Catégorie: Histoire de Lanaudière
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Les premiers bûcherons de la forêt Ouareau

Aujourd’hui la forêt Ouareau est un territoire à peu près protégé. Au commencement de la colonisation de Rawdon puis de Chertsey c’était la réserve de bois à couper pour les industriels de la région. Les bûcherons faisaient flotter le bois pour le faire descendre sur la rivière Ouareau jusqu’à leurs moulins à scie de Rawdon et St-Liguori.

Rivière Ouareau 1843

La coupe du bois a dû commencer vers 1820 en remontant le cours de la rivière Ouareau. La carte la plus ancienne que j’ai trouvée date de 1843 et montre le chemin de chantier qui montait jusqu’au nord du Parc de la forêt Ouareau et de la route 347. Il menait aux chantiers d’exploitation du bois des entrepreneurs de Rawdon. Les moulins à scie de Dugas et Dorwin, l’associé de Peter McGill, étaient plus bas à Rawdon et St-Liguori. En 1852 ils ont même construit un train pour exploiter leur bois.

Lire: Industry Village and Rawdon Railway

Sur cette carte on remarque le lac Brûlé et le Grand Brûlé qui remonte tout le long de la rive est de la rivière. Il semble que tout ce grand territoire avait brûlé avant 1843, sans doute à cause du bûchage et du défrichage. À la hauteur de Notre-Dame-de-la-Merci (qui n’existait pas encore), au nord de la route 347, le lac Blanc s’appelait Leblanc et on y trouvait les chantiers de Dorwin, Dugas et Beauchamp.

Les chantiers d'en-haut

J.-H. Dorwin avait ses moulins dans le village de Rawdon et à St-Liguori, il était très présent tout le long de la rivière. Sur une carte de Chertsey de 1849 on voit qu’il avait déjà donné son nom à un lac; le site d’un moulin est dessiné sur la rivière qui descend du lac vers la Ouareau mais je n’ai rien trouvé à son sujet lors de mes recherches sur les moulins de Chertsey.

Le 3 novembre 1841 J.-H. Dorwin marchand de la cité de Montréal a conclu un marché avec Charles Lamarche de la paroisse de L’Assomption pour qu’il lui coupe 2.000 billots de pin de 12 pieds et 4 pouces de long et 22 pouces de diamètre à couper au lac Brûlé et à livrer à la quatrième chute de la rivière Ouareau; Lamarche devait aussi faire le plus de plançons qu’il pouvait de 12 pieds et 4 pouces pour un diamètre de 18 pouces.

Sur la carte de 1843 voici le détail du début du chemin de Dorwin à la limite de Rawdon et Chertsey. Il passait par Grattans clearance, puis un chantier que je ne peux pas défricher puis le premier chantier de Dugas à la décharge du lac Brûlé.

Le chemin de Dorwin

Canton de Chilton 1854-1866

Francis Quinn, arpenteur de Rawdon, a fait plusieurs explorations pour cadastrer le canton de Chilton entre 1854 et 1866. Le parc de la Forêt Ouareau est aujourd’hui dans ce canton. On peut consulter ses cartes et ses carnets d’arpentage à la BANQ pour y trouver des informations précises. Cette carte qu’il a dessinée en 1854 montre déjà beaucoup d’installations, chantiers et barrages, sur le haut de la rivière Ouareau à cette époque.

En 1858 Quinn avait dû arrêter son travail à la fin de décembre à cause du mauvais temps et il avait caché ses provisions pour les retrouver au printemps. Mais quand il est revenu en mai les indiens avaient tout volé:

En 1866 le chemin de Dorwin existait toujours mais il était presque impraticable. Il fallait 2 jours pour aller de Rawdon aux chantiers du lac Leblanc (White).

Chemin de chantier Dorwin
F. Quinn – 1866

Une autre carte dessinée par Francis Quinn en 1865 montre que le secteur du lac Leblanc au-dessus de la rivière Dufresne était toujours très actif. Dorwin avait encore plusieurs installations mais un nouvel entrepreneur nommé Parker avait pris la place de Dugas et Beauchamp, semble-t-il. Il avait construit 2 barrages, plusieurs chantiers et installé son magasin de provisions sur l’île du lac Parkinson. Il y avait aussi 3 campements indiens dans ce secteur.

Les amérindiens étaient donc encore bien présents sur la rivière Ouareau en 1865. Ils ne parcouraient sans doute pas le Sentier des Contreforts, ils préféraient naviguer sur les rivières.

La Coalition Mont-Kaaikop fait pression auprès du gouvernement pour préserver un grand territoire dont la Forêt Ouareau. C’est un territoire qui a déjà été parcouru et exploité pour son bois mais c’est aussi un des territoires proches de Montréal encore presque inhabité. Les amérindiens y ont toujours été présents, on les retrouve dans la documentation à Rawdon, à Chertsey sur la rivière Jean-Venne et maintenant au lac Leblanc.

