La ville de Joliette aime beaucoup commémorer son histoire. En 1923 elle a fêté le centenaire de sa fondation, puis en 1964 elle a encore fêté son centenaire, celui de son incorporation. En 1973 elle a oublié de fêter le 150ème de sa fondation, mais pas en 2014 pour le 150ème de l’incorporation. En 2023 elle célèbre le 200ème de sa fondation et le maire a promis une programmation qui passera à l’histoire. Les commémorations de 1964 ont été les plus grandioses jamais organisées.
Les pylônes du centenaire de 1964
Chaque commémoration est marquée par le legs d’un monument aux générations futures. En 1964 ce fut la création des pylônes des commissaires du centenaire. On peut les admirer quand on entre dans Joliette en venant de St-Paul par le boulevard de l’Industrie (route 343).
Dans le cadre des fêtes entourant la célébration en 1964 du centenaire de l’incorporation de la Ville de Joliette, de nombreux projets furent initiés. L’un d’eux est annoncé en novembre 1963 : la création des pylônes du centenaire.
Ville de Joliette
Le boulevard de L’Industrie porte bien son nom, c’est une zone industrielle. En 1964 la Ville de Joliette avait prévu que l’autoroute 40 serait relié à la ville par Lavaltrie et St-Paul et que la boulevard de L’Industrie serait l’entrée principale pour y accéder. Mais ce n’est pas ce qui a été fait et les pylônes se sont retrouvé au bord d’un boulevard industriel à la sortie de la ville. Ils ont failli être démolis en 1998 lors de l’élargissement de la route 343 mais ils ont pu être sauvés grâce à la mobilisation des citoyens de Joliette qui tenaient à leurs pylônes.
Le MTQ procède finalement au démantèlement des colonnes. L’état des colonnes empêchant leur déplacement, elles sont reconstruites après les travaux d’élargissement de la chaussée. Pour les déplacer d’un mètre, le coût de ces travaux est estimé à 40 000 $. Les colonnes sont inaugurées de nouveau le 6 décembre 1999 avec les plaques originales, qui se font face de part et d’autre du boulevard en présence de représentants de la Société d’histoire, de la mairesse de Joliette Danielle Laferrière, du député Guy Chevrette et d’André Sanschagrin, ingénieur du ministère des Transports.
Tant qu’à les reconstruire la Ville aurait pu les déplacer dans un endroit plus intéressant mais ce sont des monuments historiques et la Société d’Histoire ne l’aurait sans doute pas permis.
La commission des fêtes du centenaire de Joliette
Les fêtes de 1964 ont été grandioses car elles ont été préparées longtemps à l’avance. En janvier 1963, un an avant les fêtes, le comité d’organisation a été formé et a commencé à s’activer. Il y avait alors une presse régionale vivante avec 2 journaux à Joliette: L’Étoile du Nord et L’Action Populaire. Ces journaux participaient à la vie sociale et culturelle de la région. J’ai choisi quelques articles de L’Action Populaire pour illustrer ces commémorations, il en est paru beaucoup d’autres, à Joliette et dans la presse nationale.


Quand en janvier 1964 la liste des membres de la commission a été publiée, on voit que c’est toute une organisation qui avait été mise en place avec de nombreux comités réunissant chacun des bénévoles. Il y avait même une femme présidente d’un comité, celui des réceptions. Ils auraient aussi pu en nommer une pour le Comité des Nouveaux-Nés mais c’est un docteur qui a été choisi.
La préparation du centenaire en 1963






En réalité c’est le 15 octobre 1863 que le Village d’Industrie est devenue officiellement la Ville de Joliette et ce centenaire a aussi été célébré par une démonstration monstre sur la place du Marché. En 1964 on va plutôt fêter la première séance du conseil municipal de janvier 1864. Tant qu’à fêter toutes les occasions sont bonnes.



On ne voit pas beaucoup de femmes sur ces photos, même le comité des ambassadeurs de l’embellissement était exclusivement masculin.

Les tirages organisés par le comité de la Monnaie du Centenaire suscitaient peu d’intérêt, les commerçants ont décidé de mousser sa publicité par un coup d’éclat.


Dans son communiqué de mai 2023 la ville de Joliette a présenté la programmation des fêtes du bicentenaire, il tient en quelques lignes. Le programme des fêtes de 1964 prévoyait des activités tout le long de l’année, en commençant par un carnaval d’hiver.

La boîte à chansons Le Cabastran située sur le boulevard Base de Roc présentait Pauline Julien le 28 décembre et Claude Gauthier le 4 janvier, en mars ce sera Jean-Pierre Ferland. Il y avait une vie culturelle intéressante à Joliette en 1964.

Le carnaval d’hiver 1964
L’année du centenaire a commencé par un carnaval d’hiver programmé du 5 janvier au 16 février, Joliette hiver 1964.

Le programme des fêtes était déjà établi mais les organisateurs invitaient les citoyens à trouver des idées originales.

