L’histoire des pionniers du lac Nominingue et de la fondation du village est tellement bien documentée dans la presse que je trouve beaucoup d’informations, je me suis arrêté à l’année 1906 pour l’instant. Le prolongement de la ligne de chemin de fer de Labelle à Nominingue va faire naître beaucoup d’activités et rêver de projets qui ne se réaliseront pas tous. Le conflit grandissant entre les colons et les compagnies forestières exploitant le bois de pulpe occasionnait de plus en plus de protestations et a obligé le gouvernement à (essayer de) mieux légiférer.
1900
La pression exercée par les pionniers du lac Nominingue pour obtenir la prolongation du train depuis Labelle était toujours aussi forte et le gouvernement ne pouvait plus reculer. Les habitants commençaient à faire des plans sur la comète. Mais il y avait un problème, selon une des clauses du contrat qui avait transféré la propriété des Jésuites aux Chanoines Réguliers de l’Immaculée-Conception (CRIC) aucun hôtel ne pouvait servir d’alcool dans les limites du village de Nominingue; il fallait construire un nouveau village en-dehors de ces limites, près de la gare.



M. Thiaville propriétaire du yacht L’Hirondelle projetait de faire construire un nouveau bateau à vapeur encore plus puisant de 65 pieds par 14 ou 15. Un nouveau club de chasse et pêche Le Grand Nominingue a été fondé, il y en avait déjà plusieurs autres.
M. Charlebois maire de Nominingue aurait entrepris des démarches à Montréal pour se renseigner sur la situation légale du village et les rumeurs avaient commencé.

Le maire A. Charlebois a dû s’expliquer publiquement dans la presse, il n’y avait pas de chicane. La construction des couvents des Chanoinesses des Cinq Plaies du Seigneur et des soeurs de Ste-Croix ont commencé pendant l’été. Le panneau historique du circuit patrimonial de Nominingue placé devant le Provincialat indique qu’il a été construit en 1899 mais c’est faux, sa construction a commencé vers le 1er juin 1900.
L’exploitation du bois de pulpe a commencé à rapporter des revenus aux colons qui pouvaient vendre leur bois aux compagnies. 1 million de billots devaient descendre la rivière Rouge au printemps. Le yacht L’Hirondelle qui servait à tirer les billots vers la décharge du grand lac Nominingue et ramassait le lait des fermiers pour le porter à la beurrerie a fait naufrage. La compagnie Riordan avait construit un barrage à la décharge du Grand Lac pour surélever tout le bassin des lacs de Nominingue et le rendre navigable; cela facilitait aussi la descente des billots jusqu’à la rivière Rouge dans les rapides de la rivière Nominingue.




Les requêtes pour la continuation du chemin de fer revenaient inlassablement. Le yacht L’Hirondelle était trop important pour les habitants, tous ses morceaux ont été repêchés dans le lac et il a été renfloué.



La plupart des articles de journaux faisaient la promotion de la colonisation sans aucune nuance. Pourtant la vie des colons n’était pas facile et on entend parfois leurs plaintes:
Ne croyez rien des journaux qui vous disent: La colonisation marche; ils mentent effrontément… M. Onésime Reclus qui s’intéresse à notre pays ne comprend pas notre manière d’agir. On peut conserver les bois en les exploitant avec intelligence, non pas en les massacrant, comme on le fait par ici... Nos canadiens filent aux États-Unis.
La Vérité



Comme Nominingue était le chef-lieu des cantons du nord les journaux publiaient régulièrement les nouvelles de ce qui s’y passait. En mai le feu avait dévasté une grande étendue de forêt aux alentours du village. J. A. Lalande poursuivait la municipalité du canton de Loranger. Le maire Alyre (ou Alfred selon les articles) Charlebois avait trouvé un truc infaillible contre les mouches à patate. M. D. Archambault a fait une exploration du territoire avec d’autres responsables du gouvernement pendant l’été: les colons du nord sont heureux de leur sort, le sol est très fertile.



Le moulin des pères construit par les Jésuites a été mis en vente: un moulin à farine (3 paires de meules) et un moulin à scie (grande scie, planeur neuf, scie à bardeaux, etc.). Le projet d’ouvrir une ligne de chemin de fer entre Québec et la baie Georgienne en passant par Nominingue a été de nouveau promis par Sir Wilfrid Laurier. Le Plan Nord de cette époque devait permettre de peupler les Très-Hautes-Laurentides, la Matavaisie où se trouvaient d’immenses terres fertiles inoccupées.




