La fondation de Joliette (village d’Industrie) remonte à la construction des moulins sur la rivière L’Assomption par les seigneurs de Lavaltrie Pierre-Paul De Lanaudière, Barthélémy Joliette et Peter Charles Loedel en 1823, il y aura bientôt 200 ans. C’étaient des moulins très modernes qui ont coûté cher à bâtir. Les 3 devis de leur construction sont si bien détaillés qu’on pourrait en faire une reconstitution à l’occasion du bicentenaire du village d’Industrie.
Les documents d’archives
En décembre 1822 Pierre-Paul De Lanaudière, Barthélémy Joliette et Peter Charles Loedel seigneurs de Lavaltrie ont signé 3 contrats devant notaire pour les devis de construction de ces moulins avec 3 entrepreneurs: un charpentier, un spécialiste des mécanismes de moulins et un maçon. Ces contrats donnent les détails des travaux entrepris, je vais les détailler plus loin. En voici un extrait:
Devis des ouvrages à faire pour un moulin à farine à trois moulanges, avec bluteau : un moulin à fouler & à carder; un moulin à Barly & un moulin à deux scies; pour le tout être placé dans un batiment en pierre de cent quinze pieds de long sur quarante cinq de large, à deux étages, en sus des coffres; qui doit être construit sur la rivière de L’assomption dans la paroisse de St Paul, seigneurie de Lavaltrie…
À partir du mois de juin 1824 les seigneurs de Lavaltrie ont publié dans la presse cette annonce:
Tous ces différents moulins étaient réunis dans un bâtiment spacieux. Un article paru dans la Bibliothèque Canadienne en mai 1829 parle d’un moulin à bardeaux et pas du moulin à barley, dans un bâtiment de 120 ou 140 pieds de longueur.
Il y a aussi le témoignage de Joseph Bouchette qui a visité les moulins en 1824. Il parle d’un bâtiment de 120 pieds de long contenant 3 moulanges, des moulins à grist (moulée pour les animaux) et à scie et d’une manufacture de quincaillerie pour faire des clous. Le barrage du moulin est remarquable par sa taille, sa construction et sa solidité. Il ne mentionne pas les moulins à orge, à carder et à fouler.
Histoire de Joliette dans les livres
Dans la plus récente histoire de Joliette publiée par Claude Martel en 2015 on lit:
Par rapport au devis initial, la taille finale du grand moulin sera réduite à 108 pieds de long sur 42 pieds de large, avec deux étages en pierre, assis sur la canalisation qui redirige la force hydraulique de la rivière pour alimenter les mécanismes des moulins. L’édifice abrite deux composantes, soit un moulin à scie avec une allonge de bois et un moulin à farine.
Claude Martel
Il y avait bien deux composantes à ce moulin mais il actionnait aussi un ensemble de mécanismes très moderne pour l’époque. Et c’est ce qui fait son originalité qui mérite d’être soulignée à l’occasion de ses 200 ans.
Ce plan du moulin de l’île Jésus datant de 1834 donne une idée de l’aspect que devait avoir le moulin. Le bâtiment était construit en travers du canal et ses roues à eau étaient à l’abri dans le bâtiment.
Dans le devis passé avec le spécialiste des moulins on verra qu’il y avait 4 roues à eau, 2 pour le moulin à farine et 2 pour le moulin à scie. Les autres moulins étaient actionnés par des mécanismes depuis ces 4 roues à eau.
La ville de Joliette a installé un panneau historique à la Place des Moulins qui montre leurs emplacements en 1850. Le grand moulin abritait alors un moulin à farine et un moulin à scie, les moulin à carder et à avoine étaient dans d’autres bâtiments le long de la rivière. Rien ne raconte la modernité de l’ensemble de moulins construits en 1823.
Entre 1823 et 1850 d’autres bâtiments ont été construits et le grand moulin a été transformé.
On retrouve peu d’illustrations du grand moulin, c’est le bâtiment numéroté 13 sur l’image en-haut de cette page, datée de 1881. La photo suivante date de 1893, le site avait été modifié, les bâtiments aussi.
Le contrat avec François Poitras maître-charpentier
Jacques Latendresse dans sa documentation de l’histoire de la famille Chebroux dit Latendresse a pris la peine de transcrire les 2 premiers contrats pour les devis des travaux.
