L’aqueduc de Montréal a été construit dans les années 1850, c’était devenu une nécessité dans une grande ville pour approvisionner les habitants en eau potable, nettoyer les rues et lutter contre les incendies fréquents et dévastateurs. À Joliette et dans les villages de campagne de Lanaudière c’est seulement dans les années 1870 que des aqueducs ont été construits, d’abord avec des tuyaux de bois faits de billots perforés puis en métal.
Claude Martel dans son Histoire de Joliette a documenté les procès-verbaux du conseil municipal pour raconter l’histoire de la construction de l’aqueduc de Joliette, les actes des notaires de Joliette permettent de compléter cet historique. Il s’agissait d’un projet complexe pour une administration municipale émergente.
Lorsque vient le temps de mettre en place cette infrastructure, le conseil de ville se tourne vers l’entreprise privée. C’est pourquoi, en janvier 1871, la ville cède le privilège de construire et d’exploiter l’aqueduc à Moïse Pelchat. Mais les conditions exigées par la ville semblent trop exigeantes pour un individu, et monsieur Pelchat se désiste de son privilège au profit d’une compagnie qu’il crée sous le nom de « Companie d’aqueduc de la ville de Joliette ». Mais il ne livre pas son aqueduc dans les délais impartis par l’administration municipale.
Claude Martel – Histoire de Joliette
La Gazette de Joliette 2 mars 1871
En 1871 les villes de Terrebonne, St-Henri de Mascouche et L’Épiphanie étaient approvisionnées de bonne eau au moyen d’aqueducs depuis plusieurs années, L’Assomption était en train de faire des travaux. La ville de Joliette était donc à la traîne mais la Gazette de Joliette annonçait en 1871 que Moïse Ritchot (et non pas Pelchat) riche commerçant de la ville de Joliette avait demandé et obtenu le privilège pour 10 ans de poser des tuyaux dans les rues.
Déjà tout le bois de sapin devant servir à la confection des tuyaux est coupé et rendu à Joliette sur la place du marché à foin où M. Ritchot croyons-nous, fera un grand réservoir. La perforation de ces pièces de bois se fait au moyen d’une longue tarière. Le diamètre des tuyaux perforés devra être de 3 pouces.
L’aqueduc de M. Ritchot aurait pris son eau à la Petite Noraie des sources de M. Picard.
L’octroi du privilège à Moïse Ritchot aurait provoqué une tempête dans la mer municipale, il semblait évident que la Ville aurait dû financer les travaux pour en retirer les profits futurs.
L’achat de privilèges d’eau en amont de Joliette
Je n’ai pas trouvé d’acte notarié concernant les aqueducs de Joliette et Lanaudière avant 1874; il semble donc que ces octrois de droits de construction entre 1871 et 1874 ne soient restés qu’à l’état de projets. En 1874 c’est James Payton un commerçant de bois très actif dans la région qui a conclu les premiers marchés notariés pour l’approvisionnement en eau de source de la ville de Joliette.
Le 5 mars 1874 James Payton commerçant de Montréal a acheté à Basile Beaudry cultivateur de St-Charles-Borromée le privilège exclusif de prendre de l’eau dans les sources de son terrain. Il n’avait pas le droit de détruire son puits mais pouvait creuser pour placer dans la terre des tuyaux en toutes directions vers des réservoirs pour 13 piastres et 50 cents. Le même jour Martin Bonin de St-Charles-Borromée dans le township de Kildare lui a vendu le privilège de prendre l’eau de son terrain pour le prix de la rente foncière du lot; Elie Desrochers lui aussi du township de Kildare a accordé le même privilège aux mêmes conditions.
Ces sources se trouvaient sur la rive droite de la rivière de l’Assomption; J. Payton a aussi acheté le privilège d’une source sur la rive gauche.
