C’est ainsi que Denys Arcand expliquait l’échec du projet nationaliste québécois. Mais les québécois ne sont pas les seuls à s’être abandonnés à la paresse intellectuelle et à la vie confortable. Tant qu’on profite du système en place on ne le critique pas trop, juste un peu pour se donner bonne conscience. Mais ça fait longtemps que le monde entier sait que ce système n’est pas viable à long terme.
Partout dans le monde les chroniqueurs nous disent que les jeunes sont des idiots sans aucune conscience ni culture qui se font manipuler par le premier venu sur les réseaux sociaux, des enfants gâtés qui ne s’intéressent qu’à des futilités. C’est en partie vrai mais ce sont leurs parents qui ont bâti le monde où ils doivent évoluer, on ne peut pas reprocher à des enfants d’être ce qu’ils sont. On devrait plutôt se questionner sur ce que les parents auraient pu et dû faire pour que leurs enfants ne deviennent pas idiots.
Nos parents et grands-parents
Nos parents ont en général été de bons parents prêts à tout pour le bien de leurs enfants. Le capitalisme c’était leur univers et leur idéal; il n’y avait aucun doute dans leur esprit, le progrès résoudrait peu à peu les problèmes du monde.
Aujourd’hui le monde entier vit l’époque du réchauffement climatique, de Donald Trump et du COVID; un monde absurde et dangereux. Mais c’est la conséquence logique et prévisible d’un capitalisme devenu de plus en plus sauvage. Pendant toute leur vie les habitants des pays développés ont profité d’un système injuste qui leur a apporté un peu de confort; ils sont restés indifférents à ceux qui en subissaient les conséquences.
La crise a maintenant rejoint tout le monde. Nos parents se doutaient que le réchauffement climatique, la pollution et la surpopulation allaient un jour ou l’autre affecter leurs enfants mais ils s’imaginaient encore que la science trouverait une solution magique!
Les baby-boomers
Depuis au moins 50 ans la conséquence logique du capitalisme mondialisé était évidente. Ma génération, celle des baby-boomers, avait toutes les informations et les capacités intellectuelles pour faire autrement afin d’éviter ce qui est maintenant inévitable. Elle a plutôt choisi le confort et l’indifférence elle aussi, c’est difficile d’y résister.
La plupart des chroniqueurs médiatiques sont des baby-boomers. ils nous parlent de leur temps où les jeunes étaient cultivés, politiquement éveillés et audacieux, le bon vieux temps. Ils critiquent les jeunes d’aujourd’hui: les wokes, les conspirationnistes, les illettrés fonctionnels et autres abrutis. Et c’est vrai, beaucoup de jeunes ne savent plus construire une phrase logique pour se faire comprendre; vivant dans le monde artificiel des réseaux sociaux ils se désintéressent de la politique qui n’offre plus aucun espoir de réel changement.
Mais ce sont les parents qui ont construit ce monde pour leurs enfants, pas l’inverse. Ils devraient se garder une petite gêne avant de leur en faire porter le blâme. Nos chroniqueurs devraient avoir la décence de faire leur propre autocritique avant tout, celle de leur génération.
Les enfants du cynisme
Ils s’aiment comme des enfants, laissons-les s’aimer chantait Daniel Lavoie.
Enfants de la bombe Des catastrophes De la menace qui gronde Enfants du cynisme Armés jusqu'aux dents Ils s'aiment comme des enfants Comme avant les menaces et les grands tourments Et si tout doit sauter S'écrouler sous nos pieds Laissons-les laissons-les laissons-les Laissons-les s'aimer
Les enfants d’aujourd’hui sont comme ceux d’avant les menaces et les grands tourments. Sauf qu’ils n’ont plus l’espoir de pouvoir changer le monde. Les enfants d’autrefois pouvaient rêver à un avenir meilleur, avoir de l’enthousiasme.
Les enfants d’aujourd’hui se demandent surtout comment ça se fait qu’on en soit arrivé là avec tous ces grands philosophes et intellectuels qui veillaient à informer la population dans les médias.
