Catégorie: Histoire de Lanaudière
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L’héritage du chevalier de Lacorne et la famille Lanaudière

En 1826 les héritiers Lanaudière au village d’Industrie ont engagé des procureurs pour réclamer leur part des héritages du Chevalier François Josué De La Corne de Chapt leur oncle et de leurs aïeuls Charles François Tarieu DeLanaudière et Catherine Lemoine de Longueil provenant des reconnaissances du Canada en France. Après la Révolution française des indemnités ont été accordées par le roi Louis XVIII pour récompenser les royalistes.

Blason famille Lacorne de Chapt

Le 10 avril Pierre Paul Antoine Tarieu DeLanaudière héritier pour un tiers de l’Honorable Charles Tarieu DeLanaudière conseiller du Roi autrement dit et nommé Gaspard Tarieu DeLanaudière, Barthélémy Joliette et Marie Charlotte Tarieu DeLanaudière son épouse héritière pour un tiers, Peter Charles Loedel et Marie Antoinette Tarieu DeLanaudière son épouse héritière aussi pour un tiers ont déclaré être les seuls héritiers de Charles Tarieu DeLanaudière et aussi avec leurs oncles et tantes de Roch Xavier Tarieu DeLanaudière leur oncle paternel.

Charles et Xavier Roch étant héritiers chacun pour un huitième de Charles François Tarieu DeLanaudière et Catherine Lemoine de Longueil leur père et mère, ils ont droit de toucher et recevoir certaines rentes dûes à la succession de leur aïeul Charles François par contrats sur l’hôtel de ville de Paris provenant des reconnaissances du Canada.

Ils ont donc donné à Jean-Baptiste Thavenet prêtre demeurant au Séminaire de Saint Sulpice de Paris tout pouvoir de pour eux et en leurs noms de toucher et recevoir toutes rentes qui peuvent leur être dûes.

Le même jour les 3 héritiers DeLanaudière ont donné une autre procuration à Jean-Baptiste Thavenet comme étant les seuls héritiers de leur mère Marie Susanne Antoinette Marganne DeLavaltrie qui était seule et unique héritière de dame Angélique De Lacorne laquelle était légataire universelle de François Josué De Lacorne son frère, chevalier de l’Ordre Royal et militaire de St-Louis et ancien capitaine de vaisseaux de sa Majesté très-chrétienne.

François Josué De Lacorne avait été privé de ses biens par la vente des biens nationaux appartenant à la noblesse pendant la Révolution française et avec la Restauration de la Royauté depuis 1815 sa succession avait le droit à de réclamer les indemnités accordées par le gouvernement.

Le 10 juin les héritiers DeLanaudière sont retournés chez le notaire pour rédiger une nouvelle procuration presque identique en ajoutant le nom de Trustier vicaire général de Tours en Indre et Loire comme procureur pour recevoir les indemnités dûes aux héritiers de François Josué De Lacorne.

L’héritage de Charles et Roch Xavier DeLanaudière ne devait pas être important, il n’en est plus question dans ces actes notariés en 1826. Celui du chevalier de la Corne de Chapt semble avoir été plus prometteur puisque les héritiers vont financer le voyage d’un avocat de Montréal pour tenter de le récupérer.

François Josué de la Corne officier de la marine royale

François-Josué de la Corne de Chapt était né au Canada en 1750 juste avant la Conquête; quand il a intégré les Gardes de la marine royale à 17 ans le Canada avait été conquis. Il a navigué jusqu’en 1785 participant à plusieurs campagnes contre la marine anglaise. Il est sorti de sa retraite pendant la Révolution française pour rejoindre les armées royales se battant contre la République et il a dû s’enfuir en 1793 pour revenir au Canada où il est mort en 1800.

Les 2 procurations à des membres du clergé en France ne semblent pas avoir donné de résultat puisque le 2 août 1826 les héritiers DeLanaudière ont rédigé un projet d’accord pour donner pouvoir à Monsieur Bruneau de retirer de France la succession tant mobilière qu’immobilière, qu’arrérages et intérêts appartenant à feu Messire François Josué de Lacorne.

Pour indemniser Monsieur Bruneau du sacrifice qu’il faisait en laissant sa pratique au Barreau de Montréal pour aller les représenter en France les héritiers ont convenu de lui céder la moitié des sommes qu’il réussirait à percevoir et un montant de 100 livres au cas où il n’obtiendrait rien.