Le 20 mars Elie Magnan de Ste-Elisabeth lui a vendu conditionnellement le privilège de prendre l’eau dans un cours d’eau de la concession Ste-Emilie pour 35 piastres: y faire et placer tous et tels réservoirs et canaux et des dimensions qu’il jugera à propos pour y avoir de l’eau pour un aqueduc avec privilège de pouvoir creuser et placer dans la terre des tubes pour conduire l’eau des dits réservoirs en toute direction…
L’aqueduc d’Eugène Dupuis en 1874
Le dossier traîne, si bien qu’à l’été 1873, trois soumissions sont déposées pour la construction d’un aqueduc, dont deux sont conformes, celle de Jean-Jacques Provost à 21.500$ et celle de Charles Guilbault à 20.000$. Mais le maire demande d’ajourner le débat. En novembre, la Ville annonce qu’elle compte construire elle-même l’aqueduc. Le 15 avril suivant, on accorde la permission à Eugène Dupuis de construire l’aqueduc, mais trois mois plus tard, la ville lui retire ce droit puisqu’il ne l’a pas réalisé dans les délais prescrits ! Encore une fois, l’approche stricte ou légaliste de la Ville ne semble pas accorder la « flexibilité » nécessaire à ce genre de travaux. Rien ne se fait pendant les deux prochaines années !
C. Martel
Le 30 avril 1874 Gaspard de Lanaudière maire de la ville de Joliette et Bathélémy Vézina secrétaire-trésorier autorisés par une résolution du conseil municipal ont accordé à Eugène Dupuis bourgeois de la ville le privilège exclusif de construire à ses frais un aqueduc pour procurer l’eau nécessaire à l’usage domestique des habitants et autres besoins spécifiés pour 15 ans. Le privilégié fournira gratuitement à la Corporation de la Ville de Joliette toute l’eau pour l’extinction des incendies, devra finir les travaux dans 8 mois, posera les tuyaux à 4 pieds des trottoirs, prendra son eau en amont de la propriété des Clercs de St-Viateur, etc.
Selon la recherche de C. Martel le privilège accordé à Eugène Dupuis lui a été retiré au bout de 3 mois car il n’avait rien fait pour commencer les travaux.
Plusieurs municipalités de la région Lanaudière ont aussi commencé à construire des aqueducs vers cette date. Par exemple le 21 novembre 1874 Eugène Tellier, Joseph Cornellier, Prospère Ducharme, Néré Semper, Narcisse Michaud, Onésime Lavoie, Octave Lavoie, Norbert Sylvestre, Alfred Dubord et tous les autres cultivateurs de Ste-Mélanie ont formé une société pour construire un aqueduc dans leur village. Le 7 janvier 1875 ils ont confié le marché de sa construction sur le lot N°20 de la 2ème concession à Hyppolite Cornellier entrepreneur de Ste-Elisabeth pour $20 par arpent.
L’aqueduc de William Pope à St-Jacques
Dans l’histoire de St-Jacques publiée par François Lanoue on lit que le premier projet d’aqueduc à St-Jacques date de 1873 mais que ce n’est qu’en 1875 que sa réalisation a débuté. Et ce sont des marchands de bois qui l’ont réalisé, les premiers aqueducs étaient construits avec des billots de bois évidés qui coûtaient moins cher que le métal.
La première entreprise importante soumise au Conseil Municipal fut la construction d’un aqueduc. En décembre 1873, Pierre Blouin, N.P., Euclide Dugas, Georges et Isidore Beaudoin en conçoivent le plan. Deux semaines plus tard, Cléophas Dupuis s’offre à exécuter le projet et en détermine le parcours. L’aqueduc aura pour point de départ les premières montagnes de Rawdon, traversera le territoire de Sainte-Julienne et desservira le Haut-du-Ruisseau et le village de Saint-Jacques.
Ce plan de construction d’un aqueduc suscita de vives rivalités. Finalement, le Conseil décida d’accorder le contrat à l’entrepreneur qui offrirait les meilleures garanties. Le 5 janvier 1874, J.-E. Ecrément, Louis Piquette, Jos. Majeau, Euclide Dugas, Pierre Blouin forment la « Compagnie de l’aqueduc de Saint-Jacques », avec un capital de cinq mille dollars. Ce contrat leur assurerait l’exclusivité de l’exploitation pour une période de vingt ans, mais à condition que le service de l’eau commence dans les dix-huit mois.