François Poitras maître-charpentier de L’Assomption a signé un contrat à l’étude du notaire Joseph Édouard Faribault pour la construction d’un bâtiment devant servir de moulin sur la rivière L’Assomption paroisse de Saint-Paul. Les travaux devaient commencer le 1er juin 1823 et être terminés le 29 septembre.
Le 9e décembre 1822, marché entre Frs Poitras & P. P. De Lanaudière, B. Joliette & P. C. Loedel, Ec., en l’étude du notaire Joseph Édouard Faribault,
Dévis des ouvrages de charpenterie & menuiserie à faire pour un moulin sur la rivière de L’assomption, paroisse de St Paul, seigneurie de Lavaltrie.
Savoir : 1e Tailler & lever en bonne charpente solide un comble en croupe pour le dit moulin qui aura cent quinze pieds de long sur quarante cinq pieds de large…
Charles Chebroux dit Latendresse (1808-1900) pages 133 à 138
Un comble en croupe
115 pieds par 45 soit 35 mètres par 14 environ, c’est un gros bâtiment. Le comble en croupe signifie que les 4 pentes du toit sont inclinées et que la charpente suit une forme précise:
Le comble en croupe se termine en pan coupé ou suivant un demi-cône comme les combles d’abside d’églises. Il a deux arêtiers et deux poinçons.
La couverture
Couvrir le dit moulin en planches emboufetées & y faire dix lucarnes pour des chassis de douze verres; & recouvrir le dit moulin en bardeaux de 4 pouces d’échantillon, poser tous les chapeaux nécessaires à la dite couverture, cadrer les dites lucarnes & faire déborder la dite couverture d’au moins un pied pour éloigner l’eau des murs du dit moulin.
La couverture du bâtiment était en bardeaux de 4 pouces avec 10 lucarnes de 12 verres chacune et elle dépassait d’un pied pour éloigner l’eau de pluie. Sur la vue de 1881 le bâtiment n°13 a bien un toit en croupe avec des lucarnes.
Les soliveaux et les lambourdes
Redresser & blanchir tous les soliveaux qui seront nécessaires pour le dit moulin qui sera à deux étages en sus des coffres, & poser les soliveaux de 5 pieds en 5 pieds avec des S de fer, & poser un poteau propre au milieu de chaque soliveau pour le soutenir; & redresser & poser toutes les lambourdes qui seront nécessaires pour le dit moulin tel qu’il est mentionné pour les dits soliveaux.
Les solives sont des pièces de charpentes placées horizontalement et soutenant un plancher. Elles reposent sur un mur et une poutre ou sur deux murs opposés. Un soliveau est une petite solive destinée à remplir de grands vides ou employé dans les petites portées. Une lambourde est une pièce de charpente horizontale supportant un parquet. Cette planche en bois est fixée sur les solives et sert à fixer les frises de parquet des appartements.
Portes et fenêtres
Faire & poser trente et un cadres en bois pour les fenêtres & dix autres cadres en bois pour les portes; lesquels cadres seront de la dimention demandée pour être placés dans la maçonne, & seront blanchis, cardonné & fait bien propre; préparer & poser tous les palâtrages nécessaires pour les dites ouvertures; et tous autres bois qui seront nécessaires d’être placés dans la maçonne du dit moulin.
En plus des 10 lucarnes il y avait 31 fenêtres et 10 portes à construire. Voici la définition du mot palâtrage, celle de cardonné est introuvable.
Palâtrage, palâtre, palâtrer : le palâtrage est une opération de chantier destinée à rendre étanche le bateau en bois. Il consiste à introduire en force dans les jointures entre les planches de bordés et de sole une garniture qui assurera l’étanchéité de cette jointure. À l’origine, cette garniture était en mousse, ce qui présentait l’avantage, la mousse étant un élément vivant, de s’auto-entretenir. Cette mousse était maintenue en place et comprimée par les palâtres, planchettes de bois clouées de part et d’autre du joint. Plus tard, le palâtrage s’est fait en feutre, maintenu par des bandes de tôle galvanisée clouées comme les palâtres en bois. Synonyme : calfatage. Dictionnaire de la navigation fluviale
41 châssis
10 lucarnes plus 31 fenêtres ça fait bien 41 châssis à construire et installer.
Pour quarante un chassis au dit moulin, boiser les palâtrages, & faire & poser les jet-deme ou allèges & toutes les fenêtres , & poser les baguettes au coin de tous les ouvertures du dit moulin.