1901
Le Journal du 3 janvier donne une longue description de la vie à Nominingue à ce moment. 125 familles, 3 magasins, 1 tannerie, 2 boutiques de forge, 1 charpentier, 2 hôtels, 1 boulanger, etc. Il y avait aussi les moulins à farine et à scie, 1 moulin à carder (?) et une beurrerie. De riches propriétaires possédaient de grandes terres qui étaient exploitées par leurs fermiers.

M. Roch Jetté, l’un des chefs libéraux du haut du comté, a été unanimement élu maire. La construction du chemin de fer était bloquée car la compagnie demandait au gouvernement d’accorder des subventions supplémentaires. Plus le tracé était difficile et éloigné des centres plus le coût de construction d’un kilomètre de voie augmentait. La Société de Colonisation demandait aussi des subventions pour la construction de quais sur les lacs Nominingue et Labelle.


Au printemps des familles françaises récemment arrivées à Nominingue se sont plaint au consulat de France et ont demandé à être rapatriées; le gouvernement français les a envoyées coloniser l’Algérie. C’était un dur coup pour la propagande: si les français préféraient s’en aller en Algérie que de rester en terre chrétienne canadienne c’est que la colonisation ne fonctionnait pas si bien qu’on le prétendait.



Déjà on parle de l’arrivée prochaine de quatre millionnaires américains qui visiteront la région en semant l’or à pleines mains. Les 2 lacs sont couverts de billots, on en compte plus de 1 million. La petite rivière Samga (Saguay) en a à elle seule transporté 150.000. C’est la première année que les chantiers sont si actifs.


En juillet c’était au tour du ministre de la colonisation Lomer Gouin de venir faire sa tournée. On a une nouvelle description du village de Nominingue; pour l’occasion les habitants avaient construit un simulacre de castel du Moyen-Âge sur les hauteurs du village. L’Hon. M. Gouin n’a rien promis.

Un ménage français sans enfants demande emploi dans château ou chez particulier. Les châteaux de Nominingue devaient être les résidences des riches montréalais qui venaient y passer l’été en villégiature. M. Bruen un français intelligent né dans le département de l’Ardèche se sentait persécuté par le gouvernement et il protestait, il ne pouvait plus chasser et pêcher librement comme avant, les propriétés devenant toutes privées.



L’Hon. M. Gouin n’avait rien promis mais il s’occupait de terminer le chemin qui portait déjà son nom. Le gouvernement provincial semblait prêt à augmenter la subvention au C.P.R. pour le prolongement de la ligne de train, l’espoir renaissait. M. Jos. Valiquette aurait acheté le moulin des CRIC pour y adjoindre un moulin à carder (le titre de l’article porte à confusion).



1902
Chaque article de journal apporte de nouveaux détails à la description de Nominingue. La frégate, habitation de colons français, sur le chemin Chapleau avec sa grande croix blanche et sa légende, un homme s’y pendit… La maison Carle, poste de relais entre Nominingue et Labelle dont le propriétaire était un viloniste distingué. Une nouvelle beurrerie portative a été achetée par le syndicat. On espérait le train pour l’été prochain puisque les députés avaient promis…


L’Avenir du Nord a publié la liste des membres du Club du lac des Grandes Baies et ses règlements:

La promesse de la construction du chemin de fer faisait renaître les projets. M. J. B. F. Cadieux avait l’intention de partir de Montréal avec 5 wagons chargés de vaches laitières pour créer une fromagerie. Le 7 mars les enfants du village ont vu dans la rue de l’église et près du couvent un loup-garou.



Les subventions avaient été accordées mais la construction du chemin de fer du Nominingue était retardée par le manque d’ouvriers et les difficultés du terrain. Il y avait de nombreux chemins et ponts en construction alentour, les chantiers de bois: les colons avaient déjà du travail.


La Labelle Lumber Co avait fait l’acquisition du yacht L’Hirondelle pour faire flotter les billots qu’elle avait achetés sur le lac Nominingue. Les feux de forêt étaient fréquents et incontrôlables, en mai le village de L’Annonciation a failli être détruit.


