Le premier train de Rawdon en 1852
Le 1er mai 1850 le train construit par Barthélémy Joliette pour transporter le bois de ses moulins à partir de Industry Village (Joliette) jusqu’au Saint-Laurent à Lanoraie était inauguré. B. Joliette décédait le 21 juin. J.-H. Dorwin propriétaire de moulins à scie à Rawdon a dû être fortement impressionné car il fonda la même année la Industry Village and Rawdon Railway pour prolonger la ligne de Joliette vers Rawdon afin de pouvoir lui aussi transporter son bois facilement jusqu’au fleuve. Dans la revue Canadian Rail de janvier 2011 on trouve un historique de cette ligne de chemin de fer.
Jedediah Hubbell Dorwin
Jedediah Hubbell Dorwin était un important entrepreneur forestier qui avait des moulins à Rawdon situés à la chute qui porte son nom. Il avait aussi des concessions de coupe de bois le long de la rivière Ouareau; un chemin de chantier longeant la rive Est de la rivière portait son nom.
Il est déjà actif à Rawdon en 1845 quand il dépose une pétition au Parlement avec d’autres propriétaires de moulins à scie. C’est un gros marchand de bois avec des moyens importants.
J.-H. Dorwin avait des relations, en 1846 il était membre de la Grande Loge des francs-maçons de Montréal avec l’establishment d’affaires de la colonie. Peter McGill était Grand Maître.
1850 – Incorporation de la compagnie
Le projet de J.-H. Dorwin et ses associés va être très bien documenté dans la presse, principalement dans le Montreal Herald ans daily commercial gazette. Lors d’une assemblée en mai 1850 une résolution est prise. En juin une pétition a déjà été déposée au parlement pour prolonger la ligne Lanoraie – Joliette jusqu’à Rawdon. La compagnie aura besoin d’exproprier des terrains pour le passage de la ligne.
En septembre la compagnie Industry Village and Rawdon Railroad annonce qu’elle va vendre des actions. Elle a été incorporée en 1850.
Les premiers responsables de la compagnie sont Dorwin, John Jefferies, Alexander Daly et Samuel Anderson, des notables de Rawdon.
1851 et 1852 – La construction de la ligne
Dès janvier 1851 de longs articles sont publiés dans la presse pour faire connaître le projet. On y trouve des informations sur la vie à Rawdon et sa région à cette époque:
Le 21 mai une nouvelle annonce est faite pour la tenue de l’assemblée des propriétaires. De nouveaux notables se sont joints au projet.
Le 31 mai les directeurs de la compagnie élus sont J.-H. Dorwin, Jno. Ostell et J.H. Joseph de Montréal, Jas. Delanaudière d’Industry, Alex. Daley (plutôt Alexander Daly agent des Terres de la Couronne de Rawdon), tous esquires. Puis le 10 juin les postes sont précisés: Dorwin président, Ostell vice-président, Joseph trésorier et Jno. Rogan secrétaire. Les actionnaires doivent faire 3 paiements de 10 shilling par part au cours de l’année 1851 pour financer les travaux.
Les travaux commencent pendant l’été 1851 et se poursuivent en 1852:
Les plans des travaux
Des plans très détaillés des travaux sont aux Archives Nationales du Québec et on peut les consulter sur le site BANQ:
- Section 1. Industry village & Rawdon railway de Joliette à St-Liguori
- Section 2. Industry village & Rawdon railway de St-Liguori à Rawdon
Ce sont des fichiers très volumineux que je ne peux pas afficher sur ce site mais voici quelques détails (attention les cartes ne sont pas orientées nord-sud):
Le point d’arrivée de la ligne à Rawdon selon ce plan semble se trouver près du croisement des routes 341 et 348. Mais la fin du tracé est en pointillé, il n’a pas été réalisé. Les constructeurs se sont arrêtés au pied des montagnes où il y avait des moulins sur la rivière Rouge.
C’est ce qu’on a appelé le Village Montcalm non loin de l’intersection du rang Montcalm et du 4ième rang.
Dans le village d’Industrie (Joliette) la ligne traversait la rivière L’Assomption en aval du pont des Dalles pour rejoindre la gare. La rue L’Assomption s’appelle aujourd’hui Base-de-Roc et la gare du train vers Lanoraie se trouvait sur le boulevard Dollard actuel.
À partir du 1er août 1851 jusqu’à la fin de 1852 J.-H. Dorwin agissant comme représentant de la compagnie a acheté les portions de terrain nécessaires pour le passage de la ligne.
L’inauguration de la ligne
La presse raconte l’inauguration de la ligne. Partis de Montréal à bord du « Jacques Cartier » les invités (60 gentlemen) sont arrivés à Lanoraie à 11 heure où le train pavoisé de l’Union Jack les attendait.. Le voyage se fait à 15 miles à l’heure. Après une pause à l’Industrie pour visiter les 2 manoirs, le collège et le marché construits par Bathélémy Joliette, les visiteurs sont repartis pour Rawdon (village Montcalm) où un repas substantiel leur a été servi dans une ferme.
À 17 heure tout le monde est de retour à bord du bateau pour retourner à Montréal. Des discours sont faits à bord où on souligne le coût de construction de 741£ par mile qui en fait la ligne la moins chère jamais construite.