L’entreprise s’annonçait bien, mais elle échoua; après quinze mois, les travaux n’étaient même pas commencés. Le contrat inexécuté fut accordé en vain à un autre compétiteur, James Payton, marchand de bois de Saint-Laurent. Cette même année, 1875, Saint-Jacques trouvait enfin l’homme qui réussirait à construire, à ses frais, notre système d’aqueduc. William Pope. Ce dernier en fera l’exploitation exclusive pendant 30 ans, de 1877 à 1907. Cette année-là, il vendra l’entreprise à William Lord, père. En 1917, celui-ci la laissait à ses deux fils, Alonzo et William qui la vendirent au Conseil municipal en 1956.
L’eau nous vient de quatre sources situées dans le 3e rang de Rawdon. Divisées en deux groupes, ces sources sont respectivement de 265 à 200 pieds au-dessus du niveau de l’église de Saint-Jacques. Le premier groupe fournit 155 gallons ½ impérial à la minute et l’autre 360.
St-Jacques – Une nouvelle Acadie
Les contrats notariés montrent que W. Pope et J. Payton ont formé uns société pour construire cet aqueduc. William J. Pope était un des associés de l’Assomption Lumber Company qui opérait un moulin à scie à vapeur à Charlemagne; James Payton était lui aussi très actif dans le commerce de bois principalement sur la rivière Lacouareau. Le 20 octobre 1875 ils ont formé une société et conclu un marché.
Le 20 octobre 1875 William J. Pope commerçant de bois de Charlemagne et James Payton commerçant de Montréal ont formé une société pour construire un aqueduc à St-Jacques. James Payton avait acquis les droits du conseil municipal le 24 mars et acheté les droits acquis par Thomas Hamilton avec ceux de la paroisse Ste-Julienne. L’aqueduc prendra sa source sur les lots 16 des 2ème et 3ème rangs de Rawdon appartenant à Thomas Hamilton et sera construit en tuyaux de bois de 7 pouces de diamètre à l’extérieur et 3 pouces à l’intérieur pour le canal principal et 4 pouces et 1½ pour les embranchements. Ils ont conclu le même jour un marché pour la construction de l’aqueduc que James Payton entreprendra au coût de 18 piastres par arpent; W. Pope s’engageait à fournir les billots pour les tuyaux et de fournir à J. Payton à son moulin de Montcalm les machines à perforer.
Sur Wikipedia on trouve un exemple de cette machine à perforer les tuyaux actionnée par une roue à eau avec des tuyaux de bois prêts à être posés.
Le 22 mai 1876 James Payton a vendu à William J. Pope sa part dans un aqueduc en construction à St-Jacques consistant en la moitié indivise de l’aqueduc pour 3.450 piastres, à la charge de M. Pope de payer seul le compte pour l’achat de tuyaux de fer chez John Robertson de Montréal. Le 23 septembre 1876 J. Payton a donné une quittance à W. Pope qui lui avait payé la balance de paiement de 3.000 piastres devenant seul propriétaire de l’aqueduc de St-Jacques.
L’aqueduc de St-Ambroise de Kildare
James Payton a alors acquis le droit pour la construction d’un aqueduc sur le rang double dans le township de Kildare.
Le 4 septembre 1876 le conseil municipal de la paroisse St-Ambroise de Kildare a résolu que la requête des propriétaires des 2ème et 3ème rangs de la paroisse de construire un aqueduc soit accordé à James Payton selon le règlement suivant…
Le règlement lui donnait le droit de faire des excavations sur le rang double, il était seul responsable de la construction et de l’entretien de l’aqueduc et il avait le droit d’exiger une compensation n’excédant pas 5 piastres pour la fourniture de l’eau sans pouvoir obliger personne.
Le 27 octobre James Payton a vendu à William J. Pope des privilèges d’eau achetés en 1874 à Élie Desrochers, Martin Bonin, Basile Beaudry et Bonaventure Brouillet dans Kildare, Felix Eno dit Deschamps et François Payette à St-Paul l’Ermite. Aussi des droits accordés par règlements des paroisses St-Alphonse de Liguori et St-Ambroise de Kildare pour y construire des aqueducs. Et encore des droits sur des sources et privilèges d’eau achetés à Brien et Chartier fermiers de St-Ambroise.
Toutes les municipalités avaient besoin d’aqueducs et projetaient d’en construire, il y avait donc une spéculation sur les ources d’eau potable et les privilèges accordés par ces municipalités.