Parlons-en de ces adultes qui se croient tellement plus intelligents que les jeunes. Ce sont souvent les mêmes qui cautionnent en ce moment même la maltraitance qu’on fait aux jeunes. Ils acceptent le port du masque 6-8 heures par jour pour des enfants et ados en plein développement, sans questionner une telle absurdité. Ils ne sont pas là pour s’informer et pour protéger les jeunes des séquelles possiblement irréversibles de cette mesure, tellement ils souffrent eux-mêmes d’immaturité et ont peur de tout.
Je pense qu’il faut analyser chaque époque en la situant dans son contexte. Quand tu dis «Ma génération, celle des baby-boomers, […] c’est difficile d’y résister.», je vois là une généralisation trop facile de ce qu’était la société d’alors. Certes, une quantité d’individus – la minorité – a eu le privilège de pouvoir développer sa conscience face à cette libéralisation et cette instrumentalisation de l’existence, telle qu’elle pouvait poindre à l’horizon, bien dissimulée par des nuages de beau temps. Par contre, beaucoup de gens n’avaient pour objectif que de recommencer à vivre suite à des guerres désastreuses, reconstruire ce qui était cassé et d’avoir un peu de beurre sur leur pain et encore là, c’était pour les chanceux, d’autres s’estimaient heureux d’avoir de la margarine… C’est de cette époque que je suis né, comme tous les baby-boomers. La capacité de questionner, si possible d’anticiper le désastre mondial de l’ultralibéralisme, n’était certes pas donnée à tous, loin s’en faut. Les objecteurs de conscience étaient marginaux et marginalisés et les philosophes improductifs (sarcasme bien sûr).
«Les enfants d’aujourd’hui se demandent surtout comment ça se fait qu’on en soit arrivé là avec tous ces grands philosophes et intellectuels qui veillaient à informer la population dans les médias.». Oui, certains enfants – et certains adultes – se demandent et continueront à se demander comment on en est arrivé là. Par contre, plusieurs, voire beaucoup d’entre eux, répéteront la même bêtise de se laisser embarquer dans le jeu de la course à la carotte, obnubilés par les vtt toujours plus rutilants, par les téléphones intelligents qui semblent (sarcasme) se renouveler à chaque dernier model, etc.
J’étais à la marche à Montréal, dont faisait partie Greta Thunberg. Un demi-million de personnes scandait l’arrêt des procédures (fin du capitalisme sauvage), toutes sincèrement outrées par ce qu’est devenu notre monde. De ces jeunes et moins jeunes, combien se détourneront de ces apparentes convictions pour se consacrer à l’amélioration de leur conditions de vie via une Carrière stimulante et pleine de défis (sarcasme) mais aussi de compensations? Pourtant, l’époque contemporaine ne manque pas d’exemples, de preuves, que le rouleau compresseur du capitalisme sauvage n’est pas la solution mais plutôt la Fin, évidence que les baby-boomers (et leurs parents) à qui on prête parfois un dos un peu trop large, ne pouvaient envisager, sauf par idéologie, d’autant plus que le capitalisme se cachait et se cache toujours derrière une fumisterie, soit de faire croire au peuple crédule qu’il y en a pour tous, même si l’accablante preuve du contraire est on ne peut plus évidente. Il a quand même fallu plus d’un demi-siècle pour accumuler les preuves. Malgré tout, la cause est entendue et il y a non-lieu pour l’instant, je veux dire par là que le capitalisme (qui est par définition sauvage) continue de renaître de ses cendres, qu’à chaque occasion de le remettre en question, la majorité et/ou le pouvoir réussissent à le remettre sur ses rails et à le redémarrer, toujours en direction du mur loin devant. Les sceptiques sont de plus en plus nombreux mais de là à devenir la masse critique, nous en sommes encore loin malheureusement.