La pointe qui s’avance dans le grand lac Nominingue s’appelle aujourd’hui la Pointe Manitou. En juillet 1902 les membres du club de chasse et pêche Grand Nominingue ont adressé un compliment à leur président en le baptisant Grand Manitou. La compagnie de chemin de fer avait été réorganisée et de nouveaux projets étaient évoqués: construction de quais sur le lac Nominingue, exploitation des extraits du bois-franc… Les travaux sur la ligne devaient être complétés le 31 décembre.



Le baron d’Halewyn avait été élu maire et les conseillers ont organisé un banquet en son honneur. Par sa courtoisie, ses bontés et sa grande générosité il avait gagné l’estime de tout le monde. Il y avait 5 tables avec 150 couverts, la fanfare, un choeur. Dans son discours rempli de bons mots et de fines réparties le baron avait raconté qu’il avait abandonné la carrière d’avocat pour se faire colon.
Le baron était né au château de Liettres dans le Pas-de-Calais en France; le nom d’Halewyn peut s’orthographier selon plusieurs variantes et dans les articles de journaux il est parfois orthographié d’Haluin. C’est assez curieux car ma marraine s’appelle Françoise d’Haluin et quand j’étais petit j’allais souvent en vacances chez elle au château de St-Georges dans la Marne, un château de conte de fée.
Le 26 juillet 1902 le journal La Presse a publié une enquête sur la toute-puissance des marchands de bois trop proches du gouvernement. Pour se défendre il fallait porter plainte et se défendre devant le tribunal contre leurs avocats; les colons n’en avaient pas les moyens.

Les motifs de plaintes étaient nombreux, les colons réclamaient des écoles, des chemins et une meilleure protection contre les compagnies forestières et les colons spéculateurs.
Des salariés du gouvernement passent leur temps à tirer à la jambette et au poignet.

L’article est très long et une large portion est consacrée aux témoignages des habitants de Nominingue. Le baron d’Halewyn s’était fait couper presque tout le bois de ses terres par une compagnie forestière pendant qu’il était en voyage en France, il avait pris la tête des protestataires et voulait poursuivre la compagnie Edwards. On trouve aussi les témoignages de J. Lamothe, Vital Martineau, Roch Jetté et A. Charlebois anciens maires de Nominingue, et Lactance Cardinal. Cette enquête va être commentée et reprise par tous les journaux.







MM. Chs Wilson et Léon Martin avaient quitté pour aller s’établir au Manitoba, ils n’étaient pas les seuls à essayer de trouver une meilleure vie ailleurs. Auguste Varenne expliquait lui aussi les problèmes rencontrés par les colons avec les compagnies et les mesureurs de bois. Une première publicité pour un hôtel à Nominingue a été publiée et on y trouvait des vins et liqueurs.



La Presse a fait une seconde visite dans la région du Nominingue pour son enquête sur la colonisation en août et le journaliste a été rendre visite au baron d’Halewyn qui n’entendait pas abandonner sa réclamation contre les Edwards.

M. le baron d’Halewyn a 1.000 acres de terre en culture. Il a une beurrerie, une petite usine électrique pour l’éclairage de son château et de ses dépendances. Il a fait creuser un lac artificiel pour pouvoir obtenir un pouvoir d’eau suffisant afin de mettre son usine en opération. Le château est chauffé à l’eau… Le lac d’Halewyn (lac des Îles) est rempli de truites.



Les travaux du chemin de fer avançaient lentement à cause du manque d’ouvriers mais ils progressaient. Le baron d’Halewyn a déposé sa plainte contre les marchands de bois Edwards.


1903
Aux élections de 1903 le maire d’Halewyn semble ne pas s’être représenté ce qui a donné lieu à un imbroglio. M. H. Thauvette marchand de St-Lazare de Vaudreuil faisait chantier de bois de corde et de pulpe avec 50 hommes. 100 hommes travaillaient sur la voie de chemin de fer, M. N. Lavigne examinait les pouvoirs d’eau potentiels et M. N. Girardeau cherchait du minerai de fer.