Conventions pour des privilèges d’eau de Joliette
Selon les actes notariés plusieurs entrepreneurs concurrents ont alors essayé d’obtenir le privilège de construire l’aqueduc de Joliette.
Le 18 août 1876 Martin Bonin cultivateur de St-Charles-Borromée a signé une convention avec James Payton pour le privilège de prendre de l’eau dans les sources de son terrain pour construire un aqueduc pour conduire l’eau de ces sources à Joliette; Elie Desrocher de St-Charles-Borromée a signé la même convention ratifiant une vente du 5 mars 1874.
Le 29 août Elie Magnan de Ste-Elisabeth a vendu son privilège dans la concession Ste-Emilie non pas à James Payton comme promis mais à Joseph Ulric Foucher marchand de Joliette avec le droit de faire une chaussée pour former un étang pour alimenter les réservoirs d’un aqueduc pour 20 piastres. Le 31 août Alexis Bonin de St-Charles-Borromée a octroyé à Joseph Ulric Foucher marchand de pianos le droit de passer à travers sa terre de Ste-Julie les conduits d’un aqueduc qu’il se propose de construire pour la ville de Joliette; en échange il lui fournira l’eau dans sa maison et bâtiments, les tuyaux et champlures. Narcisse et Onésime Clermont de Ste-Elisabeth lui ont accordé le droit de passer sur leur terre de Ste-Emilie et Ste-Rose.
Le 15 décembre Charles Longpré cultivateur de St-Charles-Borromée a cédé à William James Pope le droit de faire passer, poser et construire les tuyaux nécessaires pour un aqueduc qui conduira l’eau en la ville de Joliette ainsi que le droit de faire et pratiquer toutes les excavations et autres constructions nécessaires sur sa terre tenant à la rivière de l’Assomption aboutissant aux terres de la paroisse St-Paul. Le cédant aura le droit de faire construire à ses frais un raccordement avec un tuyau de plomb d’un quart de pouce de diamètre de la longueur de 4 à 5 pieds. Le même jour Louis Basinais, Joseph Majeau et Onézime Martin dit Pelland(?), le 16 décembre François Dudemaine bourgeois de Joliette ont cédé un droit de passage dans le même secteur aux mêmes conditions.
Le 26 juillet 1877 James Montgomery agent de William J. Pope a renouvelé les ententes avec Joseph Majeau en précisant que le droit de passage concernait le lot N°232 du plan de St-Charles-Borromée, avec François Dudemaine pour le lot N°220, Charles Longpré pour le N°213, avec Louis Basinais pour la moitié du N°227 et avec Onézime Martin dit Pelland pour le N°275.
La construction de l’aqueduc de Joliette par J.U. Foucher
En 1875, le surintendant de l’aqueduc de Montréal, Louis Lesage, dépose un rapport qui recommande à la ville de Joliette de construire un système d’aqueduc évalué à 42.714$; la Ville refuse. Finalement, le 16 août 1876, le règlement N°70 autorise le « riche marchand » Joseph-Ulric Foucher à construire un aqueduc en bois et à l’exploiter sur une franchise de 50 ans.
C. Martel
Le 11 mai 1878 la Corporation de la Ville de Joliette a cédé et transporté à Joseph Ulric Foucher les droits et pouvoirs pour la construction d’un aqueduc et on trouve dans l’acte notarié le texte du règlement N°70 datant de 1876 autorisant J. U. Foucher à construire l’aqueduc de Joliette.