Le 14 août 1826 Pierre Leonard dit Mondor, Pierre Dufour dit Latour et Amable Laviollet Ecuyers capitaines des milices de sa Majesté Britannique et Jean-Baptiste Etû Ecuyer lieutenant des milices tous demeurant à St-Antoine de Lavaltrie ont certifié sous serment avoir connu feu Sieur François Josué de Lacorne vivant chevalier de l’Ordre royal et militaire de St-Louis et ancien capitaine des vaisseaux de sa Majesté très chrétienne et qu’au jour de son décès il n’a laissé aucun autre héritier que dame Angélique de Lacorne épouse de Pierre Paul Marganne de Lavaltrie suivant son testament daté de l’Hôtel Dieu de Montréal le 17 avril 1799.

Et le 14 août les héritiers DeLanaudière ont ratifié le projet d’accord conclu le 2 août avec Pierre Bruneau avocat de Montréal pour recouvrer les biens dont François Josué de Lacorne a été privé par la vente des biens nationaux ou autrement, ensemble les arrérages des dites rentes ou indemnités, même les capitaux si le cas y échêt

Les canadiens en France après la Conquête

À la Conquête on estime que 6% de la population a quitté le Canada; l’histoire de la plupart de ces immigrants a été perdue, celle des familles nobles est mieux documentée. La ville de Loches en Tourraine a été un des points de rassemblement de ces familles: Le Moyne de Longueil, Sabrevois de Bleury, Legardeur de Tilly et de Repentigny, D’Ailleboust, Chaussegros de Léry, etc. La famille de Lavaltrie a voulu s’y installer vers 1787 mais la Révolution l’a obligée à revenir au Canada. L’abbaye de Méobecq dépendait de l’Évêché de Québec et les abbés de la Corne y avaient résidé.

La cité royale de Loches
Guy M. Oury

François de la Corne comptait déjà des parents proches dans le pays: sa tante, Marie-Anne, religieuse de l’Hôpital Général de Québec, qui était passée en France en 1766; sa sœur Elisabeth, professe de l’Hôtel-Dieu de Loches; trois de ses oncles reposaient en terre lochoise: les deux abbés de la Corne qui avaient achevé leurs jours à l’abbaye de Méobecq, et Pierre-Antoine de la Corne de la Colombière, mort à Beaulieu-les-Loches en 1780, qui lui avait laissé en héritage la maison dans laquelle il allait s’installer…

Le chevalier établit donc ses pénates à Loches où il avait hérité de la maison de son oncle «sur les ponts», à deux pas du château des Montains où logeaient les de Noyelle. En 1783, il s’est défait de sa seigneurie canadienne de Terrebonne, qu’il a vendue à son cousin Pierre-Paul Marganne de la Valtrie; Terrebonne, sur la rivière des Mille-Îles, qui devait devenir sous peu la propriété des MacKenzie.

Guy M. Oury
Abbaye de Méobecq – Wikipedia

Située au cœur de la Brenne, aux marges du Berry, l’ancienne abbaye de Méobecq avait été rattachée, au 18e siècle, à l’évêché de Québec, au Canada, qui en percevait les revenus. Après la chute de Montréal (8 septembre 1760), au début du régime britannique, le chapitre de Québec confiait encore ses intérêts en France à son doyen, le chanoine canadien Joseph Marie de La Corne, dernier abbé de Méobecq. En avril 1767, l’abbé de La Corne écrivait à un membre de sa famille resté au Canada : « Il y a déjà quantité de familles canadiennes établies et qui forment un petit Canada, ils s’y plaisent très fort et s’y amusent au mieux à présent. ». Il parlait de la petite ville de Loches et de sa région, à environ 60 km au nord de l’abbaye de Méobecq, où se réfugiaient déjà nombre d’officiers canadiens et leurs familles, tous nobles.

Sud Touraine. Un petit Canada à Loches

Ainsi, un recensement de réfugiés nécessiteux a lieu en 1791 : à cette date, en effet, est votée en France une loi en faveur des anciens habitants du Canada et de l’Acadie qui en ordonne en même temps le dénombrement. Sur cette liste, bien lacunaire, apparaissent huit résidentes de Loches, toutes nobles. Autre date repère : en 1820 est votée une nouvelle loi en faveur des réfugiés du Canada… Le seul témoignage direct de l’accueil réservé aux Canadiens à Loches est celui de Jean-Claude Vaillant, marchand de la ville, en difficulté après avoir hébergé et aidé des officiers canadiens repassés au Canada sans le régler. Ceux qui l’ont payé ne lui ont laissé que de la monnaie du Canada