La ferme Nantel située à un mille et demi du lac Bourget a été mise en vente. M. J. A. Lalande avait une ferme de 1.200 acres (300 en culture) sur le bord du grand lac et un magasin au village, il avait participé à la fondation du cercle agricole, en entrevue il donnait son avis sur la situation à Nominingue.


Un grand nombre de bâtisses sont en construction depuis quelque temps, la main d’oeuvre fait défaut, entre autres les menuisiers. Nous parlons beaucoup d’une Cie très riche qui doit venir bâtir des usines ici qui emploierait des centaines de mains nuit et jour. M. Benoit, marchand de bois de Labelle, a acheté un certain morceau de terrain de M. A. Lalande près du grand lac pour y construire un magnifique moulin à scie à vapeur.
Le déménagement du village près de la gare est encore évoqué: Plusieurs maisons sont déjà en construction dans la localité où s’élèvera le futur village. En prévision de l’achèvement de la ligne prévu pendant l’été le gouvernement devait accorder des subventions pour la construction d’une maison d’accueil pour les colons, 5 quais sur les lacs Nominingue et un service de diligence. Le service de diligence pour le courrier et les voyageurs commençait à être mieux organisé.





Au printemps les feux de forêt étaient de nouveau menaçants.



Chez MM. Cyprien Poirier et Cornu le bois a été détruit. MMe Villani a dû évacuer la scierie située en aval de L’Annonciation sur un radeau.
M. Ephrem Bourel a été préservé de l’épreuve miraculeusement grâce à l’image de la Sainte-Face placardée par sa femme sur un arbre devant leur ferme.
Elle aperçut l’image de la Sainte-Face, elle la saisit, se précipita au devant du feu, elle accrocha l’image à une fourche et elle revint à ses petits enfants… En effet le feu arrêta à 4 pieds de l’image, cernant chaque côté de la maison, laissant un beau carré de verdure d’une couple d’arpents.
Les gelées ont aussi fait beaucoup de dommages, tout s’en mêle. Avec tout cela le chemin de fer prend du temps à se rendre. Il y a 4 ans qu’on nous le promet.
Il y a 350 hommes qui travaillent de Labelle au Nominingue, sur une distande de treize milles. On en engagera 120 autres la semaine prochaine. Il y a 70 paires de chevaux à l’oeuvre. L’arrivée prochaine du train à Nominingue faisait aussi marcher la construction: une trentaine de maisons depuis le mois de mars. On trouvait 5 hôtels licenciés, 7 magasins, 1 médecin, 1 restaurateur, 2 couvents, etc.
Le lac Nominingue était, il y a peu d’années, la région la plus fréquentée du caribou; les caribous émigrent maintenant vers le nord et l’ouest et sont remplacés par les chevreuils.



L’agriculture n’a pas fait ici le progrès qu’on en attendait; on semble reculer plutôt qu’avancer. C’est le constat fait par le journal Le Canada qui résume le dilemme fondamental des pionniers de Nominingue: Tout converge vers l’industrie du bois de pulpe. Les colons vivaient grâce à l’ouvrage qu’ils trouvaient en-dehors de leur ferme qui ne pouvait qu’assurer leur subsistance. Le journaliste soulève un autre problème, la construction prématurée de 7 grands hôtels. À Labelle pendant ce temps on était très inquiet que la prolongation de la ligne allait ruiner plusieurs hôteliers.
Le village comptait alors à peu près 100 maisons. M. Charlebois construisait un grand entrepôt de grains près de la future gare. M. Rodrigue Cyr faisait construire un magnifique moulin à scie au même endroit. De nouvelles rues étaient en construction.



À l’automne la bénédiction des cloches de L’Annonciation a été l’occasion d’une excursion organisée par la Société de Colonisation. Au moins 400 colons ont répondu à l’appel. Ils ont profité de l’occasion pour redemander une enquête du gouvernement sur les agissements des compagnies forestières.



La Société de Colonisation essayait d’attirer des familles vers le nord mais le bilan était décevant. Sur tous les français amenés au pays par la Société une soixantaine seulement nous sont restés. Elle continuait pourtant à publier des articles dans les journaux de Nouvelle-Angleterre pour rapatrier les canadiens français. Le service de train entre Labelle et L’Annonciation se faisait à peu près normalement pour le fret. La gare et le réservoir de Nominingue étaient en voie de construction, le pont temporaire sur la petite rivière (Lac Barrière) était terminé. Le commerce du bois de pulpe était en pleine expansion.