En 1853 les administrateurs de la compagnie ont publié des rapports pour les 2 premières années d’exploitation. On y trouve des détails sur les coûts de construction et les difficultés rencontrées.
J’ai trouvé des traces du fonctionnement de la compagnie jusqu’en janvier 1857 quand un infortuné actionnaire se plaint que l’assemblée légale n’a pas eu lieu. Il semble que la compagnie ait fait faillite et que la ligne ait été abandonnée vers cette date.
En fait le projet n’a jamais été complété jusqu’à Rawdon. L’inauguration avait eu lieu au village Montcalm au coin du 4ème rang et du rang Montcalm actuel et les travaux n’ont pas pas été entrepris dans le terrain montagneux plus difficile.
L’abandon de la ligne
En 1855 une nouvelle compagnie a été incorporée par Dorwin, L’Assomption River and Railway Company pour construire une nouvelle ligne vers la tête des rivières L’Assomption ou Ouareau qui viendrait se connecter au réseau existant à St-Paul. Mais on ne trouve pas d’information sur la suite, savoir si des travaux ont été entrepris.
Dans le Rapport du Commissaire des Terres de la Couronne 1856 on voit que J.-H. Dorwin est associé à Peter McGill pour des concessions de coupe sur les rivières Lacouareau et L’Assomption.
En avril 1858 J.H. Dorwin publie une annonce pour vendre une locomotive, on peut supposer que la ligne ne fonctionnait plus à cette date. On peut s’adresser à Peter McGill ou à J.H. Dorwin.
Dans la biographie de Jedediah Hubbell Dorwin il est dit qu’il a quitté Rawdon à la suite d’un violent incendie qui aurait détruit ses moulins en 1859. J’ai trouvé ces annonces dans lesquelles les moulins et les concessions de bois de Rawdon sont à vendre, d’abord par Dorwin puis par les héritiers de Peter McGill. Dans la dernière annonce c’est la ferme de la chute Dorwin avec toutes les installations qui sont à vendre. 177 miles carrés de réserves de bois ce n’est pas rien, un canton c’est 100 miles carrés.
Le 9 août 1860 Edouard Scallon, Gaspard DeLanaudière et d’autres notables du village d’Industrie ont déposé un protêt contre Peter McGill qui avait racheté les biens de la compagnie du train vers Rawdon en faillite. Il avait commencé à enlever les rails pour les vendre mais des citoyens du village d’Industrie avaient donné des terres pour le passage de la ligne, ils n’étaient pas d’accord. Le 10 janvier P. McGill avait racheté à l’encan les biens de la compagnie à la condition expresse que le dit chemin de fer du village d’Industrie et de Rawdon ne servirait et ne serait employé à d’autre usage ou fin que celui d’un chemin de fer…
En février 1863 un procès entre James McCutcheon (McGill) et la St-Lawrence and Industry Village Railroad company à propos du démantèlement et la récupération des rails de la ligne Rawdon – L’Industrie.
En 1874 pour un projet de ligne vers Rawdon quelqu’un fait remarquer que l’ancien nivellement du chemin de fer existe encore sur presque toute sa longueur et pourrait être réutilisé.
Dans la Gazette officielle du Québec (page 23) du 30 janvier 1886 on lit que les héritiers McGill étaient poursuivis pour ne pas avoir payé les taxes sur des terrains leur appartenant rue St-Antoine à Joliette. Il s’agit des terrains du chemin de fer (525, 534, 537 et 542) pour arriver dans Joliette et traverser la rivière L’Assomption pour aller rejoindre la ligne menant à Lanoraie (voir le plan de Joliette plus haut):
Joseph Bouchette (fils?) a dessiné en 1858 un ensemble de cartes, Map of part of the Province of Canada from Quebec to Anticosti, qui montre le tracé de la ligne jusqu’à Rawdon. En fait le dernier tronçon n’a jamais été construit, la ligne arrêtait au village de Montcalm. À cette époque Montcalm était aussi important que St-Ambroise et St-Liguori ne figure pas sur la carte.
Peter McGill
En faisant cette recherche je me suis rendu compte que Peter McGill était très présent dans l’économie de la région de Rawdon. Associé avec Dorwin il avait des droits de coupe sur le bois situé au nord de Rawdon le long de la rivière Ouareau.
Aux Archives du Québec on trouve aussi un plan d’un moulin appartenant à Peter McGill situé sur la rivière Ouareau à St-Liguori: Oldham Farm Belonging to the Estate of the Late Hon. P. Mc Gill Situated in the Parish of St. Ligori in the Seignory of St. Sulpice Canada East. Lire: le moulin de Peter McGill à St-Liguori
Le moulin de Peter Mc Gill était donc lui aussi situé à côté de la ligne de chemin de fer. Son abandon explique peut-être pourquoi les héritiers de Peter McGill décédé en 1860 ont mis en vente Oldham Farm et les concessions de bois.
Dans l’hommage rendu par les francs-maçons de Montréal à Dorwin en 1883 il est précisé qu’il a commencé à faire affaire avec Peter McGill en 1840.
Lire: L’exploitation industrielle du bois sur la rivière Ouareau
Le premier P’tit Train du Nord entre Lanoraie et Rawdon en passant par L’Industrie.