voulant seconder les vues et intentions du dit Sr. Desmarais, qui désire se rendre aux Mines d’or de l’Australie ou de la Nouvelle-Hollande, île qui se trouve dans le grand Océan Austral et dans l’Océanie une des cinq parties du monde, pour là faire commerce, soit aux Mines ou de toutes autres manières qu’il, le dit Desmarais, le jugera avantageux sans toutefois avoir en aucune façon quelconque pouvoir d’engager le crédit du Sr. Scallon, car la présente société n’est contracté par ce dernier qu’à la condition seulement, tel que ci après stipulé de partager avec le dit Sr. Desmarais les profits et bénéfices qu’il pourra faire dans le commerce qu’il croira avantageux de faire sans qu’il, le dit Sr. Scallon, soit obligé de contribuer dans les pertes que le dit sieur Desmarais pourra essuyer,

le dit Sieur Scallon a présentement en vue et présence des notaires soussignés déposé entre les mains du dit Sr. Desmarais la somme de cinquante livres cours actuel de cette province pour sa part dans la dite société ainsi que le dit Sr. Desmarais le reconnaît et déclare en être content.

Et s’oblige le dit sieur Desmarais envers le dit sieur Scallon vu sa générosité et sa libéralité, de partager de moitié les bénéfices et profits qu’il fera dans le genre de commerce qu’il exercera durant les dites quatre années, et ce jusqu’à concurrence seulement de la somme de six cents livres et s’il arrivait que les profits excéderaient la dite somme de six cents livres, il, le dit Sr. Desmarais, ne sera tenu donner au dit sieur Scallon que la moitié de la dite somme en dernier lieu précité, comme aussi il sera tenu de partager à l’expiration des dites quatre années par moitié les profits qu’il aurait fait et ce à n’importe quel montant ils pourraient s’élever quand bien même il ne s’élève pas à la susdite somme de six cents livres.

Et à l’expiration des dites quatre années s’il arrivait que le dit Sr. Desmarais n’aurait rien fait ni rien épargné par son travail et son économie, alors le dit Sieur Scallon consent par avance à ne rien réclamer au dit Sr. Desmarais, et même de le décharger des cinquante livres qu’il lui a déposé ce jour entre les mains; pourvu toutefois qu’il n’y ait nullement de sa faute soit par paresse, débauche ou mauvaise conduite, car dans ce cas le dit Sr. Scallon pourra exiger du dit Sr. Desmarais, et même dans le doute seulement qu’il en serait, toutes les informations nécessaires, exiger des certificats et même de le mettre sous serment, sans néanmoins préjudicier aucuns autres moyens légaux que le dit Sr. Scallon pourrait adopter pour se faire rendre compte de la dite société, et ce à quoi le dit Sr. Desmarais s’oblige par avance, le tout se sera fait (?) pour connaître la vérité et savoir que la mauvaise chance du dit Sr. Desmarais n’est due qu’à un fatal hasard ou à des revers de fortune qu’il n’a pas pu prévoir…

Édouard Desmarais a pu signer le contrat notarié avec une belle écriture, il était commis marchand et on peut supposer que le principal marchand de bois de la région, Edward Scallon, l’avait remarqué; c’était peut-être un de ses employés. Cinquante livres de l’époque, c’était une grosse somme et il fallait que Scallon ait confiance en ce jeune de 16 ans pour la lui remettre. Malgré toutes les précautions du contrat notarié ça ne devait pas être simple de courir après son argent jusqu’en Nouvelle-Hollande en 1852.

Histoire de Joliette en 2023

Edward Scallon a été le principal marchand de bois de la région à partir de 1845 jusqu’à sa mort en 1864, c’est lui qui contrôlait l’économie du village d’Industrie. Pour commémorer son bicentenaire la Ville de Joliette a publié un livre où on nous raconte qu’il a eu une distillerie pendant un an ou deux.

Village d’Industrie 1823-2023 (Ville de Joliette)

Un peu plus loin dans le chapitre consacré à l’industrie de la scierie on nous dit qu’il se serait associé à Barthélémy Joliette et Peter-Charles Loedel en 1837 pour construire le moulin Pelletier. Pourtant il semble être arrivé au village vers 1839 et ce n’est qu’en 1845 qu’il est devenu associé avec les patrons. Et dans les contrats notariés ce moulin est toujours nommé moulin Peltier dirigé par Louis Peltier.

La Ville de Joliette a aussi publié un guide toponymique pour son bicentenaire. Les responsables de la maison Antoine Lacombe m’ont confirmé qu’il n’y a jamais habité mais le plus surprenant est l’invention du moulin à lin. L’auteur voulait dire un moulin à carder et fouler la laine et devait penser que le lin est le masculin de la laine: UN moulin à LIN!

Au dos du nouveau livre on trouve l’explication de la devise de Joliette: Industria ditat signifie l’industrie enrichie. Mais c’est faux ça signifie l’industrie enrichit.

Je ne suis pas le seul à me moquer des livres sur l’histoire de Joliette, le site Histoire du Québec l’a fait avant moi:

L’erreur date des années 1970 et elle se répète toujours en 2023!

Carte du Québec

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