Comme l’histoire n’est pas très populaire les sociétés d’histoire des villages du Québec essaient de rejoindre les foules en utilisant les réseaux sociaux. Un réseau social c’est efficace pour communiquer mais il y a quand même des inconvénients majeurs. Depuis des années la Société d’Histoire de Joliette recueille des photos qui lui sont confiées par des particuliers. Quand la SHJL transfère ces photos de ses collections à un réseau social elle les donne bénévolement à ce réseau qui s’enrichit un peu plus.
Dans presque tous les villages des groupes se créent, principalement sur Facebook, pour documenter l’histoire locale. Les gens partagent des photos anciennes et les commentent. C’est sympathique mais si on essaie de comprendre l’histoire du village il vaut mieux chercher ailleurs, les informations ne sont pas classées.
Quand ce sont les sociétés d’histoire du Québec qui se mettent à utiliser les réseaux sociaux on pourrait penser qu’elles ont bien réfléchi aux enjeux et qu’elles ont adopté quelques règles d’éthique pour encadrer les publications.
Les collections de photos de la SHJL
J’ai copié cette photo ancienne de Sainte-Béatrix sur la page Facebook de la SHJL:
J’ai réduit la largeur de l’image de 2048px à 1200px pour l’ajuster à la taille de cette page et je l’ai éditée. C’est une très belle photo numérisée en haute-définition. Rien ne dit qu’elle vient des collections de la SHJL, tout le monde peut la copier sans se poser de question.
Pourtant les responsables savent très bien qu’il ne faudrait pas. La plupart des autres photos qui sont publiées sont en petites dimensions et un calque avec le logo de la SHJL a été ajouté, mais pas toutes.
Les gens qui ont donné ces photos à la SHJL ne s’imaginaient certainement pas que les responsables de la société en 2022 transféreraient bénévolement des copies de leurs photos sur les serveurs de la compagnie Facebook qui n’est pas reconnue pour être une œuvre de bienfaisance.
Faire de l’histoire sur Facebook
Dans un village c’est sans doute distrayant de faire partie d’un groupe documentant l’histoire du village. Ça permet de communiquer, d’échanger des photos et des souvenirs. Mais ça ne permet pas de documenter sérieusement l’histoire du village. Les échanges sont trop multiples, rien de construit ne reste au final. Pour comprendre il faudrait tout lire depuis le début.
Quelqu’un qui s’intéresse à l’histoire de son village va faire une recherche dans un moteur de recherche et trouvera dans les résultats le groupe Facebook. Si le groupe est privé il devra s’inscrire sans trop savoir qui dirige ce groupe. Si il ne trouve pas sa réponse il va essayer un autre site.
En cherchant histoire de Chertsey, histoire de Joliette, de Rawdon, de St-Liguori, etc. il devrait normalement trouver des articles des sites internet des sociétés d’histoire locales mais dans Lanaudière il aura du mal. Il trouvera plutôt, parmi d’autres, les articles des Chroniques anachroniques qui ont documenté un peu sérieusement l’histoire régionale. Et dans 10 ans on trouvera toujours l’article sur la fondation de Chertsey en 1856 même si d’autres nouveaux articles mieux documentés seront possiblement mieux classés.
Voici la dernière publication de la SHJL sur sa page Facebook. On trouve un résumé de l’histoire de St-Cuthbert très rudimentaire accompagné d’une série de photos anciennes. La légende de la première photo est Paul Caumartin(?) – Photographe inconnu. Pour la seconde c’est A. Bourgeot – Photographe inconnu. Bien sûr c’est amusant de voir des photos anciennes et les familles Caumartin et Bourgeot doivent trouver ça très intéressant. Mais pour les autres ce n’est quand même pas très passionnant, on pourrait espérer mieux d’une publication d’une société d’histoire.
Par exemple un article un peu plus élaboré sur son site internet consacré au village de St-Cuthbert qu’on trouverait facilement en faisant la recherche Histoire de St-Cuthbert.
Le site internet de la SHJL
En 2021 quand le site internet de la SHJL a été piraté et qu’il a fallu le refaire j’ai pensé que les responsables allaient en profiter pour essayer de l’améliorer, ils parlaient de leur virage numérique. Ils ont bien essayé, le nouveau site présente un Quizz en ligne pour intéresser les jeunes à l’histoire qui va les cultiver.
Mais c’est quand même un peu limité, à mon avis la SHJL ne risque pas de renverser la tendance qui veut que les jeunes trouvent que l’histoire qu’on leur raconte est inintéressante.
Toutes les photos que la SHJL transfère bénévolement sur les serveurs de Facebook et Instagram devraient être sur le site internet de la SHJL et rester sa propriété, ça me paraît une évidence. Le problème c’est que la SHJL n’a pas les compétences pour gérer un site internet où elle pourrait les présenter. Elle a chargé une compagnie de lui faire un site fixe de quelques pages qui ne changeront pas jusqu’à ce qu’il faille refaire le site dans quelques années puisque le nouveau site n’est pas beaucoup mieux protégé que l’ancien (note au test de sécurité de E au lieu de F).