Règlement N°70 pour autoriser Joseph Ulric Foucher à construire un aqueduc en bois
- les droits accordés par la loi aux municipalités lui sont transférés pour une période de 10 ans;
- la ville pourra alors le racheter au prix coûtant selon les comptes des dépenses faites;
- à l’expiration la ville pourra accorder le droit à un autre de construire un aqueduc en fer ou le construire elle-même; si il s’agit d’un aqueduc en bois le cessionnaire sera privilégié;
- les travaux devront commencer dans 1 mois et se terminer le 1er novembre 1877;
- tous les propriétaires devront laisser faire les travaux;
- dans le cas où cet aqueduc serait construit par gravitation le cessionnaire devra placer des tuyaux depuis la source en quantité suffisante pour tous les besoins;
- dans le cas où l’eau serait fournie par la rivière de l’Assomption au moyen d’une pression exercée par des engins hydrauliques ou à vapeur il devra installer 2 engins d’une force de pas moins de 8 chevaux-vapeurs avec 2 bouilloires indépendantes;
- l’eau de la rivière passera par une boîte de 6 pieds carrés où elle sera filtrée en passant à travers 4 pieds de pierres concassées et de gravois;
- le cessionnaire fournira à la ville l’eau pour arroser les rues, les bornes à incendies, les jets d’eau et fontaines publiques;
- il y a 34 articles à ce règlement qui se termine par la grille des taux de l’eau; des tarifs spéciaux s’appliquaient aux commerces:
La pompe de l’aqueduc dans le moulin à scie
Un acte notarié de 1877 montre que l’aqueduc a d’abord fonctionné avec une pompe à vapeur installée dans le canal du moulin à scie attenant au Grand Moulin à farine sur la rive droite de la rivière de l’Assomption.
Le 2 octobre 1877 la Compagnie à Bois de Joliette a loué à bail à Joseph Ulric Foucher un pouvoir d’eau dans son moulin à scie pour 150 piastres par an pour 10 ans avec l’autorisation de placer un engin à vapeur pour faire fonctionner l’aqueduc et avec le droit de poser un tuyau d’aspiration dans le canal du moulin pour approvisionner d’eau le tuyau qui devra repousser l’eau pour le service de la ville. J.U. Foucher était actionnaire de la Compagnie à Bois.
Il y avait plusieurs moulins dépendant du même pouvoir d’eau, le Grand Moulin à farine, le moulin à cardes et les 2 moulins à scie de chaque côté de la rivière; il y avait aussi en aval la manufacture de papier, la Fonderie de Joliette et le moulin à farine Loedel. La répartition de ce pouvoir d’eau lors de l’ajout d’un nouveau partenaire occasionnait des inconvénients à chacun d’entre eux.
Le 18 octobre 1877 George Gilmour a protesté contre la Compagnie à Bois de Joliette comme propriétaire du Grand Moulin à farine de l’Industrie; la Compagnie à Bois qui possédait le moulin à scie attenant à son moulin avait autorisé Joseph Ulric Foucher à installer des mouvements, mécanismes et pompes sur son terrain pour servir à l’aqueduc en construction et le poids d’eau nécessaire à faire mouvoir ces mécanismes étant considérable il portait préjudice à son moulin à farine en contravention avec les conventions et devait être enlevé. Un protêt a aussi été signifié à Joseph Ulric Foucher.
La construction d’un aqueduc en bois selon le règlement N°70 a certainement été jugée rapidement insatisfaisante. En octobre 1877 Joseph Ulric a revendu à son père François Foucher un aqueduc en fer en construction, il ne pouvait peut-être plus assumer seul son financement plus coûteux que celui d’un aqueduc en bois.
Le 22 octobre 1877 Joseph Ulric Foucher a vendu à François Foucher son père l’aqueduc en fer qu’il construisait dans la ville de Joliette avec les droits attachés à son exploitation pour 7.300 piastres. L’acheteur devra payer à la Compagnie à bois de Joliette 150 piastres par an pour le pouvoir d’eau loué pour l’alimentation de l’aqueduc.
Le règlement N°79 de la ville de Joliette amendant le N°70
Le 11 mai 1878 la Corporation de la Ville de Joliette a cédé et transporté à Joseph Ulric Foucher les droits et pouvoirs pour la construction d’un aqueduc selon le règlement N°79 amendant le règlement N°70. Edouard Guilbault maire, Antoine Majorique Rivard conseiller et Barthélémy Vézina secrétaire-trésorier spécialement autorisés par une résolution du conseil du 10 avril ont donné pouvoir à J.U. Foucher de construire un aqueduc dans la ville et de l’exploiter à son profit et avantage en se conformant aux règlements N°70 du 16 août 1876 et N°79 du 12 décembre 1877.