Pendant toute l’année du centenaire le journal L’Action Populaire a publié un supplément hebdomadaire de 4 pages, La Ruche pour commenter et illustrer les activités.
On y trouve des compte-rendus avec des photos, des chroniques historiques, des anecdotes, c’est impossible de tout montrer.




Pour souhaiter ses joyeuses Pâques à ses lecteurs L’Action Populaire a publié une magnifique illustration qui montre que déjà en 1964 Joliette avait été rejoint par la modernité. L’Action Populaire était le journal catholique de Joliette supervisé par l’évêché.

Tous les artistes de Joliette ont été bénévoles pour l’organisation des fêtes. Les écoliers et les collégiens ont écrit des poèmes et des scènes de théâtre pour animer les activités. François Lanoue de la société d’histoire avait écrit cette saynete (courte pièce sans prétention).


En mai il y a eu un grand bal en costume d’époque. Le journal a présenté les jolies débutantes, dont Reine Malo future vedette de la télévision.


Dans chaque exemplaire de La Ruche il y a une section historique avec des illustrations anciennes. La salle des Zouaves existe toujours rue Lajoie alors que la maison du juge Baby a été remplacée par l’hôtel-de-ville.


À cette époque les feux d’artifice étaient plus rares. Une semaine avant le journal présentait la description détaillée du spectaculaire feu d’artifice du centenaire qui allait être tiré au Stade Municipal à 11 heures du soir pour la St-Jean-Baptiste. 15.000 spectateurs s’étaient déplacés.


Le Théâtre des Prairies dirigé par Jean Duceppe participait à la fête avec la présentation de la pièce Guillaume le confident avec Catherine Bégin, Janine Sutto et Albert Millaire.



Le legs aux générations futures
En 1965 la Commission du Centenaire a fait le bilan de ses activités et des recommandations. Le bilan financier était positif laissant un surplus; la commission recommandait la création d’un musée municipal pour conserver les souvenirs de Joliette. Le maire a aussi demandé que les Colonnes des Commissaires du Centenaire soient achevées.

Au mois d’octobre le maire a enfin annoncé que les colonnes du boulevard de L’Industrie étaient terminées et que les plaques seraient dévoilées. Il a aussi annoncé que dorénavant le 15 octobre serait la Journée Joliette et que chaque année une couronne serait déposée au pied du flambeau de la Place Bourget inauguré pendant les fêtes de 1964.

Les colonnes constituent un diptyque fait de pierres-ciments et de moellon, avec un couronnement fait de feuilles de cuivre, sont surmontées d’une lampe électrique avec un globe en forme de flamme. Quelques années plus tard, les plaques sont vandalisées et disparaissent. Le système d’éclairage des flambeaux est remis en marche. Le service d’horticulture confectionne un aménagement paysagé autour des colonnes, sur lesquelles est apposé un élément de fer forgé portant le logo de la Ville de Joliette.
À l’instar d’autres villes comme Saint-Hyacinthe ou Québec, Joliette possède ainsi ses portes d’entrée.
Ville de Joliette
Le docteur J. Édouard Gervais avait été chargé de rédiger un album souvenir des commémorations du centenaire de près de 200 pages. Il est disponible à la bibliothèque de Joliette et très intéressant à consulter; j’en possède un exemplaire que j’utilise pour mes recherches.








La Ville de Joliette avait aussi planté un arbre du centenaire en 1964, il est toujours là devant le collège. Il a bien poussé mais on voit qu’il penche à gauche, son voisin l’empêche de prendre toute son amplitude. C’est peut-être l’arbre du centenaire de 1923 qui le gêne mais il n’y a pas de plaque commémorative.
Les autres anniversaires de Joliette
Les commémorations de 1964 avaient mobilisé toute la ville, en 1973 pour le 150ème anniversaire de la fondation de la ville il semble qu’on ait oublié de commémorer. C’est un peu ce qui se passe en 2023, la ville a commémoré son 150ème anniversaire d’incorporation en 2014 et en 2023 le 200ème n’intéresse plus grand monde. Ça fait trop de commémorations trop rapprochées et on ne sait plus très bien ce que l’on fête.
Surtout qu’en 2014 ça s’était moins bien passé. La Société d’Histoire de Joliette avait publié un album de photos anciennes mais il y avait tellement d’erreurs dans les légendes des photos que le journal L’Action a publié un article pour le critiquer. La Ville de Joliette a ensuite financé la publication d’un livre sur l’histoire de Joliette mais il y avait là aussi trop d’erreurs. Il a fallu le refaire et envoyer un nouvel exemplaire à ceux qui l’avaient acheté.

J’ai été très impressionné par le nombre de bénévoles qui ont participé aux fêtes de 1964. La vie culturelle était bouillonnante à Joliette, le commencement de la Révolution Tranquille. La publication de l’illustration de la pin-up en première page du journal catholique pour le jour de Pâques aurait été inimaginable quelques années plus tôt.