« tellement ils souffrent eux-mêmes d’immaturité et ont peur de tout.». Je vous trouve très dure Marie avec celles et ceux qui tentent tant bien que mal de trouver la sortie du labyrinthe dans lequel nous nous trouvons. Loin d’être parfaits, ils font des erreurs, certes, mais demandent à pouvoir en faire, en toute bonne foi, et être pardonnés. Le seul moyen de ne pas se tromper est de ne pas prendre de décisions, et encore… Mais n’attendons-nous pas de nos élus qu’ils décident?
Ne tirez pas sur le pianiste, même s’il fait des fausses notes de temps en temps.
Notez que mon point de vue est totalement apolitique.
Je sais, mes parents étaient de bons catholiques qui aimaient leurs enfants. Mais eux aussi ont choisi leur confort avant tout quand le capitalisme a dérapé sérieusement. Thatcher, Reagan, c’étaient leurs héros, ils ont toujours voté pour le libéralisme contre le socialisme. Ils comprennent un peu tard qu’après Reagan on aboutit logiquement à Trump. La paresse intellectuelle ça ne peut pas être une excuse: ils ont préféré leur avantage et le confort de leur famille même si ils savaient très bien que l’indifférence à son prochain est un péché.
Mon article veut surtout dénoncer les médias qui traitent les jeunes d’idiots alors que le monde qui a été construit pour eux est absurde. Il y a certainement de quoi devenir idiot et les médias ont une grande responsabilité.
Par exemple au début des réseaux sociaux on voyait le logo de Facebook et Twitter partout dans les médias, c’était super-cool. Aujourd’hui les intellectuels nous disent que tout le monde est devenu fou à cause de ces réseaux; il faut être masochiste pour faire de la politique aujourd’hui, c’est grave.
Si ces intellectuels nous avaient prévenus dès le départ comme c’est leur rôle, on pourrait les prendre au sérieux mais ils ont été les premiers à se vendre à ces réseaux.
Je n’ai pas grandi dans ce choix dont tu parles, socialisme, capitalisme ou autre. Mes parents encore moins, le seul choix qu’ils avaient a été de « cravacher » pour espérer s’en sortir, survivre si tu préfères. C’était le lot de la majorité des habitants de mon village et de la population en général, mis à part quelques nobles qui vivaient dans des châteaux dont l’accès nous était évidemment interdit. Les Trente Glorieuses ont été une période de reconstruction, de projet collectif d’un retour à une vie normale, les gens ont tenté d’oublier les affres des guerres: 39/45, 14/18 et même 1870 ont laissé des traces jusque dans ma jeunesse. J’ai connu mon arrière grand-père qui a fait 1870 et qu’on le veuille ou non, tout ça laisse des cicatrices qui perdurent, transcendent les années. Nous sommes loin d’une conscientisation sociale qui pouvait se permettre le luxe de réfléchir aux fondements de notre société.
La paresse intellectuelle a été un luxe que peu de gens pouvaient se payer, tu ne viens sans doute pas du même milieu prolétaire que moi. Quand j’étais petit, mon père gagnait notre vie à transporter des sacs de charbon sur son dos. Au moins, c’était mieux que Germinal…
Et je comprends fort bien ton point de vue sur le legs que nous laissons aux jeunes, il faut quasiment être gaga et/ou résigné pour embarquer dans cette course à la carotte. Je persiste par contre à avancer que le nombre de jeunes et moins jeunes qui n’adhèrent pas à ce projet insensé de capitalisme à outrance reste une masse trop peu importante pour espérer des changements à moyen terme. Je demeure perplexe, interloqué de constater qu’un dessein destructeur comme celui d’adhérer au projet capitaliste reste amplement préféré à celui plus constructif d’une société plus égalitaire, digne. Difficile de s’affranchir d’une drogue telle que la consommation, les sbires de ce mode de vie ont tellement bien tissé leur piège que de s’en échapper demande une énergie et une vigilance de tous les instants, en plus de réussir à prendre du recul nécessaire pour survivre dans cet environnement qui ne nous sied guère.