Une allège est un mur très peu épais aveuglant les compartiments inférieurs des fenestrages gothiques. Une allège sert souvent de petit mur d’appui ou de soubassement de fenêtre. Il est construit entre le sol et la partie où s’ouvre une fenêtre. Son épaisseur est moins grande que celle des murs latéraux, ou pieds-droits, encadrant cette fenêtre.
8 portes extérieures
Faire & poser quatre portes faites doubles & à cloux ouvrantes chacun en deux, de la grandeur qui sera demandée; faire & poser quatre autres portes fortes & d’assemblage à panneaux rasés & de la dimention requise; avec les chambranles.
Le chambranle est la bordure ou l’encadrement peu saillant des trois côtés d’une porte, d’une fenêtre ou d’une cheminée.
Les planchers
Faire un bon plancher de bas pour le dit moulin; faire un autre plancher blanchis d’un côté & d’affleurement de l’autre côté qui séparera le 1e d’avec le 2e étage; & faire un autre plancher de haut pour le dit 2e étage & blanchis d’un côté; tous les dits trois planchers seront emboufetés & avec de bonnes coupes & de niveau pour toute la grandeur du dit moulin.
Il y a 3 niveaux de planchers, le troisième servant de plafond aux combles, blanchis d’un côté.
6 escaliers et 3 perrons
Faire six bons escaliers solides & commodes pour l ’usage du dit moulin & trois bons pérons.
8 portes intérieures, 4 gargouillets et 300 pieds de cloison
Faire huit portes à panneaux solides & propres pour l’intérieur du dit moulin; & faire & poser trois cents pieds de cloison propre & à deux parements; faire quatre grands gargouillets avec quatre portes unies; le tout sera fait suivant les directions qui seront donnés à l’entrepreneur; cadrer toutes les dites portes & les faire férer.
Un gargouillet était un grenier servant à entreposer la farine.
Faire en charpente un pan du second étage du moulin à scie & boiser & cadrer les ouvertures qui s’y rencontreront, & l’emboisser le pan proprement.
Embosser signifie maintenir à l’ancre ou à l’amarrage un navire dans une position déterminée. Emboisser le plan proprement signifie donc peut-être de positionner une ouverture en pan au second étage du moulin à scie. Il semble que le moulin à farine et le moulin à scie sont dans le même bâtiment.
Peinture, vitrage et quincaillerie
Donner deux couches de pinture avec couverture, aux cadres, aux chassis, aux portes & volets du dit moulin; vitrer tous les dits chassis, poser toutes les ferrures nécessaires pour tout les ouvrages mentionnés au présent devis.
Finition
Refendre à la scie, tous les bois nécessaires pour faire les dits ouvrages & repasser à la hache tous les bois de charpente.
Le moulin à barly (orge)
Faire le comble du moulin à Barly, le couvrir en planches & bardeaux & pinturer, poser & préparer les lambourdes & soliveaux, faire les planchers de haut & de bas, enfin compléter toute la charpenterie & menuiserie du dit moulin à Barly.
On dirait qu’il s’agit d’un deuxième bâtiment à construire.
Logements du meunier et du scieur
Faire & poser les plinthes, appuis de chaises & corniches nécessaires dans les logements du meunier & du scieur, & aussi pour une autre chambre dans le dit moulin; et faire & poser les volets nécessaires pour les dits logements & chambre sus dit; & deux portes de cave.
Et il semble que les logements du meunier et du scieur se trouvaient dans le moulin à barly.
Les conditions du contrat
François Poitras, Mtre charpentier & menuisier, demeurant à L’assomption… le dit entrepreneur s’obligeant de commencer les dit ouvrages le premier de juin prochain, & continuer sans interruption avec un nombre d’ouvriers suffissant pour livrer les dits ouvrages fait & parfait le vingt neuf septembre prochain … à la charge par les dist Lanaudière Joliette et Loedel fournir au dit entrerpreneur à pied d’oeuvre & à son besoin, tous les bois de charpente, madriers, planches, chassis, férures, cloux, peinture, vitres, mastiques, bardeaux & autres matériaux qui seront nécessaires …
Le contrat avec David Cleveland maître mécanicien
Le second contrat passé 4 jours après l’autre avec David Cleveland père constructeur de moulins vient donner des précisions sur les mécanismes des moulins.