…plusieurs individus rapatrient rapidement des capitaux et se portent acquéreurs de plusieurs demeures dans les environs de Loches. Les de Noyelles acquièrent les Montains à Loches, la famille La Corne plusieurs propriétés situées « sur les ponts » à Loches et à Beaulieu. Les fortunes laissées au moment des décès sont souvent très conséquentes: ainsi, Etienne Charest, ancien négociant canadien anobli au Canada, laisse-t-il une fortune estimée à près de 180 000 livres, faisant de lui le bourgeois le plus riche de la ville à l’époque; les nobles canadiens qui rachètent de nombreux châteaux des environs possèdent également des fortunes considérables… Certains semblent même faire très bonne chère si l’on en juge par les factures d’auberge de l’abbé de Chapt, ancien missionnaire en Acadie, qui font état de plantureux repas, ou encore les produits de luxe et les centaines de bouteilles de vins de différentes provenances inventoriées dans les caves des Canadiens, les barriques de tafia commandées par la Corne à son correspondant à Nantes, ou encore la présence de domestiques, souvent venus du Canada avec leurs maîtres.

Les réfugiés canadiens à Loches et en Touraine à la fin du 18e siècle – Jean-François Mouhot

En 1787, les La Valtrie sont venus en France visiter leurs parents; et ils se sont tellement plu de l’autre côté de l’Océan qu’ils ont décidé d’y passer le reste de leurs jours; à l’automne, M. de la Valtrie repasse au Canada avec l’intention de se défaire de sa seigneurie de la Valtrie, avant de revenir en Lochois rejoindre sa femme et sa fille, son beau-frère et sa belle-sœur et leurs nombreux amis et parents plus ou moins proches…

Sous la poussée des événements [la Révolution de 1789], le projet d’installation de la famille de la Valtrie à Loches s’évanouit; non seulement il semble irréalisable et hors de saison; c’est maintenant le chevalier de la Corne qui songe à émigrer au Canada en emmenant sa sœur et sa tante; le schisme constitutionnel est sur le point de se consommer; l’avenir lui semble très sombre… à l’automne [1791], le chevalier de la Corne prit son parti de quitter Loches pour rejoindre l’armée des Princes aux Pays-Bas autrichiens…

Guy M. Oury

Le chevalier de la Corne était revenu au Canada en 1793 en abandonnant ses biens saisis par les révolutionnaires pour avoir rejoint l’armée royaliste en guerre contre la Nation. Il est mort à Québec en 1800.

Le curé de Loches écrivait à Madame de la Valtrie pour lui dire sa reconnaissance de l’avoir hébergé dans sa maison sur les instances de son frère le chevalier en se resserant dans un petit appartement avec la petite Suzette devenue l’épouse de Charles-Gaspard de Lanaudière en 1792.

L’histoire ne dit pas si les héritiers Lanaudière ont réussi à récuperer des indemnités de France, je n’ai pas trouvé d’information à ce sujet.

Le sieur de Lacorne seigneur de Terrebonne et des Plaines en 1750

Acte de foi et hommage de Louis de Chapt, écuyer, sieur de Lacorne, capitaine des troupes du détachement de la Marine en Nouvelle-France, pour les fiefs et seigneuries de Terrebonne et des Plaines – 1750

Les seigneurs de Terrebonne (Wikipedia)

La seigneurie de Lavaltrie (SHPL)

Histoire de Lavaltrie en bref Par Me Jean Hétu

Lavaltrie doit son nom à Séraphin Margane, sieur de Lavaltrie, lieutenant dans le régiment de Carignan-Salières, à qui l’intendant Talon concéda une seigneurie sur le bord du fleuve Saint-Laurent en 1672. Sous l’administration de son petit-fils, Pierre-Paul Margane de Lavaltrie, le territoire de la seigneurie va s’agrandir jusqu’au Township de Kildare. De plus, ce dernier sera élu au premier Parlement du Bas-Canada en 1792 comme député du comté de Warwick (qui prendra plus tard le nom de Berthier). Sa fille unique, Suzanne-Antoinette, va épouser Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière et la seigneurie va passer ainsi dans les mains de la famille de Lanaudière. Ce couple aura trois enfants dont Charlotte de Lanaudière qui va épouser Barthélemy Joliette qui sera le fondateur de la Ville de Joliette sur la partie de la seigneurie de Lavaltrie qui fut la propriété de son épouse.

Carte du Québec

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