Le 8 septembre 2014 le conseil de la nation atikamekw a déclaré unilatéralement la souveraineté de la nation atikamekw sur le Nitaskinan, son territoire ancestral. Avant 2014 les québécois ne connaissaient pas les atikamekw, aujourd’hui plus personne au Québec n’ignore leur existence et les problèmes qu’ils vivent. Ça vaut donc la peine de s’affirmer et de se prendre en main.
Ils sont les gardiens de la forêt.
Quand les premiers défricheurs sont arrivés, il y avait déjà du monde dans les forêts des Laurentides, c’est certain. Dans Le bas du ruisseau Vacher – Ste-Marie-Salomé, Thérèse Melançon-Mireault raconte:
Les indiens-Iroquets, de la tribu des Têtes-de-Boule s’acclimatèrent assez bien de la présence des Acadiens. Pendant un demi-siècle, ils cohabitèrent sur le même territoire… Cependant vers 1824, la dernière famille indienne quitta les parages pour rejoindre d’autres nomades campés à Rawdon. Ces derniers s’enfoncèrent de plus en plus dans les réserves forestières du nord, alors que la civilisation les y contraignait.
Atikamekw (Tête-de-Boule). Vers 1972, les cris vivant dans la région du Bouclier, sur le cours supérieur de la rivière Saint-Maurice, au Québec, décident de reprendre le nom « Atikamekw» (poisson blanc) utilisé par leurs prédécesseurs au XVIIe siècle et d’abandonner le nom « Tête-de-Boule », d’origine incertaine, qui leur avait été attribué à partir de 1697. (Encyclopédie Canadienne)
À Chertsey j’ai trouvé la trace de plusieurs familles amérindiennes dans les archives sans que leur appartenance à un peuple ne soit mentionné. Eux aussi sont partis plus au nord: la vie déjà dure est devenue de moins en moins facile pour les premiers occupants.
Aujourd’hui ils en ont assez et il faut les comprendre. C’est ce que rapporte Radio-Canada: Coupes forestières, le ras-le-bol des Atikamekw

Déclaration de souveraineté
Donc en 2014 ils ont présenté leur déclaration de souveraineté. Ils forment une nation eux aussi mais personne ne les respecte. Ils essaient donc de se prendre en main et ça donne des résultats. Avant 2014 personne ou presque ne connaissait leur nation; aujourd’hui plus personne au Québec ne peut l’ignorer.
Atikamekw Nehirowisiw

Accepter l’altérité
Les québécois savent qu’ils ne sont pas comme les autres canadiens, ils pensent autrement. Ils devraient donc plus facilement accepter la différence.
Pendant longtemps nous avons méprisé le mode de vie des atikamekw, certains de notre supériorité. Vu l’état de la planète aujourd’hui nous ne pouvons plus être aussi arrogants. On nous a toujours présenté les amérindiens comme des robineux un peu dégénérés et profiteurs, la mort de Joyce Echaquan a bien montré tout ce mépris et ces préjugés.
Mais la nation atikamekw aujourd’hui ce n’est pas ça. C’est une nation très jeune et qui s’éduque, elle aussi, en essayant de conserver ses valeurs ancestrales. Elle est beaucoup mieux outillée pour se défendre mais c’est quand même une petite nation fragile dont nous devrions prendre soin, c’est notre biodiversité.
Pour affronter le changement de mode de vie qu’on nous annonce nous aurons peut-être bien besoin du savoir-faire de nos voisins atikamekw demain.
Les photos viennent de la déclaration de souveraineté déposée à la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics.
Le mot sauvage désignait d’abord un habitant de la forêt (sylva) avant de devenir un mot méprisant. Les atikamekw se battent aujourd’hui contre l’industrie forestière dirigée par des gens soi-disant civilisés qui gèrent le territoire sauvagement en ne respectant plus rien.
Leur combat est aussi le notre, nous devrions les aider à protéger ce bout de territoire que les aléas de l’histoire leur a attribué, c’est ce qu’ils espèrent.
Histoire amérindienne
Il y avait des habitants dans la forêt avant que les colonisateurs viennent habiter les Laurentides. Ils parcouraient les rivières en sillonnant tout le territoire. À Chertsey sur les 3 chutes de la rivière Jean-Venne je suis presque certain, après avoir observé les bords de la rivière où j’ai habité pendant 8 ans, que les lieux ont déjà été très habités et pendant très longtemps.
J’ai alerté la municipalité et le Ministère de la Culture mais personne n’est jamais venu voir de quoi je parlais. Je ne peux pas dire si c’est juste un désintérêt total pour l’histoire ou si c’est parce que l’histoire des amérindiens n’intéresse personne. En tout cas j’ai trouvé cette expérience très dérangeante: dans un pays normal les vestiges archéologiques sont pris au sérieux, surtout si ils sont anciens.
Et en étudiant l’histoire régionale on a toujours l’impression que la présence des autres, les autochtones, a été gommée. On ne les trouve mentionnés que très anecdotiquement, comme si ils n’étaient que des guides utiles, de passage, sans familles. Lire Jean Venne un amérindien?