M. Thauvette vient de construire à St-Ignace un immense chantier pour le bois de pulpe. Il se propose, au printemps, de construire des scieries considérables, et, en prévision, il vient d’ouvrir un magasin général.
Plus de 150 hommes travaillent chaque jour, afin de pouvoir terminer la ligne avant le jour de l’an.
1904
Les travaux pour construire la ligne jusqu’à Nominingue ont été terminés quelques jours avant le jour de l’an, enfin. M. Henri Bourassa, député de Labelle, le baron d’Halewyn, le Dr. Brisson et M. Michaud sont venus inspecter les travaux et déterminer l’emplacement de quais à construire sur les lacs Nominingue et Labelle. Trois quais seront construits au Grand Nominingue (…) dont l’un à la tête et l’autre au centre, un au Petit Nominingue. Une maison de refuge devait aussi être construite au village Nominingue sur l’un des terrains de la corporation. Fin mai le service régulier de train jusqu’à Nominingue était annoncé dans tous les journaux.






En juin La Patrie donne une description du pont qui enjambait la passe située entre les 2 lacs Nominingue, le lac Barrière: le pont tournant de 56 pieds d’ouverture sur un pilier central en béton (ou 36 pieds c’est difficile à lire).
Nominingue vient d’être constituée en municipalité de village, la largeur des rues varie de 60 à 100 pieds et des arbres nombreux embellissent beaucoup ces chemins.
Le Journal a publié une autre longue description de Saint-Ignace du Nominingue en 1904 racontant sa courte histoire. Il y avait 200 touristes au Nominingue cet été là.

Le Nominingue va bien, 200 hommes travaillent au chemin Gouin. Le boulanger M. Marin s’était fait voler son cheval et son harnais et le boucher M. A. Charbonneau son boghei par un engagé du chemin. Le Nominingue est devenu la station de ravitaillement des chantiers du nord qui autrefois devaient s’approvisionner à Labelle. Plus de 450 membres de l’Ordre des Forestiers Catholiques étaient allé en excursion à Nominingue en train: En dépit du manque d’égards de la part de la Compagnie du Pacifique l’excursion a remporté un grand succès. L’hôtel Monaco de Nominingue publiait une annonce dans La Patrie.




Le baron d’Halewyn était un modèle de gentleman farmer résidant sur ses terres, un bon propriétaire. La description de sa ferme faite par le Journal d’agriculture et d’horticulture décrit les possibilités envisageables: l’agriculture ne produisait pas beaucoup sauf pour les patates et le foin. L’élevage de vaches laitières et de chevaux était plus prometteur: Les chevaux élevés autour du Nominingue sont extrêmement endurants, soutenant longtemps une allure rapide.

Il doit se construire d’ici quelques jours une ébénisterie construite par M. Lacaille. M. Jos. Gadoury, forgeron, doit ériger une fonderie qui emploiera de 20 à 25 hommes.



Les citoyens ont érigé une croix qui coûte $150. C’est la plus haute qui soit érigée dans le nord, elle est d’un cèdre superbe et mesure 51 pieds de haut. Les travailleurs des chantiers descendaient à Nominingue pour faire la fête et lors d’une bagarre à l’hôtel d’Évangéliste Blanchette un homme était mort. On commence à jeter un cri d’alarme dans la région du Nominingue. La hâche du bûcheron recule d’année en année les limites des forêts et l’époque n’est pas éloignée où le bois manquera.



L’abbé Cadieux, curé de la Ferme-Neuve, et l’abbé Génier, curé du Rapide de l’Orignal étaient les nouveaux apôtres de la colonisation qui s’étendait vers le nord. Les quais sur les deux lacs Nominingue ont été construits et ils ont rendu de grands services aux colons et aux compagnies forestières pour le flottage de leurs billots. La Société de Colonisation publiait des brochures en France et en Belgique.