Le 13 décembre 1822, marché entre Sr D. Cleveland père, & P. P DeLanaudière, Barthémy Joliette & Peter C Loedel , en l’étude du notaire Joseph Édouard Faribault, Devis des ouvrages à faire pour un moulin à farine à trois moulanges, avec bluteau : un moulin à fouler & à carder; un moulin à Barly & un moulin à deux scies; pour le tout être placé dans un batiment en pierre de cent quinze pieds de long sur quarante cinq de large, à deux étages, en sus des coffres; qui doit être construit sur la rivière de L’assomption dans la paroisse de St Paul, seigneurie de Lavaltrie…
Dans son Étude historique du moulin à farine et de la maison du meunier du domaine seigneurial de Mascouche Lise St-Georges parle du maître mécanicien et meunier David Cleveland qui s’est occupé du moulin de Mascouche entre 1809 et 1819. C’était donc un spécialiste des moulins qui a été embauché pour construire les moulins de Joliette.
Moulin à farine
- Faire un grande roue à l’eau d’une proportion convenable pour faire marcher deux moulanges de quatre pieds de diamètre.
- Faire une autre grande roue à l’eau convenable pour faire marcher une autre moulange de quatre pieds & demi de diamètre.
- Faire les rouets & autres mécanismes nécessaires pour faire tourner les dites trois moulanges.
- Faire la charpente nécessaire pour les dites trois moulanges, & faire les coffres, glacis, boisures & pelles nécessaires pour les dites trois moulanges.
- Faire les trémûs, huches & garnitures nécessaires pour les dites trois moulanges, & trois escabeaux pour monter au trémûs.
- Polir les fusés en fonte; réparer, placer & ajuster les dites trois moulanges & les mettre en état de faire de la farine de la première qualité.
- Faire une cramayère pour lever les dites moulanges ; enfin faire tout ce qui sera nécessaire pour compléter le mécanisme du dit moulin à farine afin de la livrer dans le meilleur état possible.
Bluteau
- Faire un bon bluteau d’une proportion convenable pour faire de la fleur de la première qualité ; & faire tout le mécanisme nécessaire pour faire marcher le dit bluteau par eau & séparément des moulanges; faire les huches nécessaire pour recevoir la fleur & le son, ainsi la trémûs & tables nécessaires pour le dit bluteau.
- Faire le mécanisme nécessaire pour monter par eau la grose farine; enfin faire tout ce qui sera nécessaire pour compléter les dits ouvrages.
Le bluteau ou blutoir servait à tamiser la farine.
Moulins à fouler et à carder
- Faire les roues & mécanisme nécessaires pour fouler l’étoffe & carder la laine; avec le foulon, coffre, pelles, charpentes, glacis & tout ce qui sera nécessaires pour compléter le dit moulin à fouler & à carder; de manière qu’il ne restera que les cardes à fournir; même placer les dites cardes & les mettre en ouvrage.
Moulin à barly
- Faire les roues & tous autres mécanismes & instruments nécessaires pour écaler l’orge & en faire du Barly de la première qualité; faire généralement tout ce qui sera nécessaire pour compléter le dit moulin à Barly & le mettre en opération.
Moulin à scies
- Faire & poser toute la charpente nécessaire pour le dit moulin à scies & pour le coffre qui sera partagé en deux parties.
- Faire le dit coffre avec les glacis & pelles & toutes boisures nécessaires pour le dit moulin à scies.
- Faire deux roues à l’eau pour faire marcher deux scies, avec les rouets, traineaux, échâsses, tourne broches & autres mécanismes & agrès nécessaires pour faire marcher les dites deux scies .
- Faire le mécanisme nécessaire pour faire monter les billots par eau sur le dit moulin à scie & pour faire acculer les dits traineaux par eau; placer les deux scies, faire le pontage du dit moulin à scie; faire le pont pour monter les billots & deux autres ponts pour descendre le bois de sciage; enfin faire tout ce qui sera nécessaire pour livrer le dit moulin à scies tournant & travaillant & dans le meilleur état.
Canal
- Et vû qu’il se trouve un canal naturel, où seront construit les dits moulins; l’entrepreneur sera oubligé de conduire & diriger les hommes qui travailleront à élargir & creuser le dit canal, ainsi qu’à préparer la place pour les dits moulins qui marcheront avec la même eau du dit canal; l’entrepreneur s’obligeant de faire faire le dit canal de manière à fournir assez d’eau pour faire tourner les dits moulins sans aucune interruption dans aucun tems de l’année à peine de souffrir tous les dommages; & conduira les hommes qui feront un fausse-chaussé pour empêcher l’eau de la rivière d’entrer dans le dit canal afin de pouvoir faire le dit canal.