Mais ils ont toujours habité le territoire, on ne peut plus les ignorer.
À Nominingue une association a invité la population de la région à venir montrer les objets d’apparence amérindienne trouvés par hasard. Il y en a eu pas mal et un projet archéologique intéressant a vu le jour: Les Gardiens du Patrimoine Archéologique des Hautes-Laurentides. Le patrimoine c’est un tout diversifié, qui comprend l’histoire et la nature. Reconnaître que l’Autre a aussi une histoire et une philosophie, c’est une façon constructive d’amorcer la réconciliation.
Le territoire de Joliette concédé à un indien
En 1870 le marchand de bois J.H. Dorwin parle de Rawdon autrefois et il raconte que Sir William Johnson, superintendant des Affaires Indiennes pour les colonies du Nord, a donné un territoire à un indien en 1762 pendant la guerre entre la France et l’Angleterre.
Pendant cette guerre et les autres les amérindiens ont été manipulés pour servir de troupes par les 2 camps puis on les a oubliés quand on n’avait plus besoin d’eux.
Le territoire concédé est décrit ainsi:
Il commence à la jonction de la rivière Ouareau et de la rivière L’Assomption 20 miles vers le nord et 15 miles de chaque côté comme terrain de chasse et de pêche.
Traduction approximative
Si M. Dorwin dit la vérité il faut bien admettre que Joliette et ses alentours sont un territoire concédé à un peuple amérindien pour services rendus à la nation anglaise! Les conquérants de cette époque ne se préoccupaient pas trop de savoir si ils concédaient un territoire déjà habité.

Les gardiens de la forêt
Un autre article sur la déforestation de l’Amazonie souligne lui aussi l’importance des peuples indigènes pour la sauvegarde des forêts:
Mais l’une des meilleures solutions est l’expansion des réserves des peuples indigènes, les gardiens de la forêt avec laquelle ils vivent en communion. Le Brésil compte 700 réserves indigènes, qui couvrent près d’un quart de l’Amazonie.


Revue de presse 1829-1866
Pour trouver trace de la nation atikamekw dans les archives il faut chercher le terme Têtes-de-boules puisque que c’était ainsi qu’on les nommait à cette époque. À la BANQ on trouve des articles à leur sujet à partir de 1829, en voici un exemple datant de 1833. En général ce n’est jamais très gentil mais il y a des exceptions:
Voici d’autres articles trouvés dans la presse entre 1829 et 1866:











Attikamègues, atikamekw, têtes-de-boules, le conseil de la nation atikamekw a fait une mise au point après la parution d’un ouvrage historique les concernant. Même leur histoire ne leur appartient pas, elle est revue et corrigée!
Très intéressant.
On devrait pouvoir le publié sur Facebook pour augmenter l’audience.
Qu’en penses-tu?
Je suis heureux d’avoir des lecteurs mais je ne cherche pas à faire de l’audience. Mes articles sont longs et difficiles à lire, les gens sur Facebook s’attendent à un titre, un punch et une image, ce n’est pas mon media. J’écris avant tout pour me distraire et m’occuper, et tant mieux si de temps en temps on me dit que c’est intéressant, merci.
Bonjour,
Bravo pour cet article passionnant.
L’indifférence envers la nation atikamekw est une histoire bien triste.
En espérant que les nouvelles générations réussissent à faire entendre leur voix.