Le massif du mont Kaaikop, des terres publiques environnantes et un corridor de biodiversité reliant Mont-Tremblant à la Forêt Ouareau, par le mont Kaaikop et le territoire mohawk de Tioweroton.

D. Parkinson écrit sur l’histoire des débuts de Rawdon; j’ai trouvé dans un des carnets d’arpentage qu’un membre de sa famille s’est noyé dans le lac Parkinson, lui laissant son nom (et peut-être celui du lac George):

Il m’a envoyé ces précisions:

George Parkinson was born November 15, 1842 at Rawdon. Family recollection is that he was carrying axes across a lake when the ice broke and he drowned, on November 14, 1865. He was not married. The day Quinn surveyed 15 December 1865 and George Parkinson was drowned 31 days previously.

F. Quinn précise dans son carnet que la Hunterstown Lumbering Company en menait large pour la coupe du bois dans le secteur.

Les incendies de forêt étaient fréquents et M. Parker avait construit son magasin sur une île du lac Parker par précaution.

Lac Parker
Lac Parker

J.-H. Dorwin a arrêté son commerce de bois vers 1860. Sur une carte de St-Donat de 1871 on voit que M. Parker était toujours actif sur la rivière Ouareau. Il avait fait construire 2 chaussées à l’entrée et à la sortie du Lac Archambault. Ce qui signifie qu’il exploitait aussi le bois en amont de St-Donat.

St-Donat - 1871 (détail)
St-Donat – 1871

En 1872 le chemin Provost-Masson et le chemin de Chertsey arrivaient à St-Donat et la construction du moulin Coutu à la décharge du lac Archambault avait commencé.

En 1856 Peter McGill et son associé J.-H. Dorwin avaient plus de 100 miles carrés de droits de coupe sur la rivière Lacouareau. Quand ils ont vendu leurs moulins en 1866 ils en avaient 177.

Rapport du Commissaire des Terres de la Couronne 1856
Rapport du Commissaire des Terres de la Couronne 1856

Un tableau publié en 1918 décrit les limites de bois affermées par la province de Québec et le nom de l’acquéreur primitif. Peter McGill s’était fait accorder tout le bassin de la rivière Ouareau avant 1856 mais son mode d’acquisition est Uncertain. En 1868 Otis Shepard et L’Assomption Lumber Co ont acquis à l’encan des droits eux aussi. Cushing Bros. a acquis 47 miles au lac Ouareau en 1865. En 1918 tout le territoire était affermé à la St-Maurice Paper Co Ld. Le commerce du bois s’était alors transformé pour l’exploitation de la pulpe pour le papier.

Sur la rivière L’Assomption Edward Scallon était le principal entrepreneur avant 1856.

Colons de Chertsey
Draveurs de Chertsey (col. M. Fournier)

Cette carte des cantons de Chilton et Cartier en 1870 montre le réseau de lacs et de rivières qui se trouvent entre les rivières Ouareau et L’Assomption. Au nord du lac Ouareau ou par la rivière Dufresne on pouvait aussi rejoindre les rivières à l’ouest.

Le canton de Chilton en 1938

Sur la carte du canton de Chilton en 1938 le chemin de chantier partant de Rawdon le long le la rivière Ouareau existe toujours. Il continue après le lac Blanc loin au nord jusque vers St-Donat. J’imagine que le bois a continué à être exploité jusqu’à ce que le gouvernement protège un peu le Parc de la Forêt Ouareau.

En 2022 le gouvernement peut certainement faire beaucoup mieux pour préserver la forêt qui repousse. En fait il n’a pas tellement le choix si il veut respecter ses engagements.

J’ai cherché des informations sur l’histoire de l’exploitation du bois dans le nord de Lanaudière. Je n’ai jamais trouvé aucune mention de la présence de Peter McGill ou de J.-H. Dorwin dans ce commerce. Voici le genre d’historique qu’on trouve:

Raoul Blanchard - Le centre du Canada français
Raoul Blanchard – Le centre du Canada français

Autrefois la rivière Ouareau s’appelait Lacouareau et le lac Ouareau de St-Donat Lac Lacouareau, c’est étrange. Sur une carte de 1815 Joseph Bouchette arpenteur du gouvernement avait dessiné un lac Ouareau à l’emplacement approximatif de St-Liguori.

Lac Ouareau 1815

Lire: L’exploitation industrielle du bois sur la rivière Ouareau

Crédit: la photo des bûcherons en-haut de l’article vient de la collection de Gérard Miron.

Carte du Québec

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