Le règlement N°79 pour amender le règlement N°70 modifie quelques articles. L’article 1 précise que le privilège est accordé à J. U. Foucher à l’exclusion de toute autre personne. L’article 2 ajoute que si J.U. Foucher construisait un aqueduc en fer la cession des droits par la ville serait pour une période 50 ans, l’article 3 que la ville pourrait le racheter au bout de 10 ans en lui donnant un bonus de 50%, au bout de 20 ans avec un bonus de 30%, 30 ans à 20% et 40 ans 10%; il devra donc tenir un état de compte précis de ses dépenses.
Le délai pour la construction d’un aqueduc de fer serait d’un an de plus soit au 1er novembre 1878. Finalement la cédule fixant le taux de la taxe d’eau a été révisée à la hausse.
L’année suivante, la Ville amende son règlement, mais force est de constater qu’en octobre 1878, les travaux d’aqueduc ne sont toujours pas terminés, ce qui provoque beaucoup de mécontentement. À la lecture des documents, il semble bien que le coeur de la ville soit desservi par le réseau d’aqueduc. On remarque une constante interaction entre l’entrepreneur privé, qui gère l’aqueduc, et la Ville, qui gère les canaux, ce qui semble compliquer la situation.
L’exploitant Foucher fait l’objet de constantes plaintes pour insuffisance d’eau, il met un temps fou à réparer les brèches. Les citoyens mettenten doute la qualité de l’eau transportée par son aqueduc, que l’on qualifie d’insalubre, non saine, non potable ou de mauvaise qualité…
C. Martel
Le 13 juillet 1878 Joseph Ulric Foucher s’est engagé par obligation notariée à fournir à Pierre Bonin forgeron de Joliette toute l’eau dont il pourra avoir besoin pour son usage et l’utilité de sa famille pour 10 ans pour 40 piastres et son père François Foucher s’est engagé conjointement en garantie.
Les poursuites de la Ville de Joliette contre J. U. Foucher
Le 13 septembre 1879 la Corporation de la Ville de Joliette a fait des offres réelles à Joseph Ulric Foucher qui lui réclamait le paiement de la somme de 152 piastres; tout en niant la pertinence de ce compte la Ville proposait de lui payer pour éviter les frais d’un procès la somme de 120 piastres plus les frais de l’action de 13 piastres en billets de la puissance du Canada.
Le 23 avril 1880 la Ville décide d’abord d’annuler et de révoquer le privilège d’exploitation de Foucher à la suite des plaintes reçues. La cause se transporte devant le tribunal. Pendant ce temps on construit un quai sur la rivière L’Assomption afin de permettre aux citoyens d’avoir accès à de l’eau potable. Foucher exploite toujours l’aqueduc, mais encore une fois, le 30 mars 1881, on l’accuse de négligence et de ne pas se conformer aux conditions des règlements 70 et 79. Le 20 juillet 1881, Foucher renonce à son privilège et offre de céder son aqueduc, tous les accessoires et les loyers à courir en faveur de la Ville de Joliette, le tout pour la somme de 13.000$. La Ville accepte l’offre, se rendant à l’évidence qu’une ville de la taille de Joliette doit être le maître d’oeuvre de son alimentation en eau.
C. Martel
Le 13 avril 1881 la Corporation de la Ville de Joliette a signifié à Joseph Ulric Foucher une résolution du conseil se plaignant qu’il n’avait pas rempli et exécuté les charges auxquelles il s’était engagé selon les règlements N°70 et 79 l’autorisant à construire un aqueduc dans la ville et que si il ne se conformait pas à ces charges son privilège serait révoqué.
Le vente de l’aqueduc à la ville de Joliette
Joseph Ulric Foucher avait vendu la propriété de l’aqueduc à son père en 1877 et il n’était plus que l’entrepreneur chargé de sa construction. En 1881 ce sont les héritiers de François Foucher qui ont vendu cette propriété à la Ville de Joliette.