1905
La maison, le magasin et le stock de M. Thauvette ont été détruits par un incendie en janvier. Le chemin Gouin était ouvert mais il fallait l’ouvrir en hiver, le département payera des hommes pour faire ouvrir la route. Il y avait alors à Nominingue 1.015 âmes pour 158 familles, 50 dans le village et 108 dans la paroisse. M. Anthime Lalande a été réélu maire du village, M. Elzéar Quevillon a été élu maire de la paroisse. La compagnie du Pacifique avait l’intention d’acheter des terres pour étendre le village jusqu’au lac. André Villani le bienfaiteur de L’Annonciation avait fait faillite en laissant 30.000 billots sur le lac Nominingue: pin, sapin, épinette, merisier et autres bois francs.




Il a été décidé de réduire le nombre de licences à 4 au lieu de 5. La compagnie américaine qui possède une pointe de terre avançant dans le Grand Nominingue a décidé de construire un magnifique hôtel.



Le conseil municipal fera construire une salle. Il a acheté des Pères un terrain pour cette fin. Il y avait 4 hôteliers licenciés: J. B. Berthiaume, Barrette, Beaulieu et Gauthier. Le C.P.R. devait construire une gare et des usines de réparations qui emploieraient une centaine d’hommes. La chambre de commerce de St-Jérôme avait réussi à faire baisser les taux de fret, le prix du transport d’un char d’avoine était passé de $38 à $21.



La vie n’était pas facile pour les colons en cas de décès du père de famille, il n’y avait que les religieuses comme secours et elles avaient peu de moyens: Une veuve arrive du Nominingue sans un sou avec cinq enfants. Pour la Saint-Jean-Baptiste des fêtes grandioses ont été organisées et pour la fête du Saint-Sacrement il y avait des arches à chaque coin de rue.


En 1897 il n’y avait qu’un seul habitant à la Ferme-Neuve et en 1905 il y avait 200 familles, elles avaient aussi besoin que la ligne de train soit prolongée. L’Album Universel s’intéressait maintenant aux régions situées au nord de Nominingue.

La paroisse de Nominingue était encore une mission dirigée par les CRIC et les habitants ont demandé l’érection canonique de leur paroisse à Mgr. Duhamel, évêque d’Ottawa. Un canadien parvenu, un compatriote des États-Unis achète une limite au Nominingue. M. Leblanc devenu M. White avait fait fortune et il projetait de l’investir dans le commerce de bois de pulpe à Nominingue. Un avis légal de la municipalité du canton de Loranger montre qu’elle devait de l’argent à plusieurs citoyens qui aidaient à la financer mais qui voulaient être payés; le règlement devait servir à consolider la dette auprès d’une banque.



Joseph-Hilaire Trépanier a disparu du Nominingue et sa femme le recherchait. Le moulin à scie de M. Félix Dansereau est réduit en cendres, $10.000 en fumée. Pour la fête de Noël les Chanoines avaient installé l’acétylène pour éclairer l’église.



La construction d’une maison de refuge pour les colons a été décidé par le gouvernement fédéral et Sir Wilfrid Laurier a donné son accord à l’achat d’un terrain situé près de la gare appartenant au baron d’Halewyn. Le document trouvé dans les archives du Canada est intitulé Site for Immigration Building at Nominique, Quebec purchase of land from Mr. d’Halewyn.
1906
Pendant l’hiver il fallait se distraire et une séance dramatique et musicale a été donnée par l’Harmonie du Nominingue dans la salle du couvent. On commençait déjà à s’inquiéter de la protection du poisson: Le grand lac Nominingue était, il n’y a pas bien des années, le rendez-vous favori des pêcheurs de Montréal et des environs, aujourd’hui la pêche y est à peu près nulle.


C’est mercredi, le 7 mars, que sera formé au Nominingue le comité d’action en vue de la colonisation. Ce sont les curés des différentes paroisses du nord de Montréal qui s’étaient mis à la tête du mouvement, les laïques les plus réputés de la région s’y étaient associés. Ils demandaient une maison de colons au Nominingue: cette maison pourrait facilement être convertie en lieux de réunion pour les colons, en point d’étapes, et en école d’agriculture où viendraient de temps en temps des conférenciers. On se prépare sérieusement à l’organisation de la colonisation dans le nord. C’est un véritable réveil.