- L’entrepreneur fera la charpente nécessaire pour l’empellement qui doit être placé à l’entré du dit canal & les boisures à pontage nécessaire pour le dit empellement; & fera tous les autres charpentes nécessaires pour être placée dans deux quaies en maçonne qui seront fait à l’entré du dit canal & fera les empellements nécessaires pour recevoir l’eau de la rivière avec un fort ratelier; de plus l’entrepreneur fera la charpente nécessaire pour être placée dans deux autres quaies en maçonne qui joindront les cof fres & empellements des dits moulins; le tout sera fort & solide, afin que l’eau de la dite rivière L’assomption & l’eau du dit canal ne mine point les bords du dit canal; & fera un autre bon ratelier auprès des dits moulins. Les dits quatre quaies auront chacun cinquante pieds de long & dix pieds d e haut; & seront boisés en madriers emboufetés par le dit entrepreneur. Il est entendu que le dit canal & dépendemment, sera fait de manière à amener par eau les billots au dit moulin à scie, & ce par l’eau du dit canal.
- L’entrepreneur sera tenû de boiser en madriers emboufetés & bien joint, tous les murs des dits moulins qui se trouveront à l’eau, afin que les dits murs ne se gâtent pas.
Sur la photo on voit très bien le canal qui a été creusé et qui ne sert plus les bâtiments ayant disparu pour laisser place au nouveau moulin de l’autre côté de la rivière.
Autres ouvrages
- L’entrepreneur donnera deux couches de peinture à tous les ouvrages qu’il fera; & sera obligé de veiller à ce que le batiment qui doit être fait pour contenir les dits moulins soit construit suivant le plan qu’il en a donné.
- L’entrepreneur polira toutes les fusées & autres mécanismes de fonte et tournera tous les tourillons de fonte & tous les fers nécessaires pour les dits moulins; polira & ajustera tous les marbres des dits moulins; posera toutes ferrures & autres choses nécessaires pour compléter les dits ouvrages qu’il doit faire; fera tous modèles nécessaires pour la fonderie & le forgeron, fournira le plan pour les dits moulins & le devis de tous les bois & autres articles nécessaires.
Conditions du contrat
Fut présent Sieur David Cleveland père, Mtre constructeur de moulin demeurant à St-Henry de Mascouche … promettant de livrer les dits moulins mentionnés au dit devis, tournant & travaillant & parfaitement fini le vingt neuf de septembre prochain; excepté le dit moulin à scie qui ne sera livré prêt dans le mois de février de l’année mil huit cent vingt quatre…
Et le dit entrepreneur fournira à ses frais tout le bois de chêne nécessaire pour faire tous les rouets des dits moulins, ainsi que l’hérable nécessaire pour faire tous les alluchons des dits moulins; & fournira encore tous les bois nécessaires pour faire les huches, trémûs & garnitures pour le dit moulin à farine; & tout les bois sus mentionnés seront sain & bien sec & de la première qualité… s’obligeant le dit entrepreneur de faire transporter à ses frais sur la place des dits moulins tous les dit rouets & autres ouvrages qu’il fera chez lui l’hyver prochain.
De plus le dit entrepreneur sera obligé de faire refendre & débiter à la scie, à ses frais, tous les bois qui lui seront nécessaires pour faire les ouvrages mentionnés au dit devis. Et le dit entrepreneur se nourrira & ses aides à ses frais, durant le cours des dits ouvrages; & se logera.
Ce marché ainsi fait à la charge par les dits Lanaudière, Joliette et Loedel, de fournir au dit entrepreneur à pied d’œuvre & à son besoin tout les matériaux qui lui seront nécessaires pour faire les dits ouvrages … moyennant le prix & somme de quatre cents livres, argent courant de cette Province … payer … moitié de la dite somme à fur & mesure qu’il exécutera le présent marché; & l’autre moitié dans le cours de l’hyver de l’année mil huit cent vingt quatre …
Le contrat avec Antoine Peltier maître-maçon
Un troisième devis a été passé le 23 décembre 1822 avec Antoine Peltier maître maçon de L’Assomption. Les fondations du moulin étaient construites sur le galet, c’est-à-dire le rocher de la chute. Tous les travaux à faire sont encore longuement détaillés. Ces 3 contrats permettraient de faire une maquette à l’échelle du bâtiment fini.