Le 23 juillet 1881 Joseph Ulric Foucher, le docteur Auguste Achile Foucher, Stéphanie Foucher épouse de Adolphe Fontaine, Eugénie Foucher épouse de Joseph Odilon Dupuis légataires universels de feu François Foucher ont vendu à la Corporation de la Ville de Joliette l’aqueduc de Joliette construit par Joseph Ulric Foucher avec tous ses appareils, mécanismes, pompes, tuyaux et accessoires, avec tous les ouvrages faits, tous les loyers et privilèges octroyés par les règlements N°70 et 79 du conseil de la Ville. Les vendeurs garantissent que les tuyaux en fer et en plomb posés sont de la capacité d’une pression de 200 à 300 livres au pouce carré ou 500 pieds de colonne d’eau. Vendu pour 13.000 piastres; le terrain N°28 où se trouve construit le réservoir n’est pas compris dans la vente.
L’achat du terrain de l’aqueduc actuel par la Ville
Le 1er juin 1881 Julie Artémise Taché veuve de Gaspard de Lanaudière a vendu au nom de son fils mineur à George Gilmour le terrain situé en aval du pont du Rail où l’aqueduc de Joliette est encore situé en 2024. La vente a été faite par autorité de justice pour acquitter des dettes, à l’encan.
La vente a été conclue par l’enchère de 1.600 piastres de George Gilmour, elle comprenait le terrain N°404 du terrier avec le quai et le canal qui amenait l’eau du Grand Moulin à farine jusqu’au moulin à avoine incendié en 1863 avec droit et privilège de rebâtir un moulin avec 2 paires de moulanges pour l’avoine et 1 autre pour les autres grains, donc le droit d’exiger du propriétaire du Grand Moulin, George Gilmour, suffisamment d’eau pour mouvoir 3 paires de moulanges. Ce terrain avait été donné à Marie Joseph Charles Gaspard de Lanaudière alors âgé de 5 ans par sa tante Charlotte de Lanaudière veuve de Barthélémy Joliette le 4 février 1868.
Le 8 août 1881 George Gilmour a fait une bonne affaire en revendant le terrain et le pouvoir d’eau à la Corporation de la Ville de Joliette pour 2.500 piastres. Louis Antoine Derome promaire, Sewell Clements, Jean-Baptiste Avila Richard conseillers et Barthélémy Vézina secrétaire-trésorier représentaient le conseil municipal en l’absence du maire Edouard Guilbault. Le pouvoir d’eau vendu devait permettre de faire fonctionner continuellement et régulièrement les engins hydrauliques, pompes, mécanismes et appareils de l’aqueduc que la ville voulait ériger sur le terrain.
Le vendeur se réservait la bâtisse en bois servant aux bains publics. Les acheteurs n’avaient le droit de placer qu’une seule roue « Taylor » et ils devaient creuser le lit de la rivière pour l’installer aussi bas que possible pour ne pas nuire au moulin à farine situé en amont. Plusieurs autres conditions sont énumérées; la Corporation avait le droit d’installer des engins à vapeur pourvu qu’ils ne prennent pas plus d’eau que convenu, soit 5 pieds dans la coffre.
Le 25 août 1882 Joseph Ulric Foucher et la Fonderie de Joliette ont résilié le bail pour les machines de l’aqueduc installée dans le moulin à scie.
Le 22 novembre 1881 George Gilmour a fait signifier un protêt à la Corporation de la Ville de Joliette par son notaire car la roue avait été installée sans creuser le lit de la rivière comme il avait été convenu dans l’acte de vente.
Le 1er août 1882 la Corporation de la Ville de Joliette a protesté contre la société Beauchemin & Fils manufacturiers d’engins à vapeur qui s’était engagée le 6 juillet 1881 à installer dans la bâtisse de l’aqueduc une pompe achetée de J.U. Foucher, poser des pistons et valves neuves et faire les connexions nécessaires; les travaux étaient en retard et les matériaux utilisés de mauvaise qualité.
À compter de ce jour, l’aqueduc devient municipal. Un comité de l’aqueduc est formé parmi les membres du conseil municipal et on procède à l’embauche de l’ingénieur mécanicien E. Norbert Chaumette, de Berthier, pour s’occuper de ce service. Le 11 avril 1883, le règlement N°94 vient régir le tarif d’eau…
C. Martel
Le 27 novembre 1882 la Corporation de la Ville de Joliette a engagé Euphrase Norbert Chaumette ingénieur et mécanicien de Joliette pour pour faire tous les ouvrages en rapport avec les départements de l’aqueduc et du feu, à terminer les travaux de l’aqueduc en partie construit, posage des tuyaux dans les rues, faire des plombages et connexions, posage des valves, borne-fontaines, fonctionnement des engins hydrauliques et à vapeur. Le salaire était de 500 piastres pour l’année avec droit au logement qui se trouvait dans la bâtisse de l’aqueduc.