Quand on ne sait pas comment faire il ne reste plus qu’un choix qui paraît évident à tous: Facebook.
À mon avis le succès des réseaux sociaux vient du manque de compétence généralisé en informatique. Quand on analyse les sites internet avec des tests objectifs on se rend compte de leur piètre qualité technique. Le site de la ville de Joliette a une note de F au test de sécurité et Google lui donne une note de performance de 22/100 ce qui est loin de l’excellence. Et c’est vrai pour beaucoup d’autres administrations.
La ville de Joliette utilise des images sur son site qui ne sont pas adaptées pour le web. Si on a besoin d’afficher une image de 400px de large ça ne sert à rien d’obliger l’internaute à télécharger une image de 4.000px, la première fait environ 50ko et la seconde 500ko, elle prend 10 fois plus de temps à télécharger et coûte 10 fois plus cher en transfert de données. Google lui donne une mauvaise note, c’est normal.
Comme personne ne sait construire un site dont les articles sont efficacement indexés par les moteurs de recherche les gens pensent que c’est impossible de le faire et que c’est une fatalité que de devoir utiliser Facebook.
Tout est plus facile avec les réseaux sociaux mais il y a un coût social et intellectuel. Une société d’histoire en partie financée par des fonds publics a une responsabilité morale qu’elle ne peut pas mettre de côté juste pour faire de l’audience.
Il y a 732 abonnés à la SHJL sur Facebook mais il n’y a qu’une centaine de membres et je sais par expérience qu’il n’y en a finalement pas beaucoup d’actifs. La SHJL rejoint plus de gens de Joliette avec Facebook mais peut-être aussi que les amis Facebook trouvent que les publications de la SHJL ne sont pas très intéressantes et qu’ils le font savoir.
Wikipedia site collaboratif libre
Wikipedia est un logiciel libre. Un peu partout dans le monde les villages documentent leur histoire sur ce site collaboratif, c’est souvent le premier site consulté par les gens curieux. Mais pour les villages du Québec la plupart du temps il n’y a aucune information historique, personne ne s’en occupe.
Il y a 952 membres dans le groupe de St-Liguori qui font de l’histoire sur Facebook mais ils préfèrent tous le logiciel commercial au logiciel libre, personne ne s’est intéressé à la page Wikipedia de St-Liguori, c’est moi qui ai rédigé les quelques lignes sur son histoire. Et quand je suis arrivé à Joliette j’ai corrigé la date de fondation de la ville qui était fausse; Barthélémy Joliette était inscrit comme premier maire en 1864 alors qu’il est mort en 1850. La ville de Joliette, la SHJL, les citoyens de Joliette, personne ne l’avait remarqué ou ne s’en était préoccupé.
Quand personne ne s’en préoccupe on en arrive à des situations absurdes comme de résumer l’histoire de Berthier à la visite du Général de Gaule vers 17h le 24 juillet 1967:
Les conséquences du manque d’éducation
Quand une association militant contre le capitalisme n’a pas d’autre choix que d’utiliser les outils fournis par ces capitalistes pour espérer les contester elle risque peu d’ébranler le système. Pour être indépendant il faut apprendre à utiliser les outils informatiques sans automatiquement s’en remettre à la facilité. Créer son propre site internet permet une certaine indépendance mais il faut un minimum de compétences, la bonne volonté ne suffit pas.
Un groupe de citoyens essaye de sauvegarder le manoir Panet de Ste-Mélanie et ils ont créé un site internet. J’ai été regarder le site et j’ai offert mon aide. Après l’avoir analysé mon constat est qu’il faut le refaire à 0 puisque le site n’est pas installé dans le bon répertoire. Quand on demande l’adresse manoirpanet.ca on est automatiquement redirigé à l’adresse manoirpanet.ca/wp/. Je ne suis pas un expert mais je crois que ça risque de compliquer la gestion du site pour toute sa durée. De toute façon il est évident que la personne qui l’a construit avait de la bonne volonté mais pas beaucoup de connaissances du logiciel WordPress.
J’ai eu de la difficulté à lire le texte de la page d’accueil; comme il n’y a pas de menu sur cette page j’ai cliqué sur un bouton après avoir difficilement déchiffré En savoir plus…
Je crois que j’ai démoralisé le bénévole qui a passé beaucoup de temps à travailler sur le site mais je ne peux pas aider à améliorer un site mal conçu dès le départ. Et je ne peux pas le refaire à sa place, ça demande trop de temps. Je peux juste l’aider à le refaire en lui expliquant les bonnes pratiques mais il faut qu’il comprenne ce que je lui explique.
Après avoir critiqué je veux quand même signaler qu’il y a des groupes de citoyens qui ont compris ces problèmes et qui ont choisi de créer leur propre site internet en prenant les moyens appropriés. Le site Histoire de Rawdon en est un exemple.
L’informatique évolue vite, plus on attend pour commencer à essayer à en comprendre les bases nécessaires plus c’est compliqué ensuite.