J’ai fait un résumé du devis:
1- Faire en bonne maçonne solide en pierre de chaux un bâtiment pour servir de moulin.115 pieds de long par 45 de largeur dont 75 pieds à 3 étages (28 pieds de haut) et les autres 40 pieds à 2 étages (19 pieds). Les fondations seront prises sur le galet pour tout le corps du bâtiment ainsi que pour tous les murs de refente.
2- Les fondations auront 3½ pieds d’épaisseur jusqu’au 1er étage, 3 pieds au 2ème et 2½ au 3ème.
3- Faire un mur de refente en travers du bâtiment de 5 pieds d’épaisseur jusqu’au 1er, 3 pieds au 2ème et 2½ au 3ème. Faire 2 autres murs de refente de 3 pieds et 10 de hauteur. Faire un autre mur de refente de 3 pieds par 18 de hauteur. Faire un autre de 3 par 8. Faire un autre de 3 pieds sur la hauteur nécessaire pour recevoir les soliveaux du logement du meunier. Faire tous les piliers pour supporter les lambourdes du moulin.
4- Faire une aile derrière le dit-moulin attenant au long-pan (façade ou versant de toiture le plus long d’un bâtiment) de 9 pieds de large sur 18 avec des fondations de 3 pieds d’épais prises sur le galet, réduites aux lambourdes à 2½, 9 pieds de haut sur les lambourdes en sus des pignons qui seront aussi en maçonne. Faire le piliers pour les lambourdes.
5- Faire 5 bonnes cheminées dépassant du toit de 3 pieds. 2 seront faites doubles pour recevoir 2 deux feux. Faire les trous pour les tuyaux er les foyers. Faire une bonne masse de four en pierre. Faire un four en brique à l’une des cheminées. Faire 2 petites ailes au dit four pour recevoir une couverture.
6- Faire dans le bâtiment 10 arcades fortes et solides pour l’entrée et la sortie d’eau de la largeur et la hauteur demandée par le maître-mécanicien.
7- Faire 40 ouvertures dans la maçonne pour portes et fenêtres de la dimension demandée et toutes autres ouvertures qui seront jugées nécessaires. Placer tous les cadres en bois dans les ouvertures construites en arcades solides et installer les boîtes d’armoires.
8- Faire 2 ailes en maçonne qui joindront les empellements et 2 autres ailes à l’entrée du canal, chacune ayant 50 pieds sur 10 de haut et 6 d’épais, le tout pris sur le galet et fait bien solide, dans laquelle maçonne sera posée une charpente en bois pour recevoir une boisure.
9- Tirer tous les jointe en-dehors, enduire tout l’intérieur, cheminées et murs de refente,et tirer tous les joints des ailes.
10- Faire dans les empellements 4 piliers en maçonne forte et solide de chacun 17 pieds de long, 3 d’épais et environ 6 de haut et remplir en maçonne les 2 extrémités des empellements. Tirer les joints.
11- Faire un fourneau de la dimension demandée pour y placer 2 chaudières pour le moulin à fouler, avec un grand foyer.
12- Le bâtiment sera fait pour recevoir un comble en croupe et toutes les sablières seront maçonnées et les ravallements eront remplis de maçonne pour rejoindre la couverture. Et toutes les lambourdes seront remplies en maçonne. Toutes les cheminées seront enduites et parementées en-dedans au fur et à mesure qu’elles seront montées.
13- Faire tailler toute la pierre nécessaire pour les jambages, plats-bandes et trous de tuyaux pour les cheminées. Et les chapeaux seront en pierre bien redressée au marteau afin d’être bien jointe.
14- Tous les ouvrages seront faits dans le meilleur goût et de la manière la plus solide et chaque rang de pierre sera arasé et bien lié. L’entrepreneur suivra les plans et les directives de David Cleveland père, maître-mécanicien.
Les travaux devaient commencer le 1er juin. La manne devait être livrée le 1er août et le reste des travaux terminé le premier septembre. Les seigneurs de Lavaltrie fournissaient les matériaux et le contrat était établi pour le montant de 5.500 livres.
Antoine Peltier, maître-maçon, devait être un bon artisan puisque c’est lui qui a construit les manoirs des 2 seigneurs du village d’Industrie en 1826:
Marché entre B. Joliette et P.-C. Loedel et Ant. Peltier maître-maçon.
Une photo sur le panneau historique de la Place des Moulins montre une partie du premier moulin d’Industrie avec son revêtement de pierre (à gauche) avant sa démolition.