Le 21 juin 1883 la Corporation de la Ville de Joliette a engagé Pierre Laforest fils mécanicien, ingénieur et surintendant actuel de l’aqueduc nommé le 18 avril pour 500 piastres par an et l’usage du logement situé dans la bâtisse de l’aqueduc.
Lire: L’eau de Pit Laforest à l’aqueduc de Joliette
Le 7 mai 1884 George Antoine Champagne avocat de Joliette a signifié un protêt à la Corporation de la Ville de Joliette car l’eau fournie à sa demeure de la rue Manseau par l’aqueduc de la Ville depuis plus d’un an n’était pas saine, potable ni propre aux usages domestiques vus certains changements faits aux tuyaux de l’aqueduc malgré la taxe d’eau de 14 piastres pour un an qu’on lui réclamait.
Le 2 avril 1885 la Compagnie du Chemin de Fer du Nord a protesté contre la Corporation de la Ville de Joliette qui s’était engagée par un contrat du 18 décembre 1883 à lui fournir pendant 10 ans toute l’eau dont elle aurait besoin à sa station de Joliette pour le réservoir (tank), le bureau de la station et le logement de l’agent de la compagnie pour 250 piastres par année mais que depuis le 17 mars elle ne reçoit plus d’eau à son grand préjudice.
En avril 1885 le pont des Chars situé devant l’aqueduc avait été emporté par la débâcle; le devis de remplacement du pont prévoyait la construction d’un tuyau sur le pont pour amener l’eau de l’aqueduc de l’autre côté de la rivière pour les habitants et spécialement pour le réservoir de la Compagnie du chemin de fer et de poser sur ce tuyau un appareil pour que l’eau ne gèle pas en aucun temps.
En 1894 le compte de taxes de la Corporation de la Ville de Joliette comprenait un montant important pour la taxe de l’eau.
Le 1er août 1895 la Corporation de la Ville de Joliette a protesté contre Alphonse L. Fontaine et Zenon Fontaine propriétaires indivis du Grand Moulin à farine de Joliette car l’aqueduc municipal ne recevait pas les 5 pieds de tête d’eau dans son coffre nécessaires pour le fonctionnement de ses mécanismes, les besoins domestiques des habitants et en cas d’incendie.
Le bain public – Les années 1890 amènent les gens à découvrir « les plaisirs » de la baignade, plaisirs qui ne plaisent guère au clergé ! Profitant des installations de l’aqueduc à proximité la Ville fait construire un bain public en juillet 1891. Il était situé sous la promenade actuelle du parc Renaud.
C. Martel
Quand George Gilmour avait vendu le terrain de l’aqueduc à la Ville en 1881 il y avait déjà une bâtisse servant aux bains publics qu’il avait réservée lors de la vente; ce n’était donc pas une nouvelle mode mais la Ville a peut-être racheté l’établissement pour le moderniser.
L’aqueduc en bois de Ste-Julienne ou St-Esprit
La construction des aqueducs en métal, plomb ou fer, coûtait cher et n’était pas rentable sur de longues distances à la campagne. Ce marché pour des boulins d’aqueduc en est un exemple.
Le 8 février 1881 François Thouin entrepreneur de Ste-Julienne a conclu avec William Lord entrepreneur de St-Liguori un marché pour lui livrer 2.800 billots ou logs d’épinette rouge ou boulins d’aqueduc de 10½ pieds de longueur et de 7 à 9 pouces de diamètre au petit bout et 1.120 boulins de sapin de même dimension. L’épinette devait être livrée à Ste-Julienne et le sapin à St-Esprit sauf 300 qui devront être placés avec l’épinette pour être percés. Le dit Thouin s’obligeant de les distribuer là où se feront les travaux de posage des boulins d’aqueduc moins cependant ceux qu’il faudra employer autour du lieu où ils seront placés depuis le réservoir jusqu’à la terre de Yve(?) Lefebvre.