Toute petite île du Pacifique, Nauru connaît une histoire qui résume à elle seule toute l’histoire de la mondialisation et du réchauffement climatique. J’ai découvert cette histoire dans le livre « Tout peut changer » de Naomi Klein.
Toute petite île du Pacifique-Sud de 21 kilomètres carrés et 10.000 habitants, Nauru a obtenu son indépendance en 1968 devenant le plus petit pays au monde.
La richesse
Située sur la route des oiseaux migrateurs l’île s’est couverte avec les siècles d’une épaisse couche de phosphate naturel très riche, le guano, qui en fait un paradis agricole. L’exploitation industrielle des phosphates a commencé après la guerre de 1914 et l’île et ses habitants ont connu la prospérité. En 1985 Associated Press annonçait que les Nauruans jouissaient du PNB le plus élevé au monde. Le chef de police se promenait en Lamborghini, on mangeait de la nourriture importée au restaurant, rien de trop beau.
Le désastre écologique
Pourtant dès 1960 après 40 ans d’exploitation par les puissances coloniales tout le centre de l’île n’était plus qu’un immense cratère et les habitants se trouvaient coincés entre l’océan et la mine sur une mince bande de terre. Plus moyen de faire pousser quoique ce soit pour se nourrir, la mine commençait à s’épuiser et il a fallu ralentir l’extraction. Les experts prévenaient même alors que les Nauruans ne pourraient pas survivre sur leur île une fois la mine épuisée soit dans 30 ou 40 ans maximum mais qu’ils pourraient déménager en Australie, après tout ce n’étaient que quelques insulaires isolés.
La descente aux enfers
En accédant à l’indépendance en 1968 les habitants de l’île ont refusé le destin prédit et tenté de se reprendre en main. Ils ont alors décidé d’investir les profits de la mine qui leur appartenait maintenant dans l’immobilier à l’étranger, ils pensaient pouvoir ainsi assurer l’avenir de leur pays après la mine. N’étant pas experts financiers ils se sont fait avoir bien évidemment et ont tout perdu. Ils n’ont pas échappé non plus à tous les problèmes de corruption qui existent dans les sociétés bouleversées.
La fuite en avant a continué. Dans les années 90 pour se renflouer l’île est devenue un centre de blanchiment d’argent pour la mafia russe en plein essor à cette époque. Puis l’île a survécu en servant de camp de détention pour les migrants voulant entrer en Australie. Afin de décourager les candidats à l’immigration sauvage l’Australie a mis en place une ceinture de camps de détention dont Nauru. Passer 5 ans à attendre un éventuel visa pour l’Australie sur une île perdue dans des conditions épouvantables est assez dissuasif et efficace, merci.
Solastalgia
Ce néologisme anglais se définit comme le fait d’avoir le mal du pays en restant chez soi (nostalgia + solace), un sentiment d’angoisse de ne plus reconnaître des lieux familiers dévastés.
Aujourd’hui les Nauruans sont le peuple le plus obèse de la planète, le diabète fait des ravages et la détresse psychologique est immense. Coincés entre l’océan qui monte inexorablement et le désert de la mine, ils voient leur bande de terrain rétrécir peu à peu. Ils sont le symbole même des conséquences d’une vision à court terme et de l’avidité capitaliste.
Il n’y a plus d’île paradisiaque perdue au milieu de nulle part.