Les bonnes nouvelle n’ont pas tardé, le 9 mars La Presse publiait cet article avec plusieurs illustrations. Le gouvernement annule la vente de plusieurs lots et crée une condition meilleure pour l’établissement des colons. Le plus important pour Nominingue est la décision qui a été prise de fonder une coopérative dans un local fourni par les CRIC dans leur couvent. Les fermiers et les capitaux français étaient aussi convoités, les CRIC et le baron d’Halewyn étaient français et ils avaient des contacts. L’article permet de mettre des visages sur d’importants personnages de cette histoire, le R. P. André Mouttet supérieur des CRIC, M. T. A. Christin agent des terres de la couronne, M. J. A. Lalande maire de St-Ignace du Nominingue, le Dr. L. H. Renaud et le monastère des CRIC en 1906.

La Coopérative des Colons du Nord a été définitivement constituée après que Mgr. Duhamel ait donné son accord. 18 paroisses comprenant au delà de 2.000 familles formant une population de 12.000 à 15.000 âmes.



Les travaux de la Coopérative ont aussitôt commencé. L’idée principale de la Coopérative était d’éloigner le colon du Chantier et de lui donner l’occasion de vivre chez lui, sur son lot, hiver et été. Le journal de la Nouvelle Association paraîtra bientôt; déjà les presses et tout le matériel sont achetés. Le journal sera imprimé et publié au Nominingue chez les RR. PP. Chanoines Réguliers. Les Chroniques des Grandes Baies donnent une description des poissons que l’on pêchait à Nominingue. Alors qu’il y avait eu beaucoup de brochets on en trouvait moins. On trouvait de superbes truites, des salmonidés et des poissons blancs; ce n’est pas très précis.





Le premier numéro de L’Ami du Colon est paru le 8 juin 1906. À partir de cette date on va trouver chaque semaine des informations très précises sur la vie à Nominingue et alentour. Il y avait de nombreux commerces qui annonçaient leurs services, voici quelques publicités du premier numéro:


Le 15 juin le programme des grandes fêtes de la colonisation organisées par la Coopérative à Nominingue les 20, 21 et 22 juin a été publié avec l’horaire et le coût du train pour s’y rendre.

Pension Martineau, restaurant A. Constantineau, hôtel Pominville, Villa Bellerive, hôtel Central – central house (le seul à annoncer dans les 2 langues), hôtel du Nominingue, il y en a d’autres sur les autres pages, les services aux touristes étaient déjà nombreux. Il y avait beaucoup plus de commerçants qu’aujourd’hui, épicierie, boucherie, magasin général, tailleur, photographe…

Chaque semaine une page du journal était consacrée aux nouvelles régionales. Le joli yacht de M. Dansereau a brûlé, l’autre semaine, jusqu’à la ligne de flottaison, au moment où on l’appareillait pour faire le service des excursions pendant les fêtes. Ce regrettable accident a été cause que ce service d’excursions, à notre très vif regret, fit particulièrement défaut. Le yacht L’Hirondelle était devenu la propriété du baron d’Halewyn après avoir été radoubé. La Compagnie Générale Transatlantique où ont travaillé mon grand-père et mon arrière-grand-père faisait de la publicité dans ce tout petit journal pour annoncer ses paquebots traversant l’Atlantique.


MM. Multo et Blain, qui habitèrent autrefois Nominingue, puis nous quittèrent pour les colonies françaises de l’Algérie, annoncent leur retour au milieu de nous, avec toute leur famille. M. Cornut, fils, on se le rapelle, fut aussi de cette fugue algérienne mais il ne tarda pas à nous revenir. L’honorable M. Alphonse Desjardins, C.P., ancien ministre fédéral, ancien maire de Montréal, etc. suivait avec intérêt la création de la Coopérative des Colons du Nord.



Les délégués de la coopérative sont venus à Montréal présenter à la chambre de commerce leur projet de château fort de la race française. Beaucoup de maisons et commerces étaient en construction à Nominingue et la construction d’une nouvelle église était prévue pour le printemps.


C’est la municipalité qui devait maintenant entretenir les chemins et les ponts. Le pont du lac St-Joseph nécessitait des réparations à chaque année et la somme de $400 a été votée pour l’ouverture d’un chemin nouveau afin d’éviter ce pont. On nous apprend que M. Farmer ci-devant représentant des compagnies Perley et Riordan à Labelle a formé un syndicat qui va bâtir et mettre en exploitation une scierie au hameau Bellerive sur la propriété de M. Frs. Viau. Il y avait des gisements de graphite dans la région de Nominingue, ils sont toujours là.



MM. Morin et Lefebvre avaient acheté une coupe de bois d’une dizaine d’acres et construit une nouvelle scierie mécanique sur la Pointe des Pères; ils se proposaient d’y mener rondement le travail d’abattage du bois. La maison des colons était en construction à côté de la gare et de la demeure de M. Damour, chef de gare. Le Pacifique Canadien faisait construire une salle d’attente et de réunion pour ses employés à côté du réservoir. Le gouvernement provincial avait offert à la municipalité une puissante machine à chemins mais elle ne semble pas avoir été très utile, elle traînait dans un terrain vague. La municipalité envisageait de construire un garage pour l’entreposer de peur d’être poursuivie par le gouvernement si elle s’endommageait.



On n’oublie pas qu’un règlement de notre municipalité prescrit que tous les trottoirs devront être complétés dans notre village avant septembre 1907, ou pour mieux dire dès le printemps… On annonce que la Laurentides Lumber Co va faire construire une nouvelle scierie au lac Bourget. Il y avait déjà des clubs sportifs l’hiver et l’été. Cet hiver là il y avait une patinoire sur le grand lac à la baie Richard, une arène de course, des courses en yacht à voile. Les jockeys du village projetaient d’entretenir une piste pour y tenir des courses de chevaux.



Dans une autre lettre conservée aux archives du Canada W. Laurier donnait son accord pour le devis de construction de la maison des immigrants déposé par Zotique Gauthier au montant de $3.400.
L’année 1906 se termine par une prière pour la France où les catholiques se font martyriser à cause de l’adoption de nouvelles lois de laïcisation de la société. La photo du Lake View Cottage à Bellerive-Station est datée entre 1904 et 1908 c’est la plus ancienne photo de Nominingue conservée par la BANQ, on peut présumer qu’elle date à peu près de fin 1906 ou 1907.


Le Comité des Gares de Nominingue a publié un CD réalisé par Jacques Larivière contenant 358 photos anciennes de Nominingue (je crois qu’une nouvelle version de cette collection a été faite depuis que je vais me procurer cet été). En voici quelques unes de l’année 1906:




Je prévoyais publier une troisième partie à cette recherche (1900-1910) en m’inspirant du drame en trois actes Les pionniers du Lac Nominingue. Mais je trouve tellement d’informations intéressantes que mon article deviendrait trop long. La vie à Nominingue et dans ses alentours va être détaillée chaque semaine par le journal L’Ami du Colon renommé Le Pionnier en 1907 jusqu’à la fin de sa parution en 1912. Je vais prendre une pose mais le sujet est tellement intéressant que je vais poursuive la recherche.
Tout un travail et documents à consulter. Merci Guillaume.
Merci Guillaume ainsi que toi André de nous partager les récits fantastiques des gens qui sont venus colonisés notre beau coin de pays,pour les passionnés d’histoire faite la lecture de toutes ses belles chroniques qui nous font apprendre bien des choses sur Nominingue et ses alentours.
Bravo
Merci pour cette abondance d’informations, Jacques et moi avons appris beaucoup sur l’histoire de Nominingue. Merci encore
Thérèse Gobeil et Jacques Larivière
Le compte rendu de ces reportages médiatiques sur la vie des premiers habitants de Nominingue est une source d’informations des plus intéressantes. Beaux travaux!
Bonjour,
Est-ce que vous avez la possibilité de retracer qui a colonisé le Lac Nominingue Lac David il s’agirait du rang 7, lot 18, 130 hectares en bordure du lac David. Mon grand-père y serait arrivé à l’âge de 7 ans en juillet 1909 il se nommait Edouard Charles Joseph Pouchet, il était avec sa mère Leone Constant Beaudet et sa fille Marguerite. Son père arrivé de Ferté Massé, Orne, Normandie, France en septembre 1908 il se nommait Edouard Leon Pouchet.
Des articles de presse ou autres documents m’intéresseraient.
Lors de la fête des français du 14 juillet 1909 le journaliste du journal Le Pionnier signale bien la présence d’un Pouchet:

Je n’ai pas trouvé